L’épargne forcée… solution pour les indisciplinés?

Par Sylvain B. Tremblay | 6 juin 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Épargner, c’est comme les fibres, ou les légumineuses.

On sait que c’est bon pour nous. Essentiel, même. Mais quand vient le temps de passer à l’action… On est mi-enthousiaste, mi-efficace…

Il suffit de regarder autour de soi pour se rendre compte qu’un bon nombre de consommateurs abordent la retraite avec comme seul actif leur maison, trop souvent partiellement payée. En disposant de sa résidence, le consommateur libère ainsi un bon montant de capital producteur de revenu avec lequel il pourra soit s’acheter une rente viagère auprès d’un assureur, soit se constituer un portefeuille de placement qui convient à son degré de tolérance au risque, à partir duquel il ponctionnera mensuellement les sommes dont il aura besoin pour vivre. Imaginez quelle aurait été la situation s’il avait passé sa vie locataire au lieu d’un jour décider de devenir propriétaire ?

L’ÉPARGNE QUE L’ÉPARGNANT S’IMPOSE LUI-MÊME

Achat d’une résidence et financement hypothécaire

Prenons un exemple simplifié à l’extrême. Denis possède une maison qui nécessite des paiements en capital et intérêts totalisant 300 000 $ sur 25 ans, dont 150 000 $ seront récupérés à la disposition de celle-ci. En la vendant, il récupère à l’échéance du terme 150 000 $, mais la transaction aura impliqué à la base un coût de 300 000 $. En le forçant à payer 300 000 $ initialement pour se loger, on a réussi à lui faire accumuler (épargner) 150 000 $. C’est ce qu’on peut définir comme de l’épargne forcée.

D’autres options de logement sont bien entendu disponibles à coût moindre pour Denis, comme la location, disons à 600 $ par mois, mais saura-t-il se discipliner et épargner mensuellement les 400 $ autrement capitalisés dans le paiement de sa maison ? Dans notre exemple, on constate que, bien que le logement de Denis ne constitue pas l’affaire du siècle, cette façon de faire lui permet d’accumuler un montant en capital qu’il n’aurait autrement pas épargné.

En passant, au sujet du marché immobilier, nous sommes présentement à l’apogée d’une période haussière qui dure depuis plus de 15 ans. La situation n’est, hélas, pas toujours caractérisée par ce type de tendance. Certains d’entre nous se rappelleront les années 90, au cours desquelles la croissance de valeur a été pratiquement nulle, voire négative, pendant que les taux hypothécaires diminuaient de plus de 50 %… Est-ce que ce même marché pourrait vivre une période baissière en contexte de hausse des taux hypothécaires ? ? ? Possible…

AUTRES MOYENS ?

Voici quelques autres moyens simples de s’astreindre à épargner :

  • Placement périodique systématiqueIl s’agit pour l’épargnant de budgéter une mensualité déterminée qu’il déposera dans un portefeuille de placement lui permettant de progressivement se constituer un capital qui pourra répondre à ses objectifs à moyen et long termes.
  • Cotisation maximum au fonds de pensionLes personnes ayant à leur disposition un fonds de pension à cotisations déterminées peuvent s’assurer de se prévaloir de l’avantage maximum offert par le régime. À la cotisation de base obligatoire à ces régimes (3 % employé – 3 % employeur) est souvent assortie l’option de verser un supplément à partir d’un certain âge (+2 % à partir de 40 ans et 2 % supplémentaires à partir de 50 ans, par exemple).
  • Achat d’un portefeuille de placement en utilisant l’effet de levierCertaines sociétés financières que je ne nommerai pas offrent la possibilité de placer chez elles une somme d’argent que vous ne possédez pas. Elles vous avancent alors l’argent, moyennant un taux d’intérêt quelconque, que vous versez dans les fonds de placement qu’elles offrent. Cette stratégie peut avoir un certain sens à long terme, lorsque vous contrôlez ses coûts inhérents et que les placements choisis génèrent les résultats suffisants. Ce qui m’agace dans ce genre de stratégie, c’est que certains représentants l’ont utilisée à outrance et qu’elle ne devrait être réservée qu’aux épargnants avisés.

L’ÉPARGNE IMPOSÉE PAR L’ÉTAT

Hausse des cotisations aux régimes de la RRQ et/ou RPC

Les cotisations que nous effectuons à partir de nos paies constituent une forme d’épargne collective forcée. Elles servent en effet à la capitalisation de nos régimes de retraite d’État. Ces cotisations ont augmenté de façon passablement importante au cours de la dernière décennie et il n’est pas exclu que ce soit le cas au cours de la prochaine. « On veut notre bien et on l’aura… » Au risque qu’on m’affuble du qualificatif de « vil capitaliste », nous n’en serions pas à penser à de telles mesures correctives si tous nos concitoyens se prenaient un peu plus en main…

Qu’elle soit naturelle pour l’avare, le frugal et l’« insécure » ou forcée pour le commun des mortels, la faculté à épargner sous-entend toujours une certaine privation à court terme au profit d’un bénéfice à plus long terme. Sachant que le consommateur éprouve généralement plus de satisfaction à dépenser maintenant qu’à épargner pour en profiter plus tard, le conseiller aura avantage à peaufiner sa démarche en y ajoutant quelques notions de finance comportementale, en attendant que son client attache plus d’importance à sa santé financière.

Sylvain B. Tremblay

Sylvain B. Tremblay

Sylvain B. Tremblay, Adm.A., Pl. Fin., est vice-président, Gestion privée à Optimum Gestion de placements inc.


• Ce texte est paru dans l’édition de mai 2016 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Sylvain B. Tremblay