Vos clients au lourd passé sont-ils assurables?

Par Bernard Viau | 21 Décembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Certains clients ont de mauvaises habitudes de vie. Leurs propositions d’assurance vie sont parfois refusées, ou reviennent avec une surprime. Comment éviter cette situation?

J’ai souvent rencontré des clients qui n’étaient plus assurables parce qu’un conseiller avec moins d’expérience avait présenté une demande sans bien évaluer leurs chances d’acceptation en tarification. L’assureur les avait donc refusés.

C’est souvent en début de carrière que les conseillers présentent des cas difficiles à assurer sans s’en rendre compte. La conséquence est non négligeable : un jeune conseiller peut ainsi « brûler » l’assurabilité future de son client, qui ne pourra refaire une demande qu’après un délai de deux ans.

Pour prévenir cette erreur, lorsque vous rencontrez un client chez lui, vous devez d’abord observer autour de vous. Cherchez des indices d’une éventuelle consommation d’alcool, de drogue, de médicaments et soyez attentif aux symptômes de dépression ou aux antécédents judiciaires. « Nos conseillers sur le terrain sont nos premiers tarificateurs », m’a déjà dit un tarificateur.

PROBLÈME D’ALCOOL

L’humain a tendance à minimiser sa consommation d’alcool. Pour bien évaluer si celle-ci sera un problème pour l’assureur, voici les questions délicates qu’il doit se poser. Son médecin lui a-t-il recommandé de diminuer sa consommation? Son permis de conduire a-t-il déjà été suspendu? A-t-il déjà été dans un groupe d’alcooliques anonymes? Si oui, la tarification hésitera ou refusera carrément de l’assurer.

PROBLÈME DE DROGUE

L’usage de l’héroïne, de la cocaïne ou de drogues de synthèse entraînera également un refus pour votre client. En revanche, il est possible que vous rencontriez des clients qui ont déjà consommé auparavant, mais qui ont repris le contrôle de leur vie. Vous pourriez probablement les faire assurer en passant par un courtier en assurance de personnes. Les banques, quant à elles, ne touchent pas à ce marché.

Le cannabis est maintenant accepté en tarification d’assurance vie. Attention : la tendance actuelle veut que le taux fumeur s’applique si votre client consomme parfois du tabac en plus du cannabis. Informez-vous des critères exacts auprès des assureurs avant d’envoyer votre proposition, car la différence de prime entre fumeur et non-fumeur varie de 40 % à 120 % selon l’âge et les critères sont très différents d’un assureur à l’autre.

POSEZ LES BONNES QUESTIONS

Un de mes clients a déjà été catégorisé comme fumeur par erreur. Son échantillon d’urine indiquait un taux de nicotine élevé même s’il ne fumait pas! Il avait assisté à une réunion de famille la veille et beaucoup de personnes avaient fumé dans la pièce. Pour éviter que l’histoire se répète, je me suis mis à avertir mes clients de faire attention s’ils devaient se rendre à une fête.

Une autre de mes clientes a aussi déjà été étiquetée comme consommatrice de cannabis parce qu’à Noël l’année précédente, ses enfants lui ont fait « essayer » un joint. La chère dame a raconté toute l’histoire à l’infirmière qui faisait l’entrevue médicale six mois plus tard. Vous devriez donc dire à vos clients d’être vigilants. Personnellement, je leur expliquais à quelles questions délicates ils allaient faire face pour les préparer à répondre adéquatement tout en restant honnêtes.

PRÉPAREZ VOS CLIENTS À L’ENTREVUE MÉDICALE

Selon mes estimations personnelles, 15 % de mon ancienne clientèle consommait régulièrement du cannabis. Une proportion qui doublait si je demandais simplement : « En avez-vous déjà consommé? ». Vos clients doivent comprendre qu’il ne sert à rien d’essayer de minimiser leur consommation de drogue. Les drogues restent plusieurs semaines, voire des mois dans le sang et l’urine.

Prévenez-les avec tact lorsque vous les préparerez à l’entrevue médicale; un oubli ou un mensonge pourrait revenir les hanter. Ils risquent un refus pour fausse déclaration ou pire, un refus de règlement en cas de décès. De plus, les raisons du refus ou d’une surprime seront inscrites au Medical Information Bureau (MIB, ou bureau d’information médicale), accessibles aux autres compagnies d’assurance.

J’ai connu un client à qui l’on a refusé le règlement d’une assurance vie parce que celui-ci avait omis de spécifier un épisode de dépression ainsi qu’une consommation de cannabis cinq ans plus tôt. Après son suicide, je me suis demandé si j’aurais dû lui poser plus de questions. Son épouse avait deux enfants à charge et n’a reçu aucun argent après le décès.

PROBLÈME DE SANTÉ MENTALE

Les compagnies d’assurance sont très frileuses lorsqu’il s’agit d’assurer des gens qui ont connu des épisodes d’épuisement professionnel (burnout), de dépression passagère ou d’autres problèmes de santé mentale, car ils sont un terreau fertile pour le déclenchement de maladies physiques. Pensez à noter les antidépresseurs prescrits à vos clients et leur dosage exact pour en parler avec votre service de tarification avant de présenter officiellement la demande.

Si vous connaissez un peu les principaux médicaments consommés en de tels cas, vous pourrez alors prévoir les refus ou les surprimes possibles et préparer votre client en conséquence. Avec le temps et l’expérience, on a une idée plus précise des dosages et des médicaments qui font peur au service de tarification.

PROBLÈME LÉGAUX ET CAS SPÉCIAUX

Un client en faillite est assurable. Par contre, il lui est interdit de changer de bénéficiaire. Si votre client a un casier judiciaire, plusieurs institutions financières refuseront de l’assurer. Informez-vous : a-t-il reçu son pardon? Quelles sont les dates exactes de sa sortie de prison? Cette information vous permettra de déterminer quand présenter une demande d’assurance. Le moment idéal dépend de chaque situation; une expérience des barèmes de tarification s’acquiert avec le temps.

Votre client est-il un adepte de sports dangereux : plongée sous-marine, alpinisme, parachutisme ou combats extrêmes? En est-il un amateur ou un professionnel? Cette dernière question fait toute la différence du monde pour les assureurs. Les amateurs sont assurables, les professionnels, non (ou par d’autres canaux, avec ce qu’on appelle des assurances ponctuelles pour un ou deux jours).

Les grands voyageurs posent aussi problème en tarification. Se rendre dans certains pays à haut risque n’attire pas les faveurs des assureurs, et la durée du séjour a aussi une influence. Deux semaines au Mexique ne posent pas de problème. Six mois par année au Panama ou au Belize pourraient représenter un risque accru. Selon ce que m’a dit un directeur des ventes, les assureurs semblent posséder leurs listes noires des pays acceptés ou non en tarification ou, du moins, une liste des contrées à risque envers lesquelles ils se montrent plus frileux.

Les questions importantes à poser à ce type de clients concernent le lieu de résidence pour la déclaration d’impôt, les dates d’absence du Canada et les pays visités. Ainsi, le lieu de résidence (180 jours) détermine si l’assurance maladie reste en vigueur. La résidence au 31 décembre fixe le pays où le client paiera son impôt. Ce dernier doit éviter de passer plus de 180 jours consécutifs hors du Canada, sous peine d’être difficile à assurer.

COMMENT PROCÉDER

Les compagnies d’assurance sont très discrètes sur leurs « secrets » de tarification et refusent d’en discuter. Pour traiter les dossiers de vos clients au lourd passé, il est préférable de faire affaire avec un courtier en assurance, qui n’est pas tenu de vendre des produits maison.

Martin Hébert est directeur des ventes et planificateur financier chez Lussier Dale Parizeau, un important cabinet de courtage en assurance. Selon lui, un conseiller se doit de connaître très bien les critères d’acceptation des différents assureurs. Selon la compagnie, il est préférable de présenter une proposition d’assurance d’une durée de cinq, trois ou deux ans avant de considérer le dossier en assurance vie (deux ans pour la majorité des compagnies). Avec l’expérience, on sait à quel assureur s’adresser pour son client. Il n’y a que trois au quatre compagnies qui acceptent d’évaluer les cas difficiles, selon M. Hébert.

Pour définir laquelle, voici la méthode que m’a déjà enseigné un ancien directeur des ventes. D’abord, il suggérait de présenter une proposition d’assurance à acceptation garantie qui respecte le budget du client. Cela impliquait évidemment parfois de diminuer le capital assuré, mais mieux vaut une petite assurance que pas d’assurance du tout.

Ensuite, il préconisait de contacter son assureur régulier avec des informations précises sur le client. Depuis quand consomme-t-il? A-t-il reçu un avis médical sur sa condition physique, de son médecin de famille ou d’un spécialiste? Quelle est la quantité exacte de drogue/alcool/médicaments consommée par semaine? Il faut toujours prendre en note les dates exactes des événements de vie des clients, ainsi que leur durée (par exemple, le moment d’un accident, le début de la prise de médicaments ou de drogues, etc.). Plus on en sait, meilleure sera la réponse de la tarification.

Les responsables de la tarification donnent souvent de bonnes indications quant aux chances d’acceptation lorsqu’on sait lire entre les lignes. Par exemple, lorsqu’une personne de confiance en tarification dit qu’on peut présenter une proposition, on peut préparer notre client à une surprime sans toutefois savoir le montant exact.

Enfin, si les chances d’acceptation étaient bonnes, il conseillait de faire une deuxième demande auprès d’un assureur régulier, mais cette fois, une demande d’assurance payable sur acceptation seulement. Le client ne déboursait donc qu’une seule prime d’assurance. Deux ou trois mois plus tard, si l’offre de l’assureur régulier était intéressante pour mon client, j’annulais l’assurance à acceptation garantie. Libre à vous d’en faire autant.

Un conseiller a le devoir de bien servir ses clients, même les cas difficiles. Un tel professionnalisme vous aidera à gagner le respect des clients.

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Bernard Viau