Jacques-André Thibault : « Je n’ai volé personne »

Par Didier Bert | 19 juin 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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<strong>Jaques-André Thibault</strong>
<small>Source : The Globe and Mail – 2007</small> » width= »266″ height= »195″ /><p id=Jaques-André ThibaultSource : The Globe and Mail - 2007

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Attablé devant un café dans un Tim Hortons de la Rive-Sud, Jacques-André Thibault a accepté de répondre aux questions de Conseiller.ca.

Quand vos ennuis ont-ils commencé?

Ça a débuté quand l’assureur vie L’Empire s’en est pris à moi. La firme voulait arrêter les coûteuses polices qu’elle devait honorer depuis qu’elle avait racheté l’assureur Colonia. J’avais su en profiter dans les années 1980 et 1990. On m’a accusé d’avoir fraudé avec la complicité d’un employé de l’assureur. Mais on lui a évité des poursuites s’il donnait les bonnes réponses ! On m’a accusé d’avoir des comptes de banque dans 32 pays. Mais rien n’est vrai ! J’ai signé un affidavit indiquant que je ne possédais pas ces comptes.

Pourquoi n’avez-vous pas pris d’avocat devant le comité de discipline de la CSF ?

J’ai plaidé coupable la première journée parce que je n’avais pas d’argent pour faire le procès. Mes actifs étaient gelés à cause des poursuites de L’Empire. Cela a entraîné ma faillite [À elle seule, L’Empire réclamait 35 millions de dollars, ndlr]. Aujourd’hui, je vis du bien-être social et d’une pension de vieillesse… et aussi d’un peu d’argent donné par mes filles.

Avez-vous demandé une aide juridique ?

Oui, mais elle m’a été refusée. Elle était calculée sur l’année précédente, alors que j’avais encore mes actifs.

Et vous n’avez pas tenté de vous défendre vous-même ?

Quand on n’a pas d’avocat, on risque de faire des erreurs par méconnaissance des procédures légales. Je ne voulais pas me mettre dans le pétrin.

Regrettez-vous la manière dont vous avez agi auprès de vos clients ?

Si c’était à refaire, j’agirais de la même façon. Parce que je n’ai jamais rien fait de frauduleux. En aucune façon. Le conseiller financier n’est pas un fiscaliste, ni un notaire, ni un comptable… On peut conseiller mais c’est le client qui décide. Je me suis contenté de transmettre des soumissions de police aux compagnies d’assurance. C’est à elles d’enquêter et de vérifier.

« Si j’ai vendu trop d’assurance, qu’ils s’adressent à la compagnie d’assurance. »

Les plaignants disent qu’ils n’avaient pas besoin de contrats d’assurance vie.

C’est facile de dire les choses comme ça, maintenant. Ce n’est pas parce qu’ils ont de l’argent qu’ils n’ont pas besoin d’assurance. Au contraire, on a besoin de davantage d’assurance quand on a de l’argent. Parce que quand on meurt, les héritiers ont un tas de choses à payer, comme l’impôt sur le gain en capital. Mais on ne peut pas vendre tous ses biens et ses immeubles du jour au lendemain !

Dans les dossiers Audet, Duval et Girouard, on vous a reproché d’avoir vendu trop d’assurance vie universelle.

Ils n’avaient pas besoin de ces montants d’assurance. Mais pour pouvoir placer des sommes d’argent importantes, je soumettais des montants d’assurance élevés. Parce que plus l’assurance est élevée, plus on peut placer de l’argent. L’assurance vie universelle, je vais vous expliquer comment ça fonctionne : je soumets les propositions à l’assureur, il y a un examen médical et une enquête… et c’est l’assureur qui décide. Ce n’est pas moi qui décide ! Si j’ai vendu trop d’assurance, qu’ils s’adressent à la compagnie d’assurance. Pourquoi AIG a-t-elle assuré un client pour 10 millions ? Les juges sont de bonne foi, mais ce n’est pas nécessairement la vérité qui est sortie.

Quelle est la vérité ?

La deuxième police d’assurance vie de Jacques Duval, ce n’est pas moi qui l’ai faite. C’est lui qui est allé chercher un autre conseiller. Aussi, M. Duval voulait faire des fonds mutuels. Je lui ai présenté un courtier, avec qui il a fait affaire. Quand j’ai vu à la télévision qu’il m’accusait de lui avoir volé 1,2 million, je ne croyais pas ce que j’entendais.

Et pour l’autre plaignant ?

Yoland Girouard a fait tous ses devoirs. Il a vérifié les rendements. Il a fait des études d’actuaire, et il savait où il s’en allait.

« Si j’ai une amende à payer, elle ira dans mon dossier de faillite. »

Vous avez également été reconnu coupable de ne pas avoir fait une étude approfondie de la situation de vos clients, ni même d’analyse des besoins.

Mais le client ne détaille pas sa situation financière quand il achète des produits qui valent des centaines de milliers ou des millions de dollars ! À vous, il va vous dire que ça ne vous regarde pas… Mais à l’enquêteur, il va dire sa situation réelle…

On vous a aussi accusé d’avoir transmis des soumissions comportant des montants inexacts, comme les revenus et les actifs de MM. Girouard et Duval.

Si j’ai écrit n’importe quoi, cela veut dire qu’ils ont dit n’importe quoi à l’enquêteur de l’assureur.

Que répondez-vous aux accusations d’avoir vendu des actions sans avoir le permis nécessaire ?

Ce n’est pas à moi qu’ils ont fait le chèque ! Je n’ai pas vendu d’actions. Je leur présentais juste le président de l’entreprise.

Pourquoi avoir transféré une police d’assurance vie de M. Duval à la fiducie Claudette Hallée, dont vos filles sont les bénéficiaires ?

Jacques Duval ne voulait plus sa police. Je lui ait dit : on va la vendre sur le marché. Mais comme il devenait nerveux et menaçait d’en parler dans les journaux, j’ai décidé de la prendre dans ma fiducie.

Quand vous serez libéré de votre faillite, que ferez-vous ?

Je vais essayer de trouver un travail. Et si j’ai une amende à payer, elle ira dans mon dossier de faillite.

Si vous échappez à la radiation, envisagez-vous de reprendre vos activités ?

Oui, c’est sûr. J’aimerais ça.


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Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.