La sanction disciplinaire : Petits et grands moyens pour protéger le public

16 septembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Comme nous l’avons annoncé dans notre dernier billet, nous analyserons dans celui-ci des exemples concrets de sanctions disciplinaires imposées à des conseillers qui se sont éloignés de leurs règles déontologiques. Dans chaque cas, la sanction a été déterminée par un comité de discipline en tenant compte des objectifs suivants : protection du public; dissuasion de potentielles récidives; exemplarité à l’égard des autres membres de la profession; et droit pour le professionnel d’exercer sa profession.

Dans les exemples retenus pour ce billet, les conseillers visés étaient de bonne foi, certains allant même jusqu’à indemniser leur client avant l’audition devant le comité de discipline. Malgré cela, ils se sont vus imposer des sanctions sévères par le Comité disciplinaire.

En effet, l’objectif premier n’est pas tant de punir le professionnel que de protéger le public, décourager une récidive, et établir un exemple pour ses confrères, tout en lui permettant de continuer à exercer sa profession. C’est pourquoi malgré la bonne foi des conseillers et le fait que les clients avaient été dédommagés, une sanction a dans tous les cas été imposée. Notez que les trois décisions ont été rendues en 2013.

Cas no 1 : Divulgation d’une rémunération reçue et conflit d’intérêts

Une plainte disciplinaire faisant état de sept chefs d’accusation a été déposée contre un conseiller en sécurité financière inscrit auprès de l’AMF en assurance de personne et en courtage en épargne collective.

Cinq de ces chefs d’accusation concernaient des cas où le conseiller s’était placé en situation de conflit d’intérêts en effectuant des transactions avec son client (achat d’immeubles, etc.), et ce, afin de soustraire les actifs de ce dernier à ses créanciers. Quant aux deux derniers chefs, ils concernaient le défaut du conseiller de divulguer à son client une rémunération reçue à la suite de la souscription d’une police d’assurance.

Pour les cinq chefs d’accusation concernant le conflit d’intérêts, le conseiller s’est vu imposer une amende de 2500 $ par chef d’accusation, en plus d’une radiation temporaire de trois ans. Le comité a également imposé une amende de 2500 $ pour avoir omis de divulguer à son client qu’il avait été rémunéré pour une souscription de police.

Cas no 2 : Détournement de fonds et falsification de signature

Un représentant de courtier en épargne collective se présente devant le Comité de discipline de la Chambre de sécurité financière (CSF). Il est accusé d’avoir falsifié la signature de l’un de ses collègues sur un document et d’avoir détourné 16 000 $ des comptes clients ouverts auprès d’une institution financière. Une fois devant le Comité de discipline de la CSF, il plaide coupable à tous les chefs d’accusation et exprime ses regrets, tout en confirmant avoir remboursé tous les montants détournés.

Le Comité de discipline, avec l’objectif d’imposer une sanction réaliste et appropriée, adaptée aux infractions et respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion, a tout de même jugé important d’infliger au représentant une radiation temporaire de 10 ans pour le détournement de fonds et a ordonné une radiation additionnelle de deux mois pour avoir falsifié la signature d’un collègue. De plus, le représentant a été contraint à payer les déboursés encourus par le syndic en raison de l’action disciplinaire. Une sanction qui nous apparaît justifiée, bien que très sévère, compte tenu de la gravité de la faute.

Cas no 3 : Activités non autorisées et conflit d’intérêts

Un conseiller inscrit à titre de représentant et courtier en épargne collective s’affiche sur sa carte professionnelle comme planificateur financier, alors que son inscription comme tel auprès de l’AMF n’est plus valide.

De plus, il a été désigné et a agi comme administrateur en cas d’inaptitude du patrimoine de l’un de ses clients, se plaçant ainsi en situation de conflit d’intérêts vis-à-vis de ce dernier.

Le syndic de la CSF a déposé une plainte disciplinaire contre lui, l’accusant d’avoir contrevenu à la loi en offrant des services de planification financière sans être titulaire du certificat de l’AMF et de s’être ainsi placé en situation de conflit d’intérêts.

Le conseiller a plaidé coupable, mais en insistant sur le fait qu’il était de bonne foi, car il ignorait qu’il commettait des infractions à la loi.

Ici encore, bien que le conseiller n’ait pas d’antécédents disciplinaires, qu’il ait pleinement collaboré lors de l’enquête et qu’il soit de bonne foi, le Comité de discipline lui a imposé une amende de 4000 $, plus les débours, en s’appuyant sur le principe voulant que la sanction doive comporter un effet dissuasif pour les membres de la profession qui pourraient être tentés de l’imiter.

Conclusion

En conclusion, même lorsqu’il est bien intentionné, le conseiller qui manque à ses obligations déontologiques devra faire face aux conséquences de ses actes. La protection du public exige des sanctions sévères. L’ignorance de la Loi et des règles n’est pas une excuse, pas plus que le fait d’avoir dédommagé les clients. Ces faits pourront servir à atténuer la sanction, mais l’objectif de dissuasion requiert, malgré tout, une certaine sévérité.

Nous ne saurions répéter l’importance pour le conseiller de se tenir informé des règles de conduite qui le visent afin d’éviter de se retrouver devant un comité disciplinaire. Trop souvent, l’ignorance de celles-ci placera le conseiller de bonne foi en situation d’infraction. Il en va de même du désir de vouloir satisfaire les clients, qui amène parfois le conseiller à déborder de son champ de compétence.

Dans le doute, consultez et informez-vous, car parfois, en tentant de régler seul un problème, on peut voir la situation s’aggraver!


Karen M. Rogers est associée du cabinet Heenan Blaikie.