Les bons rendements deviendront-ils une denrée rare?

Par Pierre-Luc Trudel | 25 mai 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Une faible croissance économique jumelée à un niveau élevé du marché des capitaux posera un véritable défi aux investisseurs à la recherche de bons rendements boursiers dans les prochaines années. La solution est-elle de prendre plus de risques ou de tenter des approches plus novatrices?

« La faible volatilité du marché et les bons rendements obtenus ces dernières années ont créé un faux sentiment de confiance chez les investisseurs, croit Jean-Luc Gravel, premier vice-président, Marchés boursiers, Direction des placements à la Caisse de dépôt et placement du Québec.

À l’occasion du 40e congrès de l’Association des économistes québécois, jeudi, à Montréal, il a affirmé qu’il sera très difficile pour les investisseurs d’obtenir d’aussi bons rendements dans les prochaines années compte tenu des prévisions de croissance faible. « Une aussi faible croissance économique est particulièrement décevante considérant les politiques monétaires agressives des banques centrales », a-t-il mentionné.

Jean-Luc Gravel estime également que l’économie mondiale se trouve à la fin d’un long cycle d’endettement. « Le niveau d’endettement est très élevé partout, ce qui a généré de la croissance, mais on s’apprête à vivre l’autre côté de la médaille. On va devoir travailler avec des forces déflationnistes. »

À l’opposé de l’économie réelle, les marchés boursiers ont enregistré une forte croissance depuis la crise financière de 2008, poussés par une augmentation importante des multiples de valorisation. En conséquence, les actions sont actuellement très chères, soutient M. Gravel. « Le multiple du S&P 500 est actuellement à 27 fois les bénéfices, un niveau record. » Par ailleurs, la marge de profit net des entreprises de l’indice se situe également à un niveau record de 9 %.

Ce contexte de marché met beaucoup de pression sur la direction des entreprises, qui recherchent du rendement à court terme en rachetant leurs propres actions alors qu’elles ont un cours élevé. « Cette approche procyclique n’est pas très efficace pour l’ensemble du marché », estime Jean-Luc Gravel.

Où sera le rendement?

Si certains investisseurs seront tentés de prendre plus de risques en utilisant l’effet de levier pour générer du rendement dans une telle conjoncture des marchés, la Caisse de dépôt a plutôt choisi de faire face à l’adversité en faisant preuve de créativité.

L’approche intégrée de l’investisseur institutionnel consiste à gérer ses portefeuilles en absolu en misant sur les actifs de qualité et une vision à long terme. « On prend nos décisions d’investissement à partir d’une page blanche, et non en fonction des indices de référence, explique Jean-Luc Gravel. On alloue le capital aux entreprises méritantes qui ont des modèles d’affaires solides et d’importantes barrières à l’entrée. À long terme, les actifs de qualité génèrent d’aussi bons rendements que l’indice de référence, mais avec beaucoup moins de risque et un bon niveau de liquidité. » Il concède toutefois que les titres de qualité se paient dans le contexte actuel des marchés.

Pour générer du rendement stable à long terme, la Caisse mise également sur des catégories d’actifs moins liquides, telles que l’immobilier et les infrastructures.

Risques multiples

« Il n’y a pas eu de correction majeure depuis 2008. Ça ne veut pas dire que ça va se produire demain, mais c’est certain que ça va finir par arriver », a pour sa part indiqué Jean Turmel, président du conseil de Teachers lors d’une autre conférence tenue dans le cadre du congrès de l’Association des économistes québécois.

Comme la plupart des caisses de retraite, Teachers a réalisé de bons rendements ces dernières années, mais travaille actuellement à la révision de ses politiques de placements pour se préparer aux prochaines années, qui s’annoncent beaucoup moins fastes.

« Le contexte macro-économique mondial représente un gros défi, croit M. Turmel. Il va falloir composer avec des risques de marché, de crédit de taux d’intérêt, de longévité et bien d’autres. Les risques politiques sont aussi très élevés. Les marchés sont en zone rouge. On ne sait pas trop si on vivra une situation d’inflation ou de déflation. »

Au final, le défi de Teachers sera le même que celui de la Caisse de dépôt et de bon nombre d’investisseurs : créer de la valeur en prenant moins de risque.

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Pierre-Luc Trudel