Une récession, mais des revenus en hausse

Par Nicolas Ritoux | 25 novembre 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Economie et COVID-19
Photo : koto_feja / iStock

Nous traversons la période économique la plus anormale de l’histoire canadienne, selon Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à la CIBC.

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« La période actuelle est anormale à bien des niveaux. Pour commencer, toutes les récessions du passé ont été menées par le secteur de l’économie où l’on produit des biens. Cette fois-ci, en raison de la nature de la crise, la récession est menée par le secteur des services », dit Benjamin Tal.

Selon l’expert, l’aide offerte par les gouvernements aux foyers canadiens a été dépensée davantage en biens qu’en services, si bien qu’elle est allée à des géants comme Amazon plutôt qu’à de petites entreprises de services. « Ce n’est pas une critique, c’est simplement dû à la nature de cette crise », précise-t-il.

« Une autre anormalité se trouve dans les dépenses des consommateurs. Celles-ci ont chuté en majeure partie, soit entre 70 et 80 %, chez les personnes à haut revenu. Cela s’explique par le fait que les Canadiens à plus faible revenu dépensent surtout dans des choses essentielles comme le logement ou l’alimentation. Si vous êtes une petite entreprise qui cible les gens aisés, vous allez donc perdre un plus grand volume d’affaires qu’une petite entreprise qui répond aux besoins des plus modestes. Cela s’observe dans des données de haute fréquence tant canadiennes qu’américaines. C’est du jamais vu », témoigne Benjamin Tal.

L’économiste souligne que les revenus des Canadiens sont en hausse, parce qu’ils ont reçu de l’aide des gouvernements et que beaucoup n’ont pas perdu leur emploi.

« C’est la toute première récession où l’on voit les revenus monter. Non seulement cela, mais ils ont monté pendant que la consommation s’essoufflait, et l’épargne des Canadiens a pris de l’ampleur en conséquence. Leurs liquidités disponibles atteignent pas moins de 90 milliards $, stockés dans des comptes bancaires en attendant d’être dépensés », observe Benjamin Tal. L’économiste entrevoit donc une explosion de la consommation lorsque les cordons de toutes ces bourses seront déliés. Elle aura lieu dans la seconde moitié de 2021 « quand on commencera à voir la lumière au bout du tunnel », selon lui, et elle engendrera une croissance économique de 5 à 6 % pour cette période.

Il souligne que les aides gouvernementales demeurent nécessaires, mais qu’elles pourraient être distribuées avec davantage de discernement.

« Le gouvernement canadien dépense plus que tout autre pays de l’OCDE au vu de la taille de notre économie. Notre déficit approche 350 milliards $, et notre ratio d’endettement est passé de 30 à 50 %. Et si les revenus ont autant augmenté au pays, c’est parce que l’aide gouvernementale a été distribuée à des individus et entreprises qui n’avaient pas vraiment besoin de cet argent. On devra mieux les cibler à l’avenir », croit Benjamin Tal.

Pour illustrer son point, il fait la comparaison entre une personnes aux études âgée de 17 ans qui trouve insuffisant l’argent de poche que lui donnent ses parents, et une personne seule de 45 ans avec deux enfants : « le système doit faire la différence entre ces deux scénarios. Ce n’est pas le cas en ce moment, et c’est pourquoi le système a des fuites et l’argent va là où il ne devrait pas aller. Nous paieront le prix de tout cela plus tard : un tel niveau d’endettement n’est pas tenable et les impôts devront être augmentés pour y remédier. D’ici là, il faut s’assurer que les dépenses gouvernementales sont adéquatement distribuées, et c’est extrêmement important vue la nature de cette récession. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.