Une vague d’émotivité

Par Thanes Stenner | 15 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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• Ce texte est paru dans l’édition de mars 2006 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.


Ne laissez pas l’émotivité de vos clients aisés ruiner les efforts que vous mettez dans la mise sur pied de votre cabinet.

La gestion de patrimoine est parfois chargée d’émotions. Et bien souvent, plus les sommes en jeu sont importantes, plus les émotions qui en découlent sont intenses.

Le fait que vos clients bien nantis aient en leur possession des avoirs considérables ne les protège en rien de la peur, de l’envie, de la fierté ou de toute autre émotion susceptible d’affecter leur capacité à prendre des décisions éclairées en matière de gestion de patrimoine.

Si vous désirez mettre sur pied un cabinet prospère auprès d’une clientèle aisée, vous devrez vous familiariser avec quelques-uns des scénarios classiques où l’émotivité et une analyse financière éclairée sont susceptibles d’entrer en conflit. Vous devrez également vous mettre dans la peau d’un de vos clients bien nantis afin de mieux comprendre d’où provient cette émotivité. Par la suite, vous devriez être plus à même d’anticiper les enjeux d’ordre émotionnel avant que ces derniers ne viennent affecter votre capacité à prendre les bonnes décisions pour vos clients. Voici quatre de ces scénarios classiques.

1. LE TRAUMATISME DU PRIX OU STICKER SHOCK

Le scénario : Le marché est en pleine phase de rectification et le portefeuille de votre client enregistre une perte sur papier de 10 %. À votre avis, cette phase de correction est normale. Toutefois, votre client vit la situation différemment et considère qu’il s’agit d’une crise. Vous communiquez avec lui et il est clair qu’il s’agit d’un problème de perception : vous voyez les fluctuations en termes relatifs alors que votre client y voit une perte de liquidités. Il ne peut tout simplement pas supporter une perte théorique de cinq millions de dollars, même si la valeur totale du portefeuille s’élève à 50 millions de dollars.

Ce que vous devez comprendre : Les «nouveaux riches» ont souvent de la difficulté à s’ajuster à leur nouvelle situation financière. Ils ont parfois tendance à évaluer les fluctuations en fonction de leur passé. En fait, les pertes sur papier enregistrées à la suite d’une correction peuvent parfois dépasser la valeur totale de leur actif d’auparavant! D’autres, notamment les gens qui étaient propriétaires d’une entreprise, peuvent ne pas être habitués à suivre d’aussi près leur santé financière. Il est possible qu’ils n’aient jamais été conscients de leur avoir net avant la vente de leur entreprise et maintenant qu’ils s’y attardent sur une base hebdomadaire ou trimestrielle, leur niveau d’anxiété monte d’un cran.

La solution : Préparez mentalement vos clients qui sont dans cette situation dès la première rencontre. Avertissez- les qu’ils seront possiblement victimes d’un sticker shock. Présentez- leur les premiers relevés en personne, si possible. Convenez d’objectifs raisonnables avec eux et chiffrez ces attentes en termes relatifs (%) et non en termes absolus ($). Soyez prudent lorsque vous abordez la question des bénéfices en période faste, vous pourriez le regretter lorsque les temps seront plus difficiles.

Soyez prudent lorsque vous abordez la question des bénéfices en période faste, vous pourriez le regretter lorsque les temps seront plus difficiles.

2. LA COURSE À LA PERFORMANCE

Le scénario : Un de vos clients aisés lit un article traitant de la performance exceptionnelle des titres du secteur de l’énergie au cours du dernier mois. Il communique avec vous et insiste pour que vous achetiez un important bloc de titres de la société XYZ Inc., malgré le fait que la plupart des conseillers (vous y compris) y voient un feu de paille lié à la scène politique.

Ce que vous devez comprendre : Les propriétaires d’entreprise et les cadres supérieurs sont habitués à prendre des décisions rapidement. Plusieurs ont développé au cours des ans une excellente capacité à déceler les opportunités et n’hésiteront pas à aborder le domaine du placement avec intuition. Plusieurs d’entre eux considèrent que l’analyse des investissements revient à «s’asseoir sur une barrière» et croient qu’il vaut mieux prendre une mauvaise décision que de ne pas en prendre du tout.

La solution : Expliquez à ces clients la différence entre les décisions d’affaires et les décisions d’investissement: l’analyse joue un rôle plus important que l’intuition lorsqu’il est question d’investissement. Positionnez- vous comme le protecteur de leur patrimoine et non comme celui sur qui repose la croissance de ce dernier. Exposez régulièrement vos méthodes en matière de placement et insistez pour que vos clients signent une déclaration de politique de placement afin de vous signifier leur acceptation de ces conventions.

3. LA PERTE DE CONTRÔLE

Le scénario : Une de vos clientes aisées s’inquiète à propos de son portefeuille. Elle vous a demandé de lui remettre des états financiers détaillés et des rapports sur les principaux titres qui le composent. Elle vous appelle plusieurs fois par semaine et vous pose des questions pointues à propos de vos recommandations, même si son portefeuille enregistre des bénéfices.

Ce que vous devez comprendre : Plusieurs clients bien nantis ont de la difficulté à remettre le contrôle de leurs affaires financières entre les mains de quelqu’un d’autre. D’autant plus s’il s’agit de propriétaires d’entreprise, de cadres supérieurs ou de professionnels hautement qualifiés. Comme le rendement de leurs placements échappe en bonne partie à leur contrôle, il est possible qu’ils s’inquiètent de ne pas être en mesure d’influencer la situation.

La solution : Convenez des responsabilités de chacun dès le début de la relation avec votre client : vous pouvez discuter des grandes orientations stratégiques avec lui, mais la gestion quotidienne de son portefeuille est de votre ressort. Communiquez avec votre client sur une base régulière et insistez sur votre rôle de partenaire de confiance, et pas seulement d’exécutant.

4. LE PORTEFEUILLE TROP PEU DIVERSIFIÉ

Le scénario : Un de vos clients aisés a récemment vendu son entreprise de fabrication à un ancien compétiteur et a obtenu en échange un important bloc d’actions ordinaires. Il désire les conserver puisqu’il croit en l’avenir de cette société. Ce bloc d’actions représente plus de 95 % de sa valeur nette.

Ce que vous devez comprendre : Les entrepreneurs ont généralement l’habitude de se limiter à quelques positions peu diversifiées pour l’ensemble de leurs avoirs. Plusieurs d’entre eux aiment qu’on les considère comme des personnes qui prennent des risques. Ils continuent à faire confiance à l’industrie qui leur a permis de faire fortune et hésitent à profiter des autres occasions qui s’offrent à eux.

La solution : Mettez l’accent sur la transition entre création et conservation du patrimoine. Introduisez le concept des stratégies de couverture et fournissez des exemples illustrant leur façon de fonctionner. Discutez d’autres stratégies telles que la monétisation des capitaux propres avec les clients particulièrement difficiles. Ne laissez pas l’émotivité de vos clients aisés ruiner les efforts investis dans la mise sur pied de votre cabinet. Habituez-vous à identifier rapidement les réactions émotives de vos clients aux fluctuations du marché et apprenez à les mettre devant les faits directement. En fin de compte, vos clients vous en seront reconnaissants.

Habituez-vous à identifier rapidement les réactions émotives de vos clients aux fluctuations du marché et apprenez à les mettre devant les faits directement.

thane_stenner_150x150Thane Stenner (thane.stenner@cibc.ca) est premier vice-président et conseiller en placement auprès du T. Stenner Group (www.thestennergroup.ca) chez CIBC Wood Gundy. L’opinion de l’auteur ne reflète pas nécessairement celle de Marchés mondiaux CIBC. Cet article est offert à titre informatif seulement. CIBC Wood Gundy est une filiale de Marchés mondiaux CIBC, elle-même une filiale de la Banque Canadienne Impériale de Commerce et membre du Fonds canadien de protection des épargnants.


• Ce texte est paru dans l’édition de mars 2006 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Thanes Stenner