Le meilleur intérêt du client doit-il primer?

Par Fabrice Tremblay | 16 novembre 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Lorsque questionnés sur les obligations de leur conseiller, beaucoup d’épargnants répondent que leur conseiller ou leur courtier a le devoir d’agir dans le meilleur de leurs intérêts en tant que client. Cela implique que leur conseiller devrait légalement leur offrir les meilleurs produits possible ou ceux qui leur conviennent le mieux. Cela reste une perception, car cette exigence ne figure pas clairement dans les Lois sur les valeurs mobilières (LVM) canadiennes.

Partant de ce constat, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), dont fait partie l’AMF, ont décidé de réfléchir à la possibilité d’insérer explicitement cette exigence dans la loi. « Présentement, c’est surprenant, mais à part pour les gestionnaires de fonds d’investissement, la LVM ne prévoit pas de normes de diligence explicite d’agir dans le meilleur intérêt du client », rappelle Élise Renaud, avocate chez Fasken Martineau. Mme Renaud s’exprimait jeudi dans le cadre du Septième Colloque de conformité du CFIQ, qui se tenait à Montréal devant environ 150 participants.

À terme, une telle modification pourrait entrainer des changements dans la pratique des conseillers au Québec et dans les autres provinces. L’éventail de produits offerts au client pourrait devoir être élargi. Autre conséquence possible : le mode de rémunération détaillé du conseiller devrait être systématiquement communiqué au client.

Des lois distinctes au Québec Le débat porte sur le concept de « devoir fiduciaire », emprunté à la Common law. Il s’agit du devoir d’agir au mieux des intérêts du client dans une relation professionnelle. Il s’agit de la norme la plus stricte de diligence d’un point de vue légal. Le 25 octobre dernier, l’AMF a d’ailleurs publié un document de consultation intitulé Norme de conduite des conseillers et des courtiers –Opportunité d’introduire dans l’activité un devoir légal d’agir au mieux des intérêts du client de détail. Les personnes intéressées à formuler des commentaires auprès de l’AMF à ce sujet ont jusqu’au 22 février pour le faire.

En Ontario, l’exigence de devoir fiduciaire entre un conseiller et son client peut être invoquée devant les tribunaux. Mais cette obligation est reconnue au cas par cas, en vertu de la Common law, et non en vertu de la LVM de l’Ontario. « Le devoir de fiduciaire est vraiment un concept qui est étranger au droit civil québécois. Il faut toujours garder en tête qu’au Québec on a un Code civil. Certains articles du Code civil offrent déjà aux épargnants et aux investisseurs des protections », souligne Mme Renaud.

Les conséquences à prévoir L’imposition d’un devoir fiduciaire pourrait venir changer certaines pratiques, même s’il est probable que les autorités réglementaires devront tenir compte des réalités des modèles d’affaires existants. Il serait par exemple utopique d’exiger d’un conseiller qu’il connaisse absolument tous les produits disponibles sur le marché. Une éventuelle nouvelle réglementation pourrait en fait se traduire par une plus grande exigence de transparence. Par exemple, un conseiller devrait indiquer clairement s’il n’est qu’en mesure d’offrir les « produits maison » gérés par l’institution financière à laquelle il est rattaché. De la même façon, si le conseiller reçoit des commissions sur la vente de certains produits, il devrait le dévoiler. En effet, les tribunaux pourraient alors estimer qu’il s’agit d’un conflit d’intérêts qui l’empêche d’agir « au meilleur des intérêts du client ».

Fabrice Tremblay