Un célèbre investisseur rejoint l’équipe de Donald Trump

Par La rédaction | 4 janvier 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’investisseur multimilliardaire Carl Icahn a été nommé « conseiller spécial » de Donald Trump, mais sans être rattaché à l’administration fédérale, rapporte l’Agence France-Presse.

Âgé de 80 ans, l’homme d’affaires new-yorkais sera notamment chargé d’aider le président désigné, qui entrera en fonction le 20 janvier, à tenir l’une de ses nombreuses promesses électorales, à savoir déréguler la finance.

« Il est temps de nous libérer de la régulation excessive et de laisser nos entrepreneurs faire ce qu’ils font le mieux : créer des emplois et soutenir les communautés », a indiqué le nouveau conseiller dans un communiqué diffusé par l’équipe de transition du président.

À LA TÊTE D’UNE FORTUNE DE 16,5 G$

À plusieurs reprises au cours de sa campagne, le candidat Trump a violemment remis en cause la loi Dodd-Frank, votée en 2010 après la crise de 2007-2008 afin de limiter les excès de la finance et les risques pris par les banques, ainsi que mieux protéger les Américains, spécialement les consommateurs de produits financiers.

Dans des entrevues publiées au cours des dernières semaines, Carl Icahn a cependant affirmé que l’abrogation pure et simple de cette loi n’était pas une « bonne réponse », assurant au passage qu’il n’était pas forcément contre la régulation, mais plutôt « opposé à la stupidité de certaines de ces régulations ».

Détenteur d’une fortune évaluée à 16,5 milliards de dollars, l’homme d’affaires s’est notamment fait connaître du grand public en exigeant des entreprises dans lesquelles il détenait des participations (AIG, Herbalife, Apple, Netflix, entre autres) qu’elles accroissent la rémunération de leurs actionnaires.

RISQUE DE CONFLITS D’INTÉRÊTS

Cette nomination a suscité l’inquiétude de plusieurs observateurs, indique Le Figaro. Cité par le quotidien américain USA Today, un avocat estime par exemple que cette nomination est « déconcertante, voire inquiétante pour ceux qui prennent au sérieux la protection des investisseurs », ajoutant que « c’est comme si on demandait à un renard de surveiller le poulailler ».

D’autres observateurs pointent le risque de conflits d’intérêts au sein de la future administration fédérale. Carl Icahn a brassé des affaires plusieurs fois avec le président désigné, souligne Le Figaro. Icahn Enterprises a notamment racheté l’an dernier Trump Entertainment Resorts, la compagnie propriétaire du casino géant Trump Taj Mahal, à Atlantic City.

Entre l’élection du magnat de l’immobilier au mois de novembre et la période de Noël, l’action d’Icahn Entreprises, cotée à Wall Street sur le Nasdaq, a d’ailleurs vu son cours grimper de quelque 20 %, passant de 48 à près de 60 dollars.

Jusqu’où Donald Trump déréglementera-t-il la finance?

Le futur président soutient que déréguler davantage la finance contribuera à relancer l’économie des États-Unis. Mais selon l’économiste Philippe Braillard, « la nature et l’ampleur de la déréglementation que pourrait imposer Donald Trump sont encore très incertaines », car sa marge de manœuvre est relativement limitée.

Non seulement il existe des divergences d’intérêts dans ce domaine au sein du camp républicain, mais une éventuelle abrogation de la loi Dodd-Frank impliquerait la mise en place d’importantes réformes législatives et pourrait se heurter à certaines contraintes internationales, souligne dans Le Temps ce professeur honoraire de l’Université de Genève.

ABROGER DODD-FRANK SERAIT COÛTEUX

De plus, une telle opération « serait coûteuse pour les acteurs financiers américains qui ont dû, au cours de ces dernières années, s’y soumettre à grands frais en engageant des milliers de collaborateurs et en augmentant leur capital propre ».

Outre la loi Dodd-Frank, le candidat républicain s’en était pris durant sa campagne à la loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), elle aussi adoptée en 2010. Conçue pour empêcher, ou du moins limiter, l’évasion fiscale offshore par les contribuables américains, celle-ci contraignait les institutions financières étrangères à transmettre au fisc des États-Unis les informations concernant les comptes de ces particuliers.

Or, les républicains estiment qu’« elle porte atteinte à la vie privée, garantie par la constitution, et qu’elle pénalise les quelque huit millions d’Américains vivant à l’étranger », puisque son introduction « a conduit de nombreux instituts financiers étrangers à refuser les clients américains », rappelle Philippe Braillard.

« TOTALE HYPOCRISIE » DES ÉTATS-UNIS

Même si l’abrogation du FATCA serait « bien évidemment appréciée par les Américains vivant à l’étranger ainsi que par les intermédiaires financiers et les autorités des pays étrangers auxquels les États-Unis ont imposé de strictes et coûteuses obligations », l’économiste suisse juge ce scénario « peu probable ».

Son éventuelle suppression risquerait de « mettre les États-Unis en difficulté face à leurs partenaires » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20. L’Oncle Sam « ne pourrait en effet plus se cacher derrière le FATCA, comme il le fait aujourd’hui avec une totale hypocrisie, pour refuser d’appliquer la nouvelle norme mondiale de l’OCDE d’échange automatique d’informations de nature fiscale », explique Philippe Braillard.

« Ce qui pourrait ainsi pénaliser la place financière américaine, qui accueille à bras ouverts de très nombreux actifs non fiscalisés de contribuables étrangers », conclut-il.

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