La blockchain révolutionnera-t-elle la finance?

Par La rédaction | 11 mai 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La blockchain (registre des transactions, en français) pourrait bouleverser le monde de la finance d’ici cinq à dix ans au même titre qu’Internet à la fin du siècle dernier.

La preuve? Du MIT à Princeton, en passant par l’Imperial College de Londres, des milliards de dollars sont investis aujourd’hui pour en étudier tout le potentiel, explique au quotidien français Les Échos Cyril Grunspan, responsable du secteur ingénierie financière de l’École supérieure d’ingénieurs Léonard de Vinci, dans la banlieue parisienne.

Cette technologie, qui date de 2008 et a donné naissance au bitcoin, suscite actuellement l’intérêt du secteur financier.

Des banques comme Bank of America, Morgan Stanley, Goldman Sachs, JP Morgan, la Société générale, Barclays, Credit Suisse et UBS sont associées depuis l’automne dernier à un projet de recherche confié à la firme américaine R3. Leur objectif est d’adapter cette technologie pour en faire des applications commerciales.

« TECHNOLOGIE RÉVOLUTIONNAIRE »

Cette gigantesque base de données web peut se définir comme « un protocole assurant l’échange d’informations entre pairs, sans intermédiaire, l’ensemble du réseau étant garant de l’intégrité des échanges par l’entremise d’un système de validation cryptographique complexe », expliquent dans Le Monde deux experts français.

« Tous les utilisateurs détiennent une copie des échanges », précise le quotidien, ce qui fait que « ce grand livre de comptes, public et infalsifiable, contient l’historique de tous les échanges concernant un bien ou un document ».

« Cette technologie est révolutionnaire, car elle instaure d’emblée la confiance dans le réseau, sans dépendre d’une autorité centrale, soulignent les deux experts, qui expliquent que, « dans ce contexte, la blockchain donne naissance à de nouvelles formes d’organisation d’associations, d’entreprises, totalement décentralisées ».

SUPPRESSION DES INTERMÉDIAIRES

Les banques ont rapidement compris le parti qu’elles pouvaient tirer de cette innovation qui permet, en théorie, de réaliser n’importe quel type de transactions (transferts, achats, prêts, etc.) de façon quasi instantanée et à peu de frais, puisqu’elle supprime les intermédiaires.

« Il n’y a plus besoin de tiers de confiance dans les transactions, c’est révolutionnaire, explique ainsi dans Le Monde Pierre Porthaux, cofondateur du bureau de conseil Blockchain Solutions, à Paris. Pour les transferts de titres boursiers, par exemple, il suffit de quelques secondes, au lieu de deux à trois jours via le système classique. »

Achats ou ventes d’actions, transactions en tous genres, actes administratifs, contrats d’assurance… le domaine d’application de cette technologie dans le domaine de la finance est large. Toutefois, si les établissements bancaires ont vu là un moyen de réduire leurs coûts, elles refusent pour autant de tirer un trait sur le secret bancaire et s’associent donc en consortiums « afin de créer des blockchains privées qu’elles utiliseront seulement entre elles », les transactions étant validées par des machines qui leur appartiennent, note Le Monde.

JUSQU’À 20 G $US D’ÉCONOMIES PAR AN

Si l’on en croit un rapport de la banque espagnole Santander publié l’an dernier, la généralisation du registre de transactions pourrait permettre aux institutions financières d’économiser jusqu’à 20 milliards de dollars américains par an d’ici 2022 en coûts d’infrastructures liés aux paiements internationaux, aux transactions boursières et à la mise en conformité.

Malgré ces avantages, cette technologie fait cependant face à plusieurs contraintes techniques, à commencer par le volume, puisque le nombre de transactions pouvant être validées en même temps dans un même registre est plafonné, explique Le Monde.

Ainsi, la blockchain qui sera lancée dans quelques semaines par BNP Paribas et SmartAngels pour permettre aux clients d’investir dans des entreprises non cotées acceptera seulement « quelques dizaines de transactions par jour », alors que « les plateformes des banques et des opérateurs de marché en soutiennent des millions », détaille le quotidien.

PROBLÈMES ENVIRONNEMENTAUX ET ÉTHIQUES

Par ailleurs, cette technologie est très gourmande en énergie, ce qui fait dire à certains observateurs qu’elle représente un « désastre environnemental ».

« Tous les ordinateurs du réseau hébergent chacun une copie de l’intégralité du registre depuis sa création, et celui-ci est mis à jour en temps réel », ce qui nécessite une importante quantité d’électricité.

Enfin, « à cause de son caractère immédiat et irréversible », la blockchain « limite les libertés », ce qui soulève des questions éthiques, estime Le Monde : « une fois qu’une règle, comme un accord de transaction ou une authentification, a été inscrite, les utilisateurs sont obligés de s’y soumettre. Cela va à l’inverse du principe du droit, où l’on peut choisir de ne pas se soumettre à un contrat, en prenant le risque d’être jugé ensuite. »

La blockchain est « une application automatisée de la loi, qui élimine la notion d’exception. On donne le pouvoir de juge à celui qui écrit les règles, qui contrôle la technologie », met en garde Primavera De Filippi, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique, en France.

Conclusion : si les applications potentielles de cette technologie sont impressionnantes, son éventuelle généralisation devra être encadrée.

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