Une publicité de l’AMF soulève des questions

Par La rédaction | 7 Décembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Une publicité de l’Autorité des marchés financiers (AMF) récemment diffusée dans la presse soulève certaines questions au sein de la profession, a appris Conseiller.

En effet, si ce publireportage vante les mérites de l’assurance voyage à l’heure où nombre de Québécois songent à fuir les rigueurs de l’hiver, il omet de rappeler que, avant d’acheter un tel produit, ceux-ci devraient réaliser une analyse de besoins financiers avec un professionnel. On se contente de signaler qu’il est possible d’obtenir des conseils de la part d’un représentant certifié, d’une institution financière ou d’un assureur.

Interrogée par Conseiller, Me Carolyne Mathieu, avocate spécialisée en droit civil et commercial, croit que l’AMF risque de semer la confusion auprès du public avec cette campagne ciblée sur un seul produit.

QUELLE MISSION POUR L’AMF?

« Il semble que ce reportage répond a priori à la mission de l’Autorité, explique la juriste, puisque l’article 4 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers stipule entre autres qu’elle doit “prêter assistance aux consommateurs de produits et utilisateurs de services financiers, notamment en établissant des programmes éducationnels en matière de consommation de produits et services financiers, en assurant le traitement des plaintes reçues des consommateurs et en leur donnant accès à des services de règlement de différends”. »

En revanche, Me Mathieu trouve qu’« il serait pertinent de s’interroger sur les limites de cette mission dans la nature du conseil, par ailleurs exclusivement encadré par la LDPSF ». En effet, « axer l’information sur un seul produit est susceptible d’engendrer une certaine confusion dans l’esprit du consommateur, et ce, d’autant plus que l’information émane d’un organisme détenteur d’une aura de crédibilité publique », souligne-t-elle.

publicite_amf_650x366L’ABF LAISSÉE DE CÔTÉ

« La législation exige l’établissement d’une analyse de besoins financiers avant toutes formes de recommandation de produits », et elle adopte « une rigueur manifeste à ce sujet » lorsque des professionnels passent outre, précise l’avocate.

Le publireportage de l’AMF, qui vise le grand public, se focalise sur un seul produit sans jamais souligner l’importance de cette analyse de besoins financiers ni en faire une condition sine qua non à toute recommandation.

« Alors que la loi exige qu’il n’y ait pas de vente de produit, mais plutôt que le professionnel établisse un conseil, une recommandation fondée sur une analyse rigoureuse préalable, cette question n’est pas même effleurée dans le texte », déplore-t-elle.

« Participer à une publicité encourageant la vente d’un produit spécifique sans souffler mot du travail exigé des professionnels et prôné par la loi revient un peu à faire comme si ce travail était secondaire ou carrément inexistant », croit aussi la juriste.

« En ce sens, ajoute-t-elle, le professionnel qui voudra dresser une analyse des besoins financiers lorsqu’un client lui demandera une assurance voyage risque de se retrouver dans une position difficile, du moins aux yeux du consommateur, puisque l’AMF n’en a pas soufflé un mot dans sa publicité. »

Sa conclusion? L’AMF « devrait utiliser sa tribune pour éduquer le public et valoriser le travail des professionnels ».

POUR L’AMF, IL N’ Y A PAS DE PROBLÈME

En réponse aux questions de Conseiller, le porte-parole de l’AMF s’est borné à déclarer que cette publicité s’inscrivait « exactement » dans le mandat de l’Autorité.

« Nous n’y recommandons aucun produit spécifique, mais recommandons plutôt aux consommateurs d’évaluer leurs besoins et le produit d’assurance approprié avec l’aide d’un représentant certifié », déclare Sylvain Théberge.

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