Vérification fiscale : comment éviter la catastrophe?

Par Me Maxime Alepin, Me Jean-Paul Melko et Jean-Sébastien Gosselin | 29 juin 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
8 minutes de lecture

Si la société de votre client ou lui-même fait l’objet d’une vérification par le fisc, sachez qu’il y a des recours.

Tout d’abord, les agences du revenu peuvent avoir plusieurs raisons de procéder à une vérification, telles que des erreurs ou des omissions dans la déclaration des contribuables. En effet, si les informations, registres et documents que votre client a fournis à une autorité fiscale sont, de l’avis de cette dernière, incomplets, inadéquats ou non fiables, une vérification pourrait alors être entamée.

Nos systèmes fiscaux québécois et canadien sont basés sur le principe de l’autocotisation, c’est-à-dire que chaque personne, qu’elle soit physique ou morale, doit produire elle-même une déclaration de revenus annuellement dans les délais prescrits pour que chacun paie sa juste part d’impôt.

Néanmoins, pour différentes raisons, les déclarations de certaines personnes et/ou sociétés ne sont pas produites ou peuvent l’être sans être conformes à la réalité, par exemple, si elles indiquent des revenus inférieurs à ceux réellement gagnés, déduisent plus de dépenses et/ou réclament plus de remboursements de taxes que ce à quoi elles auraient eu droit durant l’année fiscale.

Ceci étant dit, bien que votre client ait transmis sa déclaration de revenus ou le rapport de taxes de sa société, il faut savoir que Revenu Québec n’est pas liée par ces derniers ni par les informations qu’ils contiennent. Cela est d’ailleurs explicitement prévu à l’article 95.1 de la Loi sur l’administration fiscale (LAF). En effet, l’agence gouvernementale pourrait faire une vérification de sa déclaration ou son rapport et décider d’émettre de nouveaux avis de cotisation, et ce, même si plusieurs années se sont écoulées.

De manière générale, le fisc peut procéder à une vérification n’importe quand, mais a jusqu’à trois ans en matière d’impôt et quatre ans en matière de taxes suivant l’émission d’un avis de cotisation antérieur pour en émettre un nouveau et ainsi demander au contribuable de payer des montants additionnels.

En revanche, s’il soupçonne qu’une fraude a été commise ou qu’une fausse déclaration a été faite, aucun délai de prescription ne s’applique et les agences du revenu peuvent remonter dans le passé aussi loin qu’elles le croient nécessaire. De plus, des pénalités pouvant s’élever jusqu’à 50 % du montant d’impôt et/ou des taxes à payer peuvent être imposées si ces soupçons s’avèrent réels, en plus de l’impôt et des intérêts.

Comment font les agences?

Le fisc possède plusieurs outils et méthodes afin de vérifier les déclarations et déterminer l’impôt réel et les taxes payables. Une des façons est de procéder à une vérification par une méthode dite « alternative » (nommée aussi « indirecte » ou « estimative »).

Plusieurs ont été reconnues par les tribunaux et prennent leur source dans l’article 95.1 LAF. Parmi celles-ci, citons le mouvement de trésorerie, l’avoir net, l’analyse des dépôts bancaires, la reconstitution des ventes en fonction des achats et/ou de ratios ou de statistiques, etc.

Les méthodes indirectes impliquent souvent la comparaison et la combinaison des données fiscales fournies par le contribuable ou le mandataire à certains renseignements externes et statistiques sur les ménages ou les entreprises dans le même domaine d’activité.

Par exemple, dans le cadre de la vérification d’une personne physique par la méthode du mouvement de trésorerie, le vérificateur dresse essentiellement le bilan global du contribuable et de son ménage. Pour ce faire, il présente un tableau où l’on retrouve les années concernées par l’enquête, le nombre de personnes qui composent le ménage, les entrées et les sorties de fonds.

La section des entrées de fonds comprend habituellement : les revenus déclarés, les prestations familiales, les remboursements d’impôts, les prêts reçus pour des biens meubles et immeubles, les investissements et emprunts et autres entrées de fonds (comme les dons et gains de loterie).

Quant à la section des sorties de fonds, elle comprend habituellement : les ajustements fiscaux, les retenues salariales, les impôts payés, les dépenses personnelles, l’acquisition et les versements pour l’automobile et l’hypothèque résidentielle, les placements, etc.

Cet exercice permet de constater s’il y a une insuffisance des entrées de fonds sur les sorties. Si tel est le cas, l’écart représente les revenus que le contribuable n’aurait pas déclarés pour les années vérifiées.

En fonction de l’importance de ces montants et de différents autres facteurs, tels que la répétition des erreurs ou des omissions, la crédibilité et la bonne foi du contribuable, sa formation (par exemple, s’il a une expertise comptable ou juridique) et son expérience (par exemple, s’il a travaillé en affaires), le vérificateur imposera ou non des pénalités, en plus de l’impôt et des intérêts. Ce dernier est généralement moins clément avec les personnes qui détiennent une formation ou de l’expérience en comptabilité, en droit ou en affaires, comme elles sont supposées mieux connaître leurs obligations.

Du côté des entreprises

Pour ce qui est d’une société, le vérificateur analysera les états financiers de la société et les registres comptables (journal des ventes et des dépenses, registres de paie, registres des taxes, grand livre, factures, etc.). Il peut aussi demander à consulter les relevés de comptes bancaires et de cartes de crédit, en plus d’étendre sa vérification à l’administrateur et/ou à l’actionnaire.

La méthode alternative lui permettra d’estimer ou de reconstituer les ventes d’une société en fonction des dépôts bancaires, des achats effectués et/ou de ratios différents selon le domaine d’activité, par exemple, le pourcentage que représentent les salaires, les achats de marchandise ou le coût des services publics par rapport aux ventes déclarées). Si le taux obtenu pour la société est différent de celui des ratios de l’industrie, le vérificateur déterminera qu’il y a une possible existence de revenus non déclarés.

À titre de recours, votre client peut habituellement soumettre au vérificateur de nouveaux faits et documents dans les 21 jours suivant la réception d’un projet de cotisation. Si le résultat n’est pas concluant, il peut contester les avis de cotisation qu’il a reçus, et ce, dans un délai de 90 jours. Enfin, s’il n’est pas satisfait de la décision sur sa contestation, il peut s’y opposer en déposant un avis d’appel devant la Cour du Québec (ou la Cour canadienne de l’impôt au fédéral) dans un délai de 90 jours suivant la date de la décision sur opposition.

Une des solutions afin d’éviter un litige fiscal est de mettre en place des systèmes pour collecter, conserver et vérifier les données et documents permettant de déterminer de façon fiable et exacte les montants d’impôts et de taxes à payer ou à recevoir. Cela peut se faire en tenant les livres et registres à jour.

Pour les administrateurs, actionnaires et employés d’une société, il pourrait aussi être important, par exemple, d’avoir un registre de kilométrage pour l’utilisation du véhicule de la société, d’avoir un compte bancaire et/ou une carte de crédit distinct pour les dépenses de la société, de répertorier les remboursements de dépenses encourues pour la société ainsi que de conserver une justification des dépôts effectués dans les comptes bancaires personnels.

Dans les circonstances, que votre client désire prévenir ou régulariser sa situation, il est fortement recommandé de recourir aux services d’un comptable et d’un avocat afin de s’assurer que sa déclaration de revenus et ses rapports de taxes soient conformes à la réalité.


Me Maxime Alepin et Me Jean-Paul Melko sont avocats chez Alepin Gauthier Avocats inc et Jean-Sébastien Gosselin, CPA, CA, est comptable à JSG CPA inc.


Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.

Me Maxime Alepin, Me Jean-Paul Melko et Jean-Sébastien Gosselin