Trois enjeux du conflit en Ukraine à surveiller

Par Carole Le Hirez | 3 mai 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Alors que l’attention du monde est dirigée vers les combats en Ukraine, plusieurs risques importants pour les investissements pourraient passer sous le radar. En voici quelques-uns.

Les analyses qui tablaient au début au conflit sur une invasion complète de l’Ukraine se sont avérées erronées, avertit Marko Papic, stratège en chef chez Clocktower Group, invité par CFA Montréal à traiter des impacts de la guerre en Ukraine sur les portefeuilles.

« Mon point de vue demeure qu’une occupation soutenue de l’Ukraine par la Russie est hautement improbable. Ce n’est cependant pas une raison pour être optimiste », souligne-t-il.

La Russie semble en effet s’essouffler et manquer de moyens pour faire face à un conflit qui s’enlise. De plus, le soutien de sa population lui est de moins en moins acquis pour appuyer une guerre prolongée.

Dans ce contexte, voici trois enjeux principaux susceptibles d’influencer les décisions de placement, selon Marko Papic :

1. LE BLOCAGE EN CHINE 

« Les investisseurs se concentrent sur l’Ukraine et c’est compréhensible, mais le plus gros problème du moment est le blocage en Chine », assure le spécialiste.

Ce blocage, qui retarde l’expédition de denrées dans plusieurs ports chinois, pourrait durer entre un et trois mois, selon les analystes. Alors que la plupart des investisseurs s’inquiètent des conséquences de cette situation sur les chaînes d’approvisionnement, Marko Papic considère qu’elle concerne davantage la demande mondiale.

« Le ralentissement de la Chine pourrait, temporairement et tactiquement, inverser le marché haussier des matières premières et le marché baissier des obligations », indique-t-il.

2. LE RÔLE DE LA FED

Jusqu’à quel point la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) peut-elle intervenir pour redresser la situation économique ?

Si Marko Papic estime qu’il est peu probable de voir les États-Unis connaître une récession sans choc exogène au cours des 12 prochains mois, il souligne toutefois que le rythme de l’intervention de la Fed aura de l’importance pour les actifs à risque.

3. LES EXPORTATIONS RUSSES

« Les investisseurs doivent surveiller si la Russie, premier producteur mondial de matières premières, décide d’utiliser ses exportations comme levier géopolitique. Par exemple, la Russie pourrait décréter un embargo sur ses exportations de pétrole afin de lutter contre les sanctions occidentales. Moscou a refusé de le faire jusqu’à présent, mais elle pourrait changer d’avis », signale le spécialiste.

Sur cette toile de fond, le blé et l’or, qui ont très bien performé avant la crise, devraient subir un repli. Le stratège est d’avis que les matières premières ont plus de chances de rester élevées par rapport à l’énergie, même si la guerre devait se terminer soudainement.

De plus, il estime que les investisseurs devraient reconstituer un certain positionnement obligataire en cas de faiblesse et qu’ils devraient en outre s’en tenir aux secteurs défensifs des actions.

Alors que le pétrole augmente, le blé est beaucoup plus directement touché par le conflit géopolitique en raison de la nature critique de la liaison entre la mer Noire et la mer Baltique pour l’expédition du blé ukrainien et russe vers les marchés, indiquait récemment Clocktower dans un bulletin.

LA POTASSE DANS LA MIRE

Le gestionnaire d’actifs basé en Californie estime que les prix de la potasse, un élément nutritif essentiel pour les produits de base, pourraient connaître une nouvelle hausse, la Russie et le Belarus produisant ensemble environ 40 % de la potasse mondiale. Les prix des engrais ont déjà grimpé en flèche, la flambée du prix du gaz naturel ayant obligé certaines usines européennes à interrompre ou à réduire leur production.

Si les coûts des engrais continuent d’augmenter, le conflit entre l’Ukraine et la Russie pourraient déstabiliser certaines économies dont l’indice des prix à la consommation (IPC) des aliments et des boissons est élevé, comme l’Inde et le Brésil.

Un scénario particulièrement cauchemardesque, selon la firme, serait une forme d’embargo pétrolier initiée par l’Occident contre la Russie ou provoquée par Moscou elle-même. Les prix du pétrole pourraient alors facilement dépasser les 190 $ le baril. En mars, le prix du baril atteignait 150 $. Selon Clocktower, « un tel résultat constituerait un risque macroéconomique important et garantirait presque une récession au début de 2023 ».