Les 5 critères pour apprécier une stratégie d’investissement

Par André Gosselin | 25 mai 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Tous les portefeuille du cabinet Orientation Finance respectent ces critères, précise d’emblée André Gosselin, Ph. D., fondateur de la philosophie de gestion du cabinet.

Pour m’en tenir à l’essentiel, je dirai qu’il y a cinq principaux critères qui permettent d’apprécier les mérites et les vertus d’une stratégie d’investissement. Afin d’être acceptable et bien adaptée aux intérêts et aux capacités des investisseurs individuels, une stratégie d’investissement se doit d’être :

1. Valide 2. Fidèle 3. Compréhensible 4. Simple 5. Systématique

1. La validité d’une stratégie d’investissement est sa capacité de donner des rendements futurs qui correspondent à ses rendements passés. En science, la validité exige d’abord qu’un objet particulier puisse être observable. Ensuite, la théorie doit être vraie et en bonne adéquation avec la réalité qu’elle cherche à expliquer. Enfin, la théorie doit permettre d’établir de bonnes prédictions.

On n’en attend pas moins d’une bonne stratégie d’investissement : elle doit reposer sur des hypothèses observables qui s’accordent le plus parfaitement possible avec l’univers de la Bourse et des investisseurs. Plus exactement, elle doit savoir reconnaître les facteurs qui contribuent à définir le rendement des titres boursiers, et elle doit connaître les relations d’influence qui existent entre ces facteurs. Ce n’est qu’à cette condition que ses prédictions pourront s’avérer assez justes. En termes clairs, une stratégie sera d’autant plus valide qu’elle a été testée sur une longue période boursière et dans plusieurs marchés boursiers à la fois.

On pourrait même affirmer que la validité d’une stratégie, au bout du compte, est sa capacité de battre le marché ou un indice de référence. Il existe des stratégies populaires d’investissement qui ont fait l’objet d’une enquête minutieuse pour en déterminer l’efficacité durant une période de 50 ans, voire 100 ans d’historique boursier. D’autres n’ont jamais été vérifiées et ne le seront probablement jamais, notamment à cause de carences sur les plans de la fidélité, de la compréhension et de la simplicité.

2. La fidélité d’une stratégie d’investissement fait référence à son caractère reproductible. Elle est une condition de sa validité. Dans le domaine des sciences, humaines ou physiques, on dit d’une méthode scientifique ou d’un devis expérimental qu’ils sont fidèles si l’on peut répéter le test sur des objets comparables en obtenant le même résultat.

Tout scientifique qui fait une découverte qu’il juge importante doit être en mesure, par exemple, de préciser très exactement sa démarche et la façon dont il s’y est pris pour arriver à ses observations et à ses conclusions. Ainsi, l’un de ses collègues ou de ses pairs pourra toujours refaire le même cheminement et, si le degré de fidélité de l’expérience est suffisamment élevé, il devrait aboutir au même résultat ou à la même découverte. Ce qu’on appelle la reproductibilité de la démarche de découverte et d’établissement de la preuve est un principe fondamental de toute science qui se respecte.

On voit immédiatement le parallèle qu’il est possible d’établir avec l’activité humaine de l’investissement : une stratégie de placement sera considérée comme étant parfaitement fidèle si deux investisseurs différents, qui travaillent séparément et sans se parler, sont en mesure d’appliquer cette stratégie pour arriver exactement au même portefeuille, avec les mêmes titres et dans les mêmes proportions, pour ainsi obtenir des rendements identiques.

Une stratégie d’investissement qui n’est pas reproductible n’est pas, à mon sens, une bonne stratégie. Du moins, elle ne devrait pas être recommandée à l’investisseur moyen. Les stratégies de Warren Buffett et de Peter Lynch ont certes procuré des rendements fantastiques à long terme, mais on est malheureusement dans l’obligation d’admettre que leur degré de fidélité est très bas. Si l’on était en mesure de reproduire exactement, avec fidélité, les démarches d’investissement qui ont fait de Lynch et de Buffett des gens riches et célèbres, on serait millionnaire dans le temps de le dire. Deux investisseurs qui mettent en oeuvre, aujourd’hui, les principes enseignés par Lynch, auront très peu de chances d’arriver au même portefeuille. Il en est de même pour la stratégie de Buffett. Les probabilités sont mêmes très faibles qu’ils puissent avoir en commun un même titre boursier dans leur portefeuille respectif. Si c’était le cas, les chances seraient encore plus minces qu’ils se débarrassent du titre le même mois, voire la même année.

En revanche, la stratégie qui consiste à acheter tous les titres (il y en a 30) de l’indice Dow Jones, en consacrant le même montant d’argent à chacun et en conservant ce portefeuille durant 10 ans, est une stratégie parfaitement fidèle. Deux investisseurs qui s’ignorent (l’un au Canada et l’autre en France) et qui appliquent cette stratégie obtiendront exactement le même rendement. La méthode du Dow Jones est parfaitement fidèle, les méthodes de Lynch et de Buffett ne le sont que très peu, pour ne pas dire aucunement.

3. Une stratégie qui n’est pas compréhensible n’est pas une bonne stratégie. On doit être en mesure de l’interpréter correctement pour lui accorder du crédit. « L’interprétabilité » d’une stratégie d’in­vestissement est sa faculté à utiliser des termes clairs, précis et sans équivoque. Elle est d’ailleurs une condition de sa fidélité, comme celle-ci est une condition de sa validité. À l’instar de toute discipline scientifique, une stratégie de placement ne vaut la peine qu’on s’y arrête que si elle est en mesure de définir adéquatement et de façon compréhensible tous les principaux concepts qu’elle utilise et les déductions auxquelles elle procède.

Je dois dire que, dans le merveilleux monde de l’investissement, les mots et les concepts sont généralement beaucoup plus clairs et plus précis que dans l’univers des sciences sociales par exemple, qu’il s’agisse de la sociologie, de la science politique, de la psychologie, de l’histoire et même de la science économique. Il y a de nombreuses raisons à cela. Les trois principales à mon avis sont que les notions les plus communes en investissement proviennent soit de la science comptable, soit des statistiques, soit de la science juridique. Le champ social de l’investissement est codifié par les comptables, les statisticiens et les juristes, et cela en facilite la compréhension.

Toutefois, tout un pan de l’analyse financière repose sur une approche qualitative, ce qui rend plus difficile la communication entre les investisseurs, et entre ceux-ci et les acteurs économiques, Par exemple, un certain nombre de stratégies insistent sur l’impor­tance d’investir dans des sociétés où l’équipe de direction est compé­tente, dynamique, honnête et soucieuse de l’intérêt des actionnaires. Or, l’on pourrait discuter longtemps de ces notions pour déterminer à quoi elles font référence exactement. La très grande majorité des insti­gateurs de stratégies d’investissement populaires qui ont avancé sur ce terrain glissant l’ont souvent fait avec un langage et un vocabulaire peu détaillés et très peu précis. Cela entraîne de gros problèmes d’interprétation de leurs idées, et de reproductibilité (ou fidélité) de leur méthode.

Une stratégie dont les critères sont observables, mesurables et quantifiables sera toujours préférable à celle dont les critères ne le sont pas. C’est souvent à cette condition qu’il est possible de l’inter­préter de façon univoque. On pourrait dire, pour employer une expression à la mode, que ses principes doivent être objectifs. Dès qu’un principe laisse une trop grande place à l’interprétation de tous et chacun, il n’est pas fiable. C’est le cas de l’affirmation selon laquelle un bon investissement est celui qui est fait dans une compagnie dont la direction est honnête et compétente. Ce genre de principe laisse trop de place à l’interprétation pour être valide. Il n’est pas dit qu’on n’ar­rivera pas un jour à mesurer adéquatement les caractéristiques de l’équipe dirigeante des entreprises, mais, jusqu’à ce jour, aucun chercheur n’a sérieusement testé cette variable et son effet sur le rendement des actions.

4. Le quatrième critère d’évaluation d’une stratégie d’investissement est son degré de simplicité. Ce critère n’est pas le plus important, mais il a sa place dans la méthodologie des sciences comme dans celle des stratégies de placement. Dans l’activité scientifique, la sim­plicité est une qualité admise depuis fort longtemps. Entre deux explications d’un même phénomène, les savants retiendront habituellement l’explication la plus simple.

En matière d’investissement, nous verrons que les stratégies les plus rentables ne reposent pas sur 10 ou 20 critères, mais sur trois ou quatre critères. D’ajouter un plus grand nombre de facteurs de sélection de titres ou de prévision des marchés dans une stratégie n’améliore en rien son efficacité. Au contraire, elle perd en rende­ment et en efficacité. Certains chercheurs institutionnels ont tenté, en toute bonne foi, de construire des grilles de sélection dans lesquelles un titre devait posséder une dizaine de caractéristiques pour être retenu. Or, les portefeuilles ainsi constitués ne donnaient pas un meilleur rendement que ceux construits avec une grille n’exigeant que deux ou trois qualités de la part des titres considérés.

5. Enfin, le cinquième et dernier critère nous permettant d’évaluer une stratégie d’investissement est son caractère systématique. Tous les titres du marché boursier visé par la stratégie doivent pouvoir être examinés, passés en revue et comparés. En somme, le marché au complet doit être tamisé ou filtré au moyen de la grille de sélec­tion de la stratégie. Le caractère systématique d’une méthode de recherche, en sciences sociales, est sa capacité à observer tous les individus qui font partie d’un échantillon représentatif de la population que l’on cherche à étudier.

Ainsi, pour qu’une stratégie soit considérée comme véritablement systématique, elle doit, dans la pratique, dans l’application concrète de sa méthode, faire en sorte que tous les titres d’un marché soient examinés afin de ne sélectionner que les meilleurs et les plus accomplis d’entre eux, selon les critères de choix retenus au départ. Absolument toutes les compagnies inscrites à un marché boursier seront passées à la loupe. Il n’y aura aucun biais dans la sélection de départ. Aucun titre ne sera ignoré.

Le contenu de cette chronique a été gracieusement fourni par le cabinet Orientation Finance.

André Gosselin