La « finance verte » a encore du chemin à faire

Par La rédaction | 16 Décembre 2015 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Alors que plusieurs financiers prédisent qu’une exposition des portefeuilles à des titres à faible empreinte carbone peut, à terme, être profitable, une analyse du fonctionnement des marchés laisse penser que leur évolution vers un monde plus vert n’a rien d’évident.

Si l’on en croit les optimistes, la seule logique du profit devrait « inciter les investisseurs institutionnels à réorienter leurs investissements vers les entreprises les plus vertueuses en matière d’empreinte carbone », ce qui obligerait les autres à modifier leur processus de production ou à réorienter leurs activités afin d’attirer de nouveau les marchés.

Or, il n’en est rien, soutient Noël Amenc, président d’ERI Scientific Beta et d’Edhec-Risk Institute, à Nice (France), dans Le Monde. Ainsi, « sur le long terme, la théorie du prix des actifs financiers montre que les titres des sociétés les plus vertueuses en matière d’empreinte carbone ne seront pas les plus rentables, notamment parce que, du fait de leur qualité environnementale, ils seront moins risqués, puisque moins sensibles à une forte hausse du coût des émissions des gaz à effet de serre ».

En effet, « les investisseurs rationnels seront prêts à payer plus cher ces sociétés moins risquées, et ce renchérissement rendra donc le rapport rendement/prix de leurs titres moins attrayant », justifie-t-il.

Par ailleurs, poursuit l’analyste financier, les résultats de la « finance verte » sur le court terme sont également « assez peu prometteurs ».

SE PROTÉGER DES FUTURES RÉGULATIONS

Sans compter que « les indices généralistes à plus faible empreinte carbone (…) sont soumis à un double effet de la baisse du prix du pétrole. Ce dernier est d’une part positif, puisqu’il défavorise les entreprises détentrices de réserves d’énergies fossiles ou extractrices de celles-ci, mais d’autre part négatif, puisqu’il favorise les grands consommateurs de ces mêmes énergies ».

Face à cette situation, il faut néanmoins avoir à l’esprit que « les marchés financiers n’intègrent pas encore les conséquences du réchauffement climatique et du nécessaire renforcement de la régulation de l’émission de CO2 dans le prix des titres des sociétés », note Noël Amenc.

Et aussi que, « dans cette perspective, un choix de titres vertueux en matière d’émission de gaz à effet de serre constitue une option ou une protection sur les conséquences économiques de l’application de ces futures régulations ».

Dans ces conditions, croit-il, « la stratégie d’investissement dans des indices ou fonds à faible empreinte carbone consiste, à court terme, à minimiser le coût de cette option ou cette protection et d’attendre qu’elle révèle sa valeur sur le long terme ».

ENTREPRISES DIFFICILES À IDENTIFIER

Toutefois, le succès d’une telle approche « suppose que les acteurs du secteur financier soient capables d’identifier dès à présent les entreprises dont la qualité environnementale n’est pas encore prise en compte dans le prix de leurs titres », ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Par exemple, le principal fournisseur mondial d’indices, l’américain MSCI, a rehaussé en août la note de Volkswagen pour récompenser ses efforts en vue de réduire les émissions de carbone de ses automobiles. Au même moment, Dow Jones a décrété le constructeur allemand champion environnemental de son secteur… On sait maintenant que Volkswagen utilisait un logiciel qui désactivait le système de dépollution des véhicules une fois les tests terminés!

« INCITER LA FINANCE À SAUVER LA PLANÈTE »

Autant de constats qui « amènent à considérer que si l’on voulait véritablement que la finance contribue à sauver la planète, il faudrait l’y inciter et ne pas uniquement compter sur une éventuelle rentabilité […] pour justifier d’une réorientation naturelle et massive des investissements vers la finance durable ».

« Nos recherches montrent qu’il est tout à fait possible de réduire l’empreinte carbone d’un portefeuille tout en lui assurant une meilleure rentabilité, soutient Noël Amenc. Il faut pour cela, d’une part, exclure […] les titres des sociétés ayant les plus fortes empreintes carbone, et, d’autre part, utiliser des techniques traditionnelles de construction de portefeuilles qui ne se préoccupent pas de la rentabilité future des titres verts, mais qui sont fondées sur la bonne exposition à des facteurs de risque. »

« Plutôt que de dénoncer une logique de profit à court terme qui s’opposerait à la croissance durable de long terme, la solution vise à proposer plus de rentabilité à court terme pour construire cette croissance durable », conclut-il.

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