La planification de la retraite : une perte de temps?

Par Peter Drake | 27 avril 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Il y a un an environ, j’écrivais une chronique intitulée « La nouvelle saison des REER » qui expliquait pourquoi la planification de la retraite devrait débuter immédiatement après la course folle aux REER et se poursuivre tout au long de l’année. Je l’ai récemment relue et la trouve toujours pertinente, mais je ne vous ennuierai pas en vous rabâchant mon argumentation. Je vous conseille néanmoins de vous y référer en conjonction avec mon propos d’aujourd’hui.

Une des conclusions évidentes de cette chronique antérieure est que la planification de la retraite est une démarche qui exige des efforts et du temps, du moins si on veut s’en acquitter correctement. Les recherches de Fidelity démontrent clairement que peu de gens, retraités ou futurs retraités, ont un plan de revenu de retraite en bonne et due forme. À mon avis, c’est probablement en partie parce que la démarche les rebute. Je crois qu’il existe deux raisons dignes de mention. La première est que l’exercice les confronte à certaines réalités et les oblige à prendre des décisions auxquelles ils préféreraient se dérober. La seconde est que la pertinence de son plan de revenu de retraite peut sembler contestable lorsque notre situation change.

Peter Drake

Le fait est que nous sommes, pour la plupart, de mauvais planificateurs. En effet, la planification relève de l’avenir qu’il nous est difficile d’imaginer. Et comment prévoir l’imprévisible, même si moult professionnels, dont je fais partie, présentent avec assiduité leurs pronostics? Cela me rappelle certains économistes avec qui j’ai travaillé au cours de ma carrière et dont les analyses étaient aussi brillantes que les projections médiocres. J’en ai même connu qui refusaient carrément de formuler des prévisions, et ils alléguaient les mêmes prétextes que les gens qui n’aiment pas la planification – on ignore ce que l’avenir nous réserve, comment donc se préparer à l’inconnu? Et de temps en temps, je rencontre quelqu’un qui aborde la question avec lucidité, comme ce jeune économiste qui postulait à un poste et à qui j’ai demandé s’il avait de l’expérience en matière de prévision. « Non, aucune, a-t-il répondu; mais je considère que toute prévision n’est rien d’autre qu’une hypothèse éclairée sur l’avenir. » Sa candidature a été retenue. Les investisseurs devraient planifier leur avenir selon le même principe.

La planification de la retraite implique donc d’établir des hypothèses éclairées sur notre futur. Une bonne part de cet « éclairage » provient de la connaissance que les investisseurs s’efforcent d’acquérir sur eux-mêmes, démarche que nous évitons généralement comme la peste. Si nous avons tous une idée de ce que nous voulons être et de la situation – financière ou autre – que nous souhaitons, il existe pour plusieurs un profond fossé entre nos désirs et la réalité. Dans ce cas, les circonstances actuelles ne sont pas aussi emballantes lorsqu’on les compare à la situation dans laquelle nous aimerions être. En revanche, pensez aux avantages de savoir exactement à quoi vous en tenir sur votre personnalité et vos aspirations. Pensez aux gens de votre entourage qui ont fait l’exercice; je parie qu’ils sont plus satisfaits de la vie.

L’intérêt pratique de cette démarche est de nous faire comprendre que certains de nos rêves ne sont, justement, que des rêves. Si nous devions effectivement les réaliser, ils ne nous apporteraient pas forcément la satisfaction que nous imaginons. Plus nos projets de retraite sont réalistes, meilleures sont nos chances de les réaliser. Le plus grand avantage que procure l’élaboration d’une vision réaliste de la retraite est la tranquillité d’esprit qui en résulte.

Un souhait répandu en ce qui a trait à la retraite est de réduire le stress et les soucis qui semblent omniprésents dans notre vie active. Ce désir est bien légitime, mais il ne faut pas oublier que nous avons tous besoin d’une certaine dose de stress. En résumé, les investisseurs peuvent soit faire fi des contingences et poursuivre des projets irréalistes, soit planifier en fonction de projets qui sauront les satisfaire et qu’ils auront de bonnes chances de réaliser. Une dernière mise en garde à ce sujet : si vous envisagez de faire cet exercice avec vos clients, attendez-vous à vous heurter à quelques portes closes. Certaines personnes refusent simplement de voir la réalité en face, peu importe leur situation.

Revenons sur la pertinence d’établir un plan de retraite alors que la situation du client peut changer de mille et une façons au fil du temps. En effet, tout peut arriver, mais cela ne justifie pas de renoncer à la planification. Les projections des économistes ratent si fréquemment la cible que dans le métier nous disons en plaisantant « si vous faites des prévisions, assurez-vous d’en faire souvent ». Il est possible que les économistes fassent mal leur travail, mais ces ratés tiennent plutôt de la complexité de notre monde, et les choses ne sont pas près de changer. Il demeure que les gens devraient planifier leur retraite, non pas en espérant que les choses ne changeront pas, mais avec la conscience prévoyante qu’elles changeront. Un plan de retraite doit être souple pour être modifié s’il y a lieu; de plus, il est beaucoup plus aisé de s’adapter à une nouvelle situation en ayant déjà établi un plan de retraite

Cette discussion implique aussi de traiter d’un sujet connexe : les soins de santé. Depuis plusieurs années, Fidelity considère les coûts liés aux soins de santé comme un des cinq principaux risques qui menacent le revenu de retraite. Que faire, en pratique, pour composer avec ce risque? À mon avis, la solution comprend deux volets. Le premier est assez évident : il faut prévoir des réserves suffisantes et relativement liquides pour couvrir les frais en cas de problème de santé grave. Cependant, confrontés aux dépenses qu’ils seraient susceptibles de devoir assumer, beaucoup de gens répugnent à conserver une telle somme sous forme de liquidités ou de quasi-espèces dans leur portefeuille. C’est pourquoi il importe de réfléchir à la planification. Ayant tâté le terrain dans le cadre de conférences destinées aux investisseurs, j’ai recueilli des réponses relativement satisfaisantes. Je recommande que la planification de la retraite tienne compte de la réponse à la question suivante : « Que feriez-vous s’il vous fallait payer des frais médicaux considérables? » À titre d’exemple, que faire si l’un des deux conjoints a besoin d’être confié à un CHSLD tandis que l’autre reste autonome? Dans une telle situation, quels biens voudriez/pourriez-vous liquider pour couvrir le coût de deux modes de vie distincts?

Donc, quels éléments d’un plan de retraite peuvent changer? Pratiquement tous. Votre carrière peut prendre un virage imprévu, pour le meilleur ou pour le pire. Votre famille peut s’agrandir ou rétrécir. Vos intérêts personnels évoluent avec le temps. Les marchés fluctuent. Le coût des logements change. Le prix des activités de retraite varie, et ainsi de suite. Mais si vous avez établi un plan qui envisage ces variables, il sera plus facile de redresser le cap. Il serait tout aussi pertinent de se poser la même question, qu’adviendrait-il si, à l’égard d’autres variables de votre plan, pas seulement les dépenses éventuelles en soins de santé.

En conclusion, planifier l’avenir est une tâche ardue, notamment parce qu’il est difficile de se projeter dans le futur et que le changement est inhérent à la vie. De plus, le fait que nous soyons généralement de piètres planificateurs n’arrange rien… Toutefois, les avantages de la planification sont bel et bien tangibles; ils permettent d’atteindre nos objectifs, mais aussi d’apprécier chaque instant de la vie.

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Peter Drake est vice-président, Retraite et recherches économiques, Fidelity Investments Canada. Fort de plus de 35 années d’expérience à titre d’économiste, il dirige les initiatives de recherche de Fidelity axées sur la retraite au Canada à notre époque.

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