Vers une fragmentation des marchés?

9 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Brexit, montée du populisme et du protectionnisme, examen de la réglementation : le contexte politique mondial perturbe les marchés financiers, croit l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM).

« L’une des plus grandes menaces pour la stabilité et l’efficience des marchés mondiaux est peut-être maintenant d’ordre politique, écrit son président Ian C. Russel dans la dernière mouture de sa lettre aux membres. Le contexte politique perturbe les marchés à l’heure où s’intensifient un sentiment anti-immigration et des pressions populistes d’opposition à la mondialisation et à la libéralisation des échanges. Cette montée du populisme, en entravant les échanges commerciaux et la croissance, fragmente les marchés mondiaux du crédit et amplifie les inefficiences des flux financiers. »

Tout juste rentré du congrès de l’International Capital Market Association (ICMA), organisme qui représente plus de cinq cents institutions financières des côtés acheteur et vendeur, M. Russell estime que le monde s’en va vers une fragmentation des marchés mondiaux et que cela est inquiétant.

« La prospérité mondiale dépend de marchés financiers ouverts qui facilitent les échanges commerciaux internationaux et l’investissement transfrontalier, écrit-il. Des marchés financiers hautement intégrés, en particulier ceux du crédit, sont menacés de fragmentation par un éventail de facteurs. La Commission européenne a jusqu’ici accordé une grande importance à l’intégration des marchés financiers européens dans le cadre de l’initiative de l’Union des marchés des capitaux (UMC). L’UMC prévoit des mesures visant à améliorer le fonctionnement des marchés financiers par une harmonisation accrue des régimes d’information, fiscaux et d’insolvabilité ainsi que des lois sur les valeurs mobilières de l’UE. »

Or, ces efforts pour renforcer les marchés du crédit européens sont maintenant mis en péril, croit-il. L’issue du vote sur le Brexit, la montée du populisme et du protectionnisme en Europe et ailleurs et les appels à la déréglementation et au démantèlement de réglementations existantes menacent de fragmenter les marchés financiers européens et mondiaux et ainsi de réduire l’efficience de ces marchés et de faire augmenter les coûts d’intermédiation.

LES ACCORDS PIÉTINENT

Première grande incertitude, donc : l’issue des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Négociations qui s’étaleront sur une période de deux ans, durant laquelle tout est possible.

« De l’avis général, les deux parties pratiqueront la politique de la corde raide, mais s’entendront in extremis, écrit le président de l’ACCVM. L’accord comprendrait des arrangements transitionnels qui éviteraient des dislocations et des interruptions pour les marchés et les entreprises. Un règlement financier suffisant pour les membres de l’UE27 pourrait permettre à ceux-ci d’amortir l’impact d’ajustements et d’entreprendre des réformes structurelles primordiales. Il pourrait également être la clé du maintien de relations commerciales fortes entre l’UE27 et le Royaume-Uni et d’une séparation acceptable. Vu le court délai de négociation imparti, les arbitrages se poursuivront sans doute jusqu’à la toute fin. »

Autre menace : la montée du populisme et du protectionnisme, qui vont souvent de pair. Ian Russel évoque le rejet du Partenariat transpacifique (PTP) par les États-Unis, le piétinement des négociations sur un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre les États-Unis et l’UE, la renégociation de l’ALÉNA et d’autres mesures destinées à entraver les échanges commerciaux internationaux, en réponse à des pressions politiques et populistes. Autant de dossiers qui, selon lui, vont nuire aux flux financiers transfrontaliers et entraîner le découplage de marchés régionaux.

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

Enfin, le président rappelle que les organismes de supervision des marchés financiers mondiaux sont plongés dans un vaste examen de la réglementation mise en place après la crise financière mondiale de 2007-2008. Ceux-ci procèdent à l’analyse et aux consultations nécessaires pour déterminer si les réformes sont allées trop loin et ont, de ce fait, freiné la croissance mondiale et eu des conséquences non désirées, analyse-t-il.

« Cet exercice progresse plus ou moins vite selon le territoire de compétence, et certains organismes de réglementation manifestent une inertie considérable, considérant qu’un retour en arrière exagéré dans les réformes pourrait menacer la stabilité financière, écrit-il. Au-delà des risques d’accentuation de l’instabilité financière, l’effort de déréglementation est compliqué par le fait qu’il est peu coordonné entre territoires de compétence. Cela pose un risque de fragmentation des marchés mondiaux, une déréglementation plus rapide sur certains marchés que sur d’autres pouvant entraîner des inefficacités et des coûts pour les intermédiaires, de même que l’interruption de flux de capitaux transfrontaliers. »

Autant de raisons de s’inquiéter, autant de dossiers qui menacent la prospérité mondiale, conclut Ian Russel.