La BCE réduit son programme anticrise

Par La rédaction | 30 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La Banque centrale européenne (BCE) réduira dès l’an prochain l’intensité de son programme anticrise en raison d’un regain d’espoir quant à l’économie de la zone euro.

La création de sept millions d’emplois sur quatre ans en zone euro témoignerait de la bonne santé économique et réduirait la nécessité d’avoir recours à un lourd arsenal monétaire, indique l’Agence France-Presse. Le programme de rachat massif d’actif lancé en 2015 sera donc réduit de moitié. Il passera à 30 milliards d’euros par mois de janvier à septembre 2018, contre 60 millions d’euros présentement.

La BCE reste toutefois prudente en raison de la faiblesse de l’inflation, qui à 1,5 % reste en-deçà de l’objectif de 2 %. Elle prévoit même une baisse de l’inflation à 1,2 % en 2018.

PAS TOUCHE AUX TAUX

Par ailleurs, pas question de remonter les taux pour l’instant. Cela n’interviendra que « bien après » la fin des rachats d’actif. La BCE demandera aussi aux banques européennes d’augmenter leurs provisions sur leurs nouvelles créances douteuses à compter de l’année prochaine, rapporte Reuters. Le taux de couverture des créances douteuses était de 45 % en moyenne au premier trimestre de 2017 dans les banques de la zone euro. La Grèce, l’Italie et Chypre sont les plus exposées. Les provisions devront être augmentées progressivement jusqu’à 100 %.

RÉACTION MOLLE

Très bien communiquée à l’avance au marché et loin d’être brutale, la stratégie de la BCE n’a pas fait vaciller les marchés, lesquels ont à peine réagi. L’euro s’est quelque peu déprécié, en raison de l’impossibilité de prévoir le moment où le programme d’achat prendra réellement fin et du fait que la BCE se garde l’option de prolonger son programme au-delà de 2018, souligne l’économiste principal de Desjardins, Hendrix Vachon, dans une note de recherche. Le CAC 40, lui, a terminé la séance à son plus haut niveau depuis 10 ans.

« Par quel tour de passe-passe ? » s’interroge Guillaume Maujean, dans un éditorial de Les Echos. Parce que Mario Draghi, le président de la BCE, surnommé « l’homme qui murmurait aux oreilles des marchés », a réussi à bien faire passer deux messages.

Le premier : l’économie de la zone euro va beaucoup mieux, la croissance devrait y dépasser 2 %, le chômage est en baisse (même si à 9 %, on reste loin du plein emploi) et les indicateurs sont généralement positifs. La BCE dit donc « pas de panique, si nous nous retirons, c’est que les marchés ont moins besoin de nous ».

Mais en même temps, comme un bon joueur de foot, Mario Draghi temporise. Oui, l’économie va mieux, mais le patient européen reste en convalescence et a toujours besoin d’être soutenu. S’il faut faire tourner la planche à billets, la BCE le fera. Les taux d’intérêt resteront bas un bon moment.

Autrement dit, les leçons des erreurs de la Réserve fédérale américaine dans les années 1930 et du Japon dans les années 1990 semblent avoir été comprises. Dans les deux cas, le resserrement précipité des politiques monétaires avaient accentué des crises.

TROP COPAIN AVEC LES BANQUES?

Au moment où les marchés semblent se satisfaire des agissements de la BCE, elle essuie les critiques d’une ONG belge, Corporate Europe Observatory (CEO). Dans un rapport publié récemment, cette dernière reproche à la banque centrale d’être trop proche des banques. Les banques auraient trop d’occasions de murmurer à l’oreille de celui qui murmure aux oreilles des marchés!

L’ONG évalue que, parmi les 22 groupes de contact que la BCE consulte régulièrement sur un certain nombre de sujets, comme la conjoncture, les marchés, ou encore les infrastructures de paiement, 508 des 517 sièges sont occupés par des représentants du secteur financier, dont BNP Paribas, la Société Générale ou Deutsche Bank. Plus de 98 %, ça fait beaucoup…

Parmi les neuf sièges qui ne sont pas occupés par le secteur financier, sept sont détenus par de grandes entreprises comme le géant allemand Siemens et deux seulement par des associations de consommateurs. Mario Draghi est aussi membre du Groupe des Trente, lequel rassemble banquiers et gérants de fonds, ajoutant à la proximité.

Or, l’un des rôles de la BCE est justement de superviser les banques. L’ONG se demande donc si ces dernières n’en profitent pas pour influencer l’institution et demande au Parlement européen d’intervenir. Une étude des comptes rendus des rencontres montre, par exemple, que les banques ont utilisé ces groupes de contact pour faire entendre leur opposition à la taxe sur les transactions financières.

De son côté, la BCE se défend en invoquant qu’échanger avec le secteur financier est indispensable et souhaitable. Entre consultation et lobbying, toutefois, la frontière est mince.

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