La fin des banques pour bientôt?

Par Frédérique David | 1 octobre 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Internet a bouleversé le monde des voyages, de la presse ou du commerce. Les banques n’échapperont pas à cette tendance, croit Philippe Herlin, économiste français et auteur. Dans son récent livre intitulé Apple, Bitcoin, Paypal, Google : La Fin des banques?, il montre comment la technologie va transformer les banques et notre façon de gérer notre argent.

Conseiller : Dans un texte publié dans le Huffington Post français, vous avez imaginé la fermeture de la dernière agence bancaire française, le 3 mars 2025, malgré son installation à Disneyland Paris et la décoration refaite à grands frais par le designer Philippe Starck. Est-ce un scénario qui pourrait se réaliser?

Philippe Herlin : Le métier de banquier ne va pas disparaître. Certaines activités bancaires existeront toujours, surtout le financement d’entreprises. Ce qui risque de disparaître ou de réduire considérablement en nombre, ce sont toutes les agences bancaires qui ont pignon sur rue. C’est un réseau extrêmement coûteux alors que toutes les opérations de base peuvent être faites à partir d’un ordinateur. On peut facilement envisager que le nombre de ces agences diminuera dans les dix à quinze prochaines années.

C : Les banques concentreront donc leurs services sur des opérations plus importantes?

PH : Quand la banque est née, il n’y avait que des banques d’affaires. Le peuple n’avait pas de banque. Il avait une bourse avec des pièces de monnaie. Suite à la mensualisation des salaires, tout le monde a eu un compte bancaire. Cela pose problème en cas de crise et on s’en est rendu compte en 2008. Une crise financière grave pourrait signifier un effondrement économique. C’est pourquoi je défends la séparation entre la banque d’affaires et la banque de dépôt. Ce sont deux types de risques qui sont tout à fait différents.

C : Quelles sont les principales menaces au monopole des banques?

PH : En France, le Compte-Nickel permet d’ouvrir un compte en dehors des circuits bancaires. Aux États-Unis, de grands distributeurs comme Wal-Mart proposent aussi des systèmes de banque en dehors du système établi. C’est une bonne chose pour le consommateur, car cela fait jouer la concurrence et donc baisser les frais des banques.

C : On voit aussi des compagnies comme Apple développer des services de paiement par l’intermédiaire des téléphones intelligents?

PH : Actuellement, Apple ne cherche pas à créer un système qui entrerait en concurrence avec les banques. Ils ont choisi d’être plus subtils. Quand nous ferons la plupart de nos paiements via nos téléphones cellulaires, nous serons devenus des clients d’Apple, plutôt que des clients des banques. À ce moment-là, le rapport de force aura basculé du côté de ces nouveaux acteurs.

C : Vous consacrez une partie de votre livre au bitcoin. Faut-il considérer le bitcoin comme l’émergence d’une nouvelle économie?

PH : C’est une branche de l’économie. Aujourd’hui, c’est embryonnaire, mais c’est aussi un concurrent pour tous les acteurs existants.

C : Les banques centrales ont-elles peur du bitcoin?

PH : Elles n’en ont pas peur, mais c’est quelque chose qui ne leur plaît pas, car ça leur échappe complètement. Elles ont aussi compris qu’elles ne peuvent pas tuer le bitcoin, alors elles s’en accommodent.

C : Croyez-vous que tout le monde va se mettre à faire toutes ses transactions financières sur le web?

PH : Oui. Au début d’Internet, beaucoup de gens disaient qu’ils ne donneraient jamais leur numéro de carte de crédit en ligne. Maintenant, à peu près tout le monde le fait. Évidemment, on ne va pas tout faire sur Internet. Lorsqu’on contracte un emprunt pour acheter une maison, on ne va pas le faire sur le web. Si on a une fortune à gérer, on a besoin d’un conseiller. Et encore là, il y a des startups qui se créent pour offrir des services que l’on pensait réservés à la banque d’affaires. À un moment donné, ce type d’institution en ressentira les effets.

C : Comment les banques peuvent-elles réagir pour éviter de se faire « ubériser » par les géants du web?

PH : Elles doivent fermer des agences pour réduire les coûts fixes, puis rediriger cette baisse des coûts vers leurs clients en diminuant les frais d’utilisation. Les banques doivent aussi diminuer le coût de la carte de crédit pour le commerçant. Quand un client paye par carte de crédit, le commerçant paye des frais qui sont exagérés. Si elles ne font rien, elles vont se faire « ubériser », c’est sûr!


Apple, Bitcoin, Paypal, Google : La Fin des banques?, Philippe Herlin, Éditions Eyrolles.

Frédérique David