VIX, l’indice de la peur

Par Charles K. Langford | 9 juin 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Toute compagnie est sujette à deux risques : celui qui lui est spécifique (la qualité de sa gestion) et celui qui est systématique (soit lié au pays : les aléas du taux de change, des taux d’intérêt, etc.). Parfois, on recommande l’achat d’un titre en fonction de ses qualités spécifiques, mais on a tendance à oublier qu’il est sujet aussi à l’autre risque, celui du marché. Une façon simple et immédiate d’avoir un aperçu de ce dernier est de jeter un coup d’œil à l’indice VIX.

Une tendance du marché (un indice boursier, un FNB, un titre de société) peut être linéaire ou confuse. Dans le premier cas, on dira que la tendance a une faible volatilité et dans le deuxième, qu’elle semble discernable, mais erratique, parce que la volatilité est élevée. En effet, cette dernière est un indicateur d’incertitude parmi les joueurs du marché : si la grande majorité des intervenants est d’accord sur le fait qu’il y a une hausse, le cours du marché est plutôt linéaire. Autrement, il devient tortueux. Finalement, la turbulence, fruit de l’incertitude ou de la déception des joueurs, peut détruire une tendance et, dès lors, le portrait du marché devient hermétique.

Le besoin de comprendre si une tendance est solide ou simplement le fruit de la turbulence, créée par l’indécision des intervenants, a mené, aux États-Unis, à la création en 1993 de cet instrument qu’on appelle aujourd’hui VIX, aussi surnommé « Indice de la peur ». Établi chaque jour par le Chicago Board Options Exchange, le VIX permet de mesurer la volatilité du marché financier étatsunien.

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Voici le graphique de l’évolution de cet indice à partir de 1999 jusqu’en avril 2014, suivi de celui du SPY (le FNB de l’indice américain S&P 500) et de celui du XIU (le FNB de l’indice canadien S&P/TSX 60).

On constate que plus le niveau du VIX est bas, plus la tendance à la hausse est évidente. Quand le VIX se situe entre 10 et 20 points, la tendance est clairement à la hausse; entre 20 et 30, il indique un certain malaise; au-delà de 30, il indique clairement que la tendance a des problèmes et qu’il faut s’en méfier.

La montée du SPY entre 2007 et 2008, simultanément avec celle du VIX, indique que cette hausse du SPY était artificielle et donc prête à s’inverser, créant la crise de l’année suivante. Les montées du VIX de 2010 et de 2011 reflètent l’incertitude des marchés américains face à la crise européenne, causée d’abord par la dette souveraine de la Grèce, et ensuite par celle d’autres pays européens. On notera aussi que le XIU, malgré une composition de l’indice sous-jacent qui n’est pas de la même nature que celle de l’indice américain, suit en définitive le marché américain, en subissant systématiquement l’effet d’incertitudes liées à ce dernier.

Comment ça marche? Le VIX est composé d’une partie de la « prime » (ou prix) des options. Cette partie a le nom de « valeur temps ». Les options prises en considération dans le VIX sont celles qui existent sur chacun des titres qui composent l’indice S&P 500. Les options ont la caractéristique naturelle de voir leur prime augmenter quand la volatilité des titres sous-jacents à ces options grimpe et vice-versa. Donc la prime des options diminue quand l’incertitude des investisseurs baisse et elle monte quand l’incertitude augmente.

Dans l’analyse d’un titre individuel, il ne faut donc pas ignorer l’importante influence de l’ensemble du marché sur l’évolution de ce titre : un simple coup d’œil au graphique du VIX, et à sa valeur du moment, peut se révéler fort utile. Quand le VIX est à des niveaux inquiétants, il faut être prudent quant à l’achat d’un titre, peu importe les qualités attrayantes de ce dernier.

Aux États-Unis, on recommande généralement à celui qui craint une baisse de valeur de son portefeuille de titres de le protéger dans son ensemble avec l’ « achat de la peur ». En effet, il existe un BNB (ou billet négocié en Bourse, une variante de FNB) qui porte le symbole VXX et qui fluctue comme le VIX. Le VXX génère d’habitude un profit quand les indices boursiers sont à la baisse.

Existe-t-il un « indice du courage » ou « d’impavidité », c’est-à-dire un indice qui est le contraire de l’ « indice de la peur »? Oui, naturellement, et on peut même l’acheter : son symbole est évidemment XIV, soit l’inverse de VIX.


Charles K. Langford, Ph. D., Fellow CSI, est président de Charles K. Langford Inc., gestion de portefeuilles, et enseigne la théorie financière et l’utilisation des dérivés dans la gestion d’actifs et passif à l’École des sciences de la gestion (UQÀM).

Ce texte est paru dans l’édition d’avril 2014 de Conseiller. Cliquez ici pour consulter l’ensemble du numéro.

Charles K. Langford