L’avenir est dans les rendements asymétriques

Par Pierre Saint-Laurent | 23 août 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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• Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2007 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.


La répartition d’actif repose sur les trois ingrédients que sont les rendements, le risque (l’écart type) et les corrélations. Mais l’écart type est un concept symétrique: il valorise autant les baisses que les hausses. De même, un investissement hypothé- tique qui aurait des valeurs positives mais très variables, aurait un écart type élevé et pourrait ainsi rater la qualification pour le portefeuille.

Cette problématique n’est pas nouvelle. On voudrait pouvoir se concentrer sur les placements qui affichent des baisses réduites mais des hausses considérables (ce que les experts appellent une «semivariance positive importante»).

Comment faire? Il existe deux démarches: la première est de concevoir des logiciels d’optimisation à base de semivariance (la «bonne» variance). Cette démarche n’a toutefois pas connu le succès escompté. Dans son écrit de 1952 qui lui conférerait éventuellement le prix Nobel, Harry Markowitz affirmait ne pas faire usage de semivariance car il n’en avait pas la capacité intellectuelle et comptait sur les recherches futures pour l’intégrer à l’optimisation.

La seconde démarche est de développer des placements qui ne connaissent pas de baisses! En contrôlant la propension d’un actif à produire des rendements négatifs ou sous la moyenne, vous réglez ainsi un problème fondamental du placement, à savoir qu’on peut y perdre de l’argent.

Entrent en scène les placements asymétriques, avec peu de baisses mais un potentiel sérieux de hausses. Le maître du sujet est Alexander Ineichen, auteur de Asymmetric Returns: The Future of Active Asset Management1. M. Ineichen présentait d’ailleurs son livre lors d’une allocution aux membres de l’Association CFA Montréal. Je vais tenter de vous montrer pourquoi vous devez lire cet ouvrage.

M. Ineichen énonce trois postulats: primo, l’objectif est de trouver des placements qui sont biaisés à la hausse et qui affichent un potentiel de hausse supé- rieur à leur tendance à la baisse. Secundo, la démarche à favoriser dans l’atteinte de cet objectif est la gestion active des placements. Tertio, c’est l’avenir même de la gestion active qui se retrouve dans la recherche et la saisie des occasions de placement asymétrique.

Sous-tendant ces postulats, on retrouve des axiomes classiques de la finance: un rendement supérieur est préféré à un rendement moindre; la certitude est préférée à l’incertitude; les pertes pèsent plus lourd que des gains de montant égal, comme l’ont démontré les économistes béhavioristes et les psychologues.

Ainsi, la volatilité importe: à gain de capital égal, on préfère moins de volatilité. C’est une évidence. Mais ce qui compte d’un point de vue intérimaire est que la réaction émotive causée par un placement très volatil peut engendrer le double risque de liquider le placement au plus bas, monétisant alors des pertes maximales et privant l’investisseur de la remontée qui fait partie intégrante d’un tel placement. Pour M.Ineichen, il s’agit de la fusion du long terme (la vision proposée par Jeremy Siegel selon laquelle «les actions dépassent les obligations sur le long terme») et du court terme («les rendements intérimaires comptent»).

M.Ineichen démontrera que la gestion passive, telle que l’indexation, ne peut dominer une gestion active appropriée. C’est que l’approche passive ne peut produire d’alpha et ne peut donc, par définition, battre les références. Selon moi, un point valide de l’auteur consiste à faire la distinction entre le suivi des réfé- rences et la gestion active à base de rendements absolus (le précédent livre de M.Ineichen s’intitule d’ailleurs Absolute Returns). L’alpha serait alors synonyme d’une vision active de la gestion, visant à produire des rendements asymétriques. C’est en soi un raffinement des rendements absolus qui visent à «ne pas perdre d’argent», les rendements asymétriques proposant plutôt des «rendements avec un risque à la baisse réduit».

La majeure part de la seconde moitié de l’ouvrage porte sur les placements alternatifs.

Ce n’est toutefois pas une redite mais bien un exposé astucieux: les placements alternatifs constituent la voie vers les rendements asymétriques étudiés plus tôt. L’auteur consentira d’ailleurs des efforts sérieux à mettre en valeur l’asymétrie positive et les bienfaits de l’aplatissement («kurtosis») des fonds de couverture. À noter, l’auteur fait un exposé notable sur le risque et la transparence de ces placements.

Enfin, M.Ineichen traite des rendements asymétriques du point de vue commercial. Le secret consistera à contrôler le côté aléatoire (convertir le risque symétrique en risque asymétrique dirigé) et à trouver l’alpha, ce qui demande un talent exceptionnel, car l’alpha est rare et coûte cher à extraire.

Selon moi, l’une des contributions notables de cet ouvrage est d’avoir ajouté une pierre à l’édifice de la gestion de risque. En fin de compte, les gestionnaires actifs gèrent avant tout le risque; les rendements deviennent dès lors la conséquence logique de cette gestion de risque active. Nous savons tous que risque et rendement sont l’avers et l’envers de la même pièce. On note toutefois une adoption rapide de l’idée selon laquelle la gestion de risque constitue réellement le pilier principal du placement.

Pierre Saint-Laurent, M. Sc., CFA, CAIA, est président d’ActifConseil à Montréal. On peut lui écrire à l’adresse psl@actifconseil.com.

1 Alexander M. Ineichen, Asymmetric Returns: The Future of Active Asset Management, Wiley, 2007.


• Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2007 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Pierre Saint-Laurent