Y a-t-il un risque de crise immobilière au Canada?

Par La rédaction | 25 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Un nombre croissant d’experts jugent que le marché canadien ressemble de plus en plus à celui qui existait dans des pays comme l’Espagne et les États-Unis à la veille de l’effondrement des prix de l’immobilier, met en garde Gérald Fillion.

Dans une analyse publiée hier sur le site de Radio-Canada, le journaliste spécialisé en économie rappelle que l’agence Moody’s écrivait d’ailleurs récemment que le Canada est aujourd’hui l’un des quatre pays notés AAA mais considérés comme étant à risque de subir un choc immobilier.

Le problème, souligne-t-il, c’est que « malgré les manchettes, malgré les avertissements, malgré le resserrement des règles hypothécaires au fil des années, des bulles se sont créées à Vancouver et à Toronto », tandis que l’endettement des Canadiens a atteint des niveaux sans précédent.

« LA SPÉCULATION JOUE UN RÔLE ACCRU »

En outre, ajoute le journaliste, « rien ne semble ralentir le marché dans le Grand Toronto en ce moment, où les hausses de prix depuis un an dépassent les 30 % » dans certaines parties de la région et certains segments. Cette situation est jugée préoccupante par plusieurs experts, y compris ceux de la Banque du Canada, qui, dans son dernier rapport sur la politique monétaire publié le 12 avril, estimaient que « la croissance des prix s’est accélérée dans le Grand Toronto et semble être entrée dans une phase où la spéculation joue un rôle accru ».

Radio-Canada rappelle à ce sujet que le prix médian des maisons au premier trimestre de 2017 atteignait 1,18 million de dollars à Vancouver (+12,3 % par rapport au T1 2016) et plus de 759 000 dollars dans le Grand Toronto (+20 %), comparativement à 461 600 dollars à Calgary (+0,63 %), 418 200 à Ottawa (+5,58 %) et « seulement » 343 200 dollars à Montréal (+3,11 %).

Or, « ce qui se passe dans la Ville Reine doit nous préoccuper », soutient Gérard Fillion, puisque celle-ci représente quelque 20 % du produit intérieur brut canadien. « Avec les cours du pétrole qui stagnent, une crise immobilière à Toronto pourrait entraîner le Canada en récession », avertit-il, même s’il prend soin ensuite de nuancer son propos, reconnaissant qu’il serait « alarmiste » de « dresser les scénarios les plus sombres ».

« IL EST IMPORTANT D’AGIR »

Toutefois, insiste le journaliste, « il est important d’agir, comme le gouvernement de l’Ontario l’a fait [la semaine dernière] en instaurant une taxe de 15 % à l’achat d’une propriété pour les acheteurs qui ne sont pas citoyens canadiens ou résidents permanents au pays, en mettant en place un contrôle plus large des prix des loyers et en permettant aux municipalités de la province d’adopter des taxes sur les propriétés laissées vacantes ».

Conclusion de Gérard Fillion : « Le surendettement des ménages et la spéculation immobilière affaiblissent le tissu social, repoussent les gens moins nantis à l’extérieur des centres, transforment les villes, les artères commerciales, la vie de quartier. Toronto est une ville formidable, avec des quartiers inspirants, dynamiques et excitants. Ce sont des milieux de vie qu’il faut développer et protéger de la spéculation effrénée. »

En réaction au phénomène de spéculation immobilière dans l’ouest du pays, l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec a fait part vendredi de sa « vive inquiétude » par rapport « aux signes élevés de conditions potentielles de surchauffe immobilière au Québec ». Citant « l’avis de nombreux experts », l’OEAQ redoute que l’imposition d’une surtaxe immobilière pour les acheteurs étrangers ne « contribue à faire de Montréal la prochaine ville sur la liste de ce type d’investisseurs ».

LES CLASSES MOYENNES, PREMIÈRES VICTIMES

« Si les conséquences d’une bulle immobilière sont nombreuses, notamment des prix trop élevés et un surendettement, elles seront assumées par les acheteurs qui acquièrent des maisons pour y vivre et non pour spéculer, met en garde l’Ordre. En effet, insiste-t-il, « les transactions spéculatives sont à l’origine d’une augmentation fulgurante de la valeur marchande des propriétés d’un secteur ».

Résultat, celle-ci, qui servira de base à l’établissement du rôle d’évaluation municipal, provoquera « une augmentation démesurée quoique artificielle de la valeur des propriétés sur le marché et, en conséquence, auront un impact sur les taxes foncières au détriment du contribuable moyen ».

L’OEAQ interpelle donc les instances gouvernementales concernées « pour que des mesures soient prises rapidement et en amont pour éviter une telle situation ». Enfin, il tient à rappeler que le rapport d’évaluation doit demeurer « un outil déterminant dans un processus de réglementation du marché ».

La rédaction