Le bonnet d’âne est décerné à…

Par Michel Mailloux | 16 octobre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Pour la personne malhonnête, qu’importe le type de rémunération, il y aura toujours moyen de profiter du système. Voici pourquoi nous nous trompons de débat.

Depuis plusieurs années et à quelques reprises en commission parlementaire à titre de président de l’IQPF, j’ai clairement exprimé que le mode de rémunération des intervenants financiers ne devrait pas être la préoccupation de base du législateur.

Bien entendu, l’agent à commission, souvent pointé du doigt, peut orienter son client vers un produit plus rémunérateur pour lui que pour ce dernier! Il manque ainsi à son devoir. Mais il en va de même pour le professionnel à honoraires : il pourrait ajouter une heure de plus, gonflant sa facture et flouant son client. Il manquerait lui aussi à son devoir éthique. Enfin, le salarié, souvent payé en partie avec des bonis, pourrait être tenté d’orienter son client vers des produits suggérés par son institution. Encore une fois, il s’agit d’une faute.

Le seul point commun à toutes ces situations est la conscience potentiellement élastique de l’intervenant financier! Pour le reste, quelle que soit l’approche de rémunération, on pourra toujours imaginer des scénarios non éthiques.

Bonnet blanc et blanc bonnet

Un grand débat est actuellement ouvert sur la communication de la commission auprès des clients. Doit-on déclarer un pourcentage ou un montant? Comme éthicien, je crois que cette controverse dénote un problème plus fondamental.

La bonne question devrait s’énoncer comme suit : « Est-ce que mon client connaît et comprend bien les frais qu’il débourse? ». Si j’ai des hésitations à exprimer ma rémunération en dollars, il y a nettement un glissement inacceptable. Le client est en droit d’être bien informé. S’il ne comprend pas les pourcentages, comme probablement 60 % de la population canadienne qui a un niveau de numératie insuffisant, c’est un devoir moral et éthique de l’exprimer en dollars. Le seul fait de débattre du sujet me rend perplexe.

Le client investisseur doit comprendre! C’est notre devoir, pas un choix.

Et pendant qu’on pèse, soupèse ou repèse l’expression de la rémunération en pourcentage ou en dollars, on oublie que le vrai débat, sur le plan mondial, réside dans le remplacement de celle-ci par des honoraires.

L’Australie l’a déjà fait, la Grande-Bretagne l’introduit, les Américains y sont partiellement et le Canada y songe très sérieusement. En tant que détenteur de permis, on a le choix d’engager un combat d’arrière-garde en essayant d’empêcher l’instauration de cette mesure. Je n’y vois pas une très bonne solution. Je crois que nous devons plutôt y réfléchir sérieusement. Le débat se fera avec ou sans nous. Choisissons de le faire pour, justement, influencer le résultat. Nous vivrons avec celui-ci. Nos entreprises seront évaluées en fonction d’éventuelles nouvelles règles.

Bien entendu, on ne peut décrire tous les effets d’un changement aussi draconien de régime avec certitude, mais on peut en évaluer les conséquences stratégiques et tactiques.

Six pistes de réflexion

Lorsqu’on entreprend de grands changements, on doit porter une attention particulière au contrôle des répercussions négatives. Ni le législateur, les conseillers, les clients, les institutions financières ni les organismes d’autoréglementation, personne ne doit en faire les frais et encore moins porter le bonnet d’âne! Voici donc six pistes de réflexion, six pistes à examiner avant de faire basculer l’ensemble des modes de rémunération de l’industrie financière. Bien entendu, ce ne sont pas les seules. Nous devrons collectivement participer à l’élaboration des nouvelles normes dans le cadre de discussions ouvertes et transparentes.

1. Si les commissions biaisent le jugement de l’intervenant, qu’en est-il du salaire et des bonis des salariés?

Ces derniers se verront-ils soumis à un régime équivalent, ou entendrons-nous « Il n’y a pas de frais chez nous », comme nous l’entendons malheureusement parfois ? Bref, le législateur doit s’assurer que l’employé d’une institution financière soit traité de la même manière que tous les autres intervenants. Nous devons tous jouer sur un même terrain de jeu avec des règles transparentes et équivalentes.

2. Comment seront implantés ces changements?

Un « big-bang » causerait un tort irréparable à des milliers d’intervenants qualifiés.

Il devra y avoir une période « de lissage ». Mais quelle forme prendra-t-elle? On pourrait envisager une période de sortie, plus ou moins longue, au cours de laquelle les commissions pourraient se transformer en honoraires obligatoires, après quoi l’obligation disparaîtrait.

On peut aussi imaginer un système complexe à base de clauses dites « grand-père », soit des produits déjà vendus (donc avec droits acquis) combinés à des produits nouveaux strictement à honoraires. Ceci serait relativement simple par la création de nouvelles séries basées sur honoraires (appelons-les séries BH).

Il existe des systèmes mixtes qui pourraient offrir un savant mélange des deux aspects. Tout est possible. Justement, tout est possible! Participons au débat. C’est votre patrimoine d’entreprise qui est en jeu. Gardons en tête que le tout doit être relativement simple. On n’y gagnerait pas à rendre le modèle opaque.

Ces deux premières pistes illustrent deux des enjeux concernant les conseillers. Passons maintenant de l’autre côté du miroir avec les institutions.

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À lire : Table ronde sur la rémunération − Un empressement à la mesure des enjeux

Michel Mailloux