Valeurs mobilières: le projet d’Ottawa est inconstitutionnel

Par La Presse Canadienne | 11 mai 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La Cour d’appel du Québec est d’avis que le projet de Commission pancanadienne des valeurs mobilières d’Ottawa est inconstitutionnel sous plusieurs aspects.

C’est la seconde fois que la Cour d’appel du Québec jette un seau d’eau froide sur les tentatives du fédéral de réglementer les valeurs mobilières. Elle avait également déclaré son précédent projet inconstitutionnel en 2011, peu avant que la Cour suprême ne fasse de même.

Mercredi, un banc de cinq magistrats de la Cour a rendu cet avis consultatif, à quatre contre un. Le juge Mark Schrager s’est abstenu de répondre à la question portant sur la légalité du projet dans son ensemble qui comprend deux lois, un protocole d’accord entre les provinces et Ottawa, et une autorité de réglementation unique.

La Cour s’est aussi penchée sur un aspect spécifique de la proposition de régime fédéral, soit la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux. Elle a conclu que celle-ci n’excédait pas la compétence du fédéral, sauf en ce qui a trait à quatre articles portant sur le rôle et les pouvoirs du Conseil des ministres mis sur pied pour superviser le régime des valeurs mobilières. Tant et aussi longtemps que ces articles font partie de la Loi, ils la rendent inconstitutionnelle dans son ensemble, ont indiqué quatre juges de la Cour d’appel, le magistrat Schrager étant dissident sur ce point.

Selon les juges de la majorité, le régime « entrave la souveraineté parlementaire des provinces participantes et est, partant, inconstitutionnel. Il assujettit en effet la compétence de légiférer des provinces à l’approbation d’une entité extérieure (le Conseil des ministres), ce qui n’est pas permis », peut-on lire dans l’avis.

UNE COMPÉTENCE PROVINCIALE

C’est le gouvernement du Québec qui avait demandé à la Cour d’appel, à l’été 2015, de se pencher sur la constitutionnalité de ce projet fédéral.

La province a toujours fait valoir que la réglementation des valeurs mobilières était dans son champ de compétences en vertu de la Constitution et s’insurgeait face aux tentatives d’Ottawa de s’y immiscer.

Ce projet actuellement contesté par Québec est la plus récente tentative du gouvernement fédéral.

La précédente avait d’ailleurs échoué: en 2011, la Cour suprême du Canada avait donné pleinement raison aux provinces qui contestaient les ambitions d’Ottawa, notamment le Québec et l’Alberta, en reconnaissant, dans un avis unanime, que le projet de loi de l’époque était une « intrusion massive » du Parlement fédéral.

Mais du même souffle, le plus haut tribunal du pays reconnaissait que rien n’empêchait le fédéral et les provinces d’« exercer harmonieusement leurs pouvoirs respectifs » dans le domaine des valeurs mobilières, « dans l’esprit du fédéralisme coopératif ».

Se basant ainsi sur les suggestions faites par la Cour, Ottawa est revenu à la charge en 2013 avec l’actuel projet – baptisé « régime coopératif de réglementation des marchés de capitaux » afin de le distinguer du précédent – en vue de créer une autorité canadienne des valeurs mobilières à laquelle les provinces seraient libres d’adhérer.

PLUS EFFICACE?

L’Ontario et la Colombie-Britannique ont soutenu le projet fédéral dès le début, puis à l’été 2014, la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick les ont rejointes, rendant ainsi le projet caressé par Ottawa un peu plus concret. L’Île-du-Prince-Édouard et le Yukon leur ont ensuite emboîté le pas.

Ottawa soutient qu’un organisme unique pour le pays serait plus efficace et assurerait la stabilité des marchés. Il fait aussi valoir que le système serait aussi plus attrayant pour les investisseurs qui n’auraient pas à affronter la paperasse de toutes les provinces ni à payer des frais multiples.

Mais le projet n’a pas plu à Québec. Selon le gouvernement de Philippe Couillard, la proposition fédérale « nuirait au maintien de l’expertise québécoise dans le domaine des valeurs mobilières, un secteur névralgique pour notre économie ».

De plus, « l’actuel régime d’encadrement des valeurs mobilières harmonisé et collaboratif, mis en place par les provinces et les territoires, répond très bien aux objectifs de protection des investisseurs et de développement économique », a fait valoir le ministre des Finances Carlos Leitao lorsqu’il a formulé la demande d’avis à la Cour d’appel.

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