Le professionnel sans nom

Par Fabien Major | 15 septembre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Récemment, je me suis prêté à un exercice auprès de mes proches et amis qui en a dit long sur notre profession. Je leur ai demandé de m’exprimer par écrit ce que font concrètement les « représentants en épargne collective » et les « conseillers en sécurité financière ». Voici une petite sélection parmi les réponses (pour le moins révélatrices) obtenues:

Que fait le « représentant en épargne collective »?

  • Est-ce un employé du casino?
  • C’est un administrateur de fonds de pension.
  • Oh, représentant, ça sonne comme un vendeur itinérant.
  • Je ne sais pas. Un collecteur de dons?
  • Moi, je dirais un représentant syndical.
  • Je n’en ai aucune idée.
  • Mon cousin vient de terminer son cours. C’est un vendeur d’assurance.

Que fait le « conseiller en sécurité financière »?

  • Cest clair, cest un serrurier.
  • Un installateur de caméras de surveillance?
  • Je dirais un vendeur de coffres-forts.
  • Ça vient de l’anglais « securities advisors ». Cest un courtier qui vend des actions.
  • Sans doute un agent de sécurité ou un garde du corps.
  • Euh, un surveillant de chantier.
  • Je crois avoir lu sur Jobboom que cest un ingénieur informatique en milieu bancaire.
  • Il est caissier à la banque?

Quelle est la différence entre les notaires, les avocats, les médecins, les comptables, les ingénieurs et les conseillers en services financiers?

Simple. Les conseillers financiers sont les seuls professionnels à ne pas pouvoir utiliser légalement le nom dont le public se sert pour les identifier.

Je ne parle pas d’un titre, mais bien d’un nom pour les qualifier. Les médecins ont des dizaines et dizaines de spécialités, mais ont encadré l’appellation « docteur ». Ils ont tous le droit de s’appeler docteurs et celui qui n’est pas autorisé à pratiquer la médecine ne peut légalement utiliser le qualificatif « docteur ». Autre exemple, il y a les CGA, les CMA, les CA… qui sont TOUS des « comptables professionnels ».

Au Québec, le public nous qualifie de « conseillers financiers » dans le langage populaire, MAIS il est interdit à un conseiller dûment inscrit de s’appeler ainsi. Et attention, si un média vous présente de sa propre initiative comme étant un conseiller financier ou conseiller en finances personnelles, on pourra quand même vous le reprocher! Y comprenez-vous quelque chose? Moi, non.

La protection du public passe par un nom

Pourquoi donc l’AMF n’a-t-elle pas statué une fois pour toutes sur un nom générique? Je ne sais pas. J’ai eu beau me perdre pendant des heures sur son site web et échanger avec son porte-parole, je n’ai pas trouvé de terme simple (un mot ou deux) qui qualifie TOUS les professionnels des services financiers. Comme la nature a horreur du vide, il y a de l’abus.

Cet espace laissé vacant par l’AMF a des effets insoupçonnés. L’absence de décision ou de consensus engendre une bureaucratie supplémentaire. On n’hésitera pas à envoyer des mises en garde à des professionnels inscrits qui ont de bonne foi eu le malheur de mettre un titre généraliste sur leur site web ou qui s’en qualifient simplement lors d’une entrevue.

Dans le fond, ces derniers n’ont cherché qu’à décrire leurs activités en termes simples, sans devoir lire à voix haute leur carte professionnelle au complet (qu’ils peuvent avoir quand même présentée).

La solution de l’OCRCVM

Dans l’univers des valeurs mobilières, on a pris le taureau par les cornes et on a statué clairement en 2013. Un outil en ligne permet même aux investisseurs de se retrouver dans les nombreux titres permis. La vice-présidente pour le Québec de l’OCRVCM, Carmen Crépin, a été très limpide avec moi : pas de demi-mesure.

« C’est la responsabilité des firmes de courtage d’encadrer leurs représentants et les titres qu’ils utilisent. La règle de base est ne pas engendrer de confusion. »

Les conseillers en valeurs mobilières ont le droit de se présenter comme des « conseillers en placement ». C’est assez simple à comprendre, n’est-ce pas?

Ces derniers peuvent aussi ajouter leur certification de formation si celle-ci a un lien avec leurs fonctions. Les pseudo titres d’experts en gestion pour aînés, médecins ou gens d’affaires et autres vice-présidents bidons sont dorénavant clairement interdits.

Et si on demandait à l’OCRCVM d’encadrer TOUS les planificateurs et représentants en épargne collective et en assurance de personnes? Après tout, c’était bien la CVMQ qui encadrait dans le passé les conseillers qui offraient des fonds de placement.

Qu’en pensez-vous?

Fabien Major

Fabien Major, MBA, Adm.A., est planificateur financier et conseiller en placement. Il possède aussi le cabinet Major Gestion Privée, lié à Assante, à Montréal.