Visé par une plainte : 7 questions pour un avocat

Par Didier Bert | 13 juin 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Quand un conseiller est poursuivi devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF), l’organisation de sa défense peut tourner au casse-tête. Doit-il prendre un avocat ou se défendre seul pour éviter des dépenses? Comment trouver le bon juriste? Que faire s’il ne donne pas satisfaction?

1. Faut-il prendre un avocat?

Tout dépend du risque que le conseiller est prêt à courir en se présentant seul.

  • Si son droit de pratique peut être mis en jeu, il devrait se présenter accompagné d’un avocat.
  • S’il ne risque qu’un blâme, le conseiller peut choisir de se défendre seul pour limiter les coûts. Mais sa réputation pourrait tout de même en pâtir : la publication de sa radiation temporaire dans le journal local peut encourager la clientèle à se tourner vers d’autres représentants. « Certains en font une question de principe, ils veulent défendre leur réputation, observe Yan Paquette, avocat spécialisé en litige et services financiers chez Langlois Kronström Desjardins. D’autres peuvent estimer que le temps mis à préparer leur défense n’est pas utilisé pour gagner leur vie. »

2. Qu’apporte l’avocat?

L’avocat peut notamment envisager les conséquences d’une plainte disciplinaire dans des poursuites civiles. C’est au client de décider s’il plaide coupable ou non… Mais l’avocat l’informe des conséquences de ce plaidoyer sur des poursuites civiles présentes ou futures, souligne Me Paquette.

L’avocat peut aussi aider à circonscrire les accusations du syndic. « Souvent le syndic va ratisser très large dans une enquête pour essayer de trouver une plainte disciplinaire », observe Robert Brunet, avocat chez Brunet & Brunet. Me Brunet défend des professionnels de nombreux ordres devant leurs comités de discipline. « La majorité des plaintes ne sont rien d’autre que l’exutoire des frustrations de particuliers qui ne sont pas contents pour une raison ou une autre. (…) L’objectif consiste alors à acheter la paix avec le demandeur d’enquête », ajoute le juriste, avant d’illustrer son propos : « personne ne dépose une plainte parce que son représentant n’a pas tenu ses dossiers adéquatement. Mais cette accusation peut venir étayer une autre plainte. »

3. Où trouver son avocat?

Le conseiller devrait se tourner vers un avocat compétent dans toutes les instances qui pourraient être saisies à la suite d’une plainte (disciplinaire, pénal, civil). Me Paquette évalue à moins d’une cinquantaine le nombre d’avocats québécois qui disposent d’expériences sur l’ensemble de ces trois tableaux.

À défaut, comme le disciplinaire a des règles de procédures pointues, mieux vaut commencer par trouver un avocat expérimenté dans ce domaine. Le plus simple est de visiter le site de la Chambre de la sécurité financière, à la rubrique des Rôles d’audience.

Le conseiller y trouvera toutes les causes plaidées devant le comité de discipline de la CSF, et donc les avocats qui y interviennent.

4. Quand rencontrer l’avocat?

Si les conseils d’un avocat sont nécessaires, mieux vaut les obtenir au début de la procédure. « Il arrive que des représentants décident de se défendre par eux-mêmes, avant de se raviser et de venir me voir, constate Me Paquette. Mais si le représentant a déjà fait des déclarations alors que des précautions n’ont pas été prises, ses propos peuvent se retrouver entre les mains du plaignant, qui pourra s’en servir. » Au lieu d’établir une déclaration initiale, l’avocat peut conseiller d’attendre les questions des enquêteurs avant de donner des réponses, certes pertinentes pour le syndic, mais qui ne sont pas néfastes pour le représentant en cas de poursuites civiles, indique Me Paquette.

5. Combien ça vous coûtera?

Le conseiller Michel Marcoux dit avoir dépensé quelque 250 000$ en frais juridiques depuis le début des enquêtes de l’AMF et de la CSF à son sujet.

Ce chiffre n’étonne pas les avocats consultés par Conseiller.ca : le cas Marcoux demeure exceptionnel par sa complexité, affirment-ils.

De manière générale, les frais dépassent rarement 20 000$ pour défendre un représentant devant la CSF, indique Me Paquette. Les coûts grimpent avec la complexité du dossier (le nombre de témoins impliqués, le nombre de documents à consulter, la longueur des auditions).

Pour un dossier simple, comptez débourser au moins 4 000 $, précise Me Brunet, qui a vu les dépenses s’envoler jusqu’à 175 000$ pour des dossiers importants plaidés en faveur de dentistes et de psychologues. Le plus souvent, la défense devant les ordres professionnels revient à moins de 50 000$, estime Me Brunet.

6. Qui peut payer à votre place?

L’assurance en responsabilité professionnelle est obligatoire pour les intermédiaires financiers, sauf pour les conseillers en placement. Elle ne concerne que les plaintes au civil. Cette assurance vous trouvera un avocat, et le paiera. Elle versera même les dédommagements au demandeur.

Mais si le conseiller est reconnu coupable d’une faute intentionnelle, il pourrait devoir rendre des comptes à son assurance, ce qui pourrait le conduire à rembourser les sommes avancées par l’assureur.

Pour le disciplinaire ou le pénal, des assurances complémentaires existent. Mais elles ne paieront jamais les amendes à votre place.

Il est enfin possible de souscrire à une assurance qui couvre les frais juridiques sur une base personnelle. C’est une couverture liée à votre assurance automobile ou à celle de votre résidence; elle peut également être acquise séparément. Mais vérifiez que votre activité professionnelle est réellement couverte, et qu’elle s’appliquera en cas de poursuite disciplinaire!

7. Se retourner contre son avocat?

Et si votre avocat ne vous donne pas satisfaction, vous pouvez aussi vous retourner contre lui, rappelle Martine Meilleur, coordonnatrice des communications au barreau du Québec.

  • Si vous avez été bien défendu, mais que les honoraires sont trop élevés, demandez un avis au bureau du syndic du Barreau du Québec. Il examinera si une faute déontologique a été commise. Il pourra aussi étudier si le montant des honoraires est justifié relativement aux services rendus.
  • Si vous croyez avoir été mal défendu, le syndic du barreau peut mener une enquête, qui peut conduire à interroger les participants du dossier. Ultimement, le syndic pourrait déposer une plainte pour infraction au code de déontologie.


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Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.