La Chambre appelée à disparaître

Par Pierre-Luc Trudel | 5 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Dans un projet de loi déposé jeudi matin, Québec entend remanier en profondeur l’encadrement du secteur financier dans la province. Une réforme à laquelle ne survivrait pas la Chambre de la sécurité financière (CSF), dont les responsabilités seraient confiées à l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Le projet de loi 141, Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, prévoit l’abolition de la CSF, celui de la Chambre de l’assurance de dommages (CHAD) ainsi que le rapatriement de tous leurs pouvoirs réglementaires dans les mains de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cette dernière se verrait donc confier le contrôle de l’exercice de l’activité de représentant dont, entre autres, la déontologie et la formation.

Toutes les enquêtes en cours du syndic de la CSF seraient ainsi poursuivies par l’Autorité à la suite de l’adoption du projet de loi, et aucune nouvelle plainte ne pourrait être formulée devant le comité de discipline. Celles-ci seraient dorénavant prises en charge par le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF).

Tous les documents de la CSF et de la CHAD deviendraient les propriétés de l’AMF, tandis que les documents des comités de discipline deviendraient ceux du TMF.

Le Code de déontologie et le Règlement sur la formation continue obligatoire de la Chambre continueraient quant à eux de s’appliquer temporairement « avec les adaptations nécessaires », jusqu’à ce qu’ils soient abrogés ou remplacés par un règlement pris par l’Autorité.

L’AMF désignerait en outre les employés des chambres qui deviendraient les siens et leur assignerait un poste et des fonctions. Les autres professionnels verraient leur contrat de travail prendre fin.

QU’EN PENSE LA CHAMBRE?

La Chambre de la sécurité financière (CSF) n’a pas tardé à réagir, affirmant dans un communiqué que ce projet était « un affaiblissement du rôle des professionnels en rupture avec les fondements du système innovant au bénéfice des consommateurs ».

La CSF dit peiner à comprendre dans quelle mesure la disparition de la Chambre sert l’intérêt supérieur de l’ensemble des épargnants québécois.

Selon elle, la question fondamentale demeure de savoir pourquoi les intentions ministérielles sont d’éliminer un rempart de protection du public.

« Nous avons déployé des ressources énormes au cours des vingt dernières années pour maintenir la confiance des citoyens envers le secteur financier. Il ne faudrait pas que cet acquis soit diminué par une refonte précipitée de la législation, » déclare la présidente de la CSF, Me Marie Elaine Farley.

Pour elle, il est essentiel de participer à un processus de consultation pour faire bénéficier les parlementaires de l’expérience de proximité de la CSF et de tous les organismes voués à la protection du public qui se sont montrés inquiets.

« À qui profiteront les nouvelles dispositions? Les Québécois méritent d’avoir l’heure juste et, dans ce contexte, il nous faut participer à une discussion ouverte, transparente et franche. Il en va de l’avenir de la confiance des Québécois envers le secteur financier et la réflexion », mentionne-t-elle.

« PLUS DE COHÉRENCE »

Devant la commission des Finances publiques de l’Assemblée nationale, au printemps, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, avait pour sa part affirmé que l’abolition de la CSF et de la CHAD donnerait « plus de cohérence » au système financier québécois et permettrait à l’AMF « d’accomplir encore mieux son travail », puisqu’elle aurait alors la responsabilité de tous les marchés financiers de la province.

Outre l’abolition de la Chambre de la sécurité financière, le projet de loi 141, long de 488 pages, amorce de profonds changements dans de nombreux domaines. La Loi sur les assureurs remplacera notamment la Loi sur les assurances et prévoit de nouvelles dispositions applicables à la surveillance ainsi qu’au contrôle des affaires d’assurance et des activités d’assureurs. Par ailleurs, la LDPSF sera modifiée pour « permettre aux cabinets d’offrir des produits et services financiers par des moyens technologiques ».

Le projet de loi modifie également la Loi sur les coopératives de services financiers, ainsi que la Loi sur les valeurs mobilières. Des restrictions seraient notamment imposées quant au partage de la commission reçue par un courtier en épargne collective ou par un courtier en plans de bourses d’études.

Les modalités du Fonds d’indemnisation des services financiers seraient en outre modifiées. Les indemnités seront désormais payables aux victimes de représentants ou cabinets inscrits sans égard à la discipline ou à la catégorie de disciplines pour lesquelles il est autorisé à agir.

Le dépôt du projet de loi 141 sera suivi de consultations particulières élargies, où les personnes ou organismes qui ont une connaissance particulière du domaine examiné pourront s’exprimer.

Pierre-Luc Trudel