Les dangers déontologiques des faibles taux d’intérêt

Par Denis Preston | 30 septembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Quand les taux d’intérêt sont bas, quatre situations problématiques peuvent se présenter :

1. Parce que les taux d’intérêt sont bas, plusieurs investisseurs cherchent des placements qui rapportent davantage. Cinq ans après la crise financière, certains clients considèrent que leur tolérance au risque est plus grande qu’auparavant.

2. Les représentants craignent qu’une hausse des taux d’intérêt diminue la valeur des portefeuilles obligataires de leurs clients. Plusieurs d’entre eux ont donc tendance à diminuer la pondération en obligations.

3. Si l’on en croit certains concepts de vente, on peut augmenter le rendement des clients sans pour autant augmenter les risques.

4. Il existe une confusion quant à la catégorisation de certains produits financiers. Un fonds de dividendes ou une fiducie de revenu immobilier sont-ils véritablement des titres dont les risques sont similaires aux obligations?

À lire : Comment miser sur l’économie mondiale

Le danger de cette situation? Certains clients pourraient se retrouver avec un portefeuille de placements qui ne correspond pas à leur profil d’investisseur. Lors de la prochaine correction du marché (nous en connaîtrons assurément d’autres, seules leurs dates demeurent inconnues), il se peut que vos clients subissent des pertes qui surpassent leur tolérance au risque. Certains pourraient alors vous quitter, ou pire, vous pourriez faire face à une plainte pour non-respect de leur profil.

Voici quelques commentaires relativement à ces quatre points :

  • Les attentes de rendement ne font pas partie du profil d’investisseur. Il ne faut pas augmenter les risques des portefeuilles de vos clients parce que les taux d’intérêt sont faibles. Si vos clients insistent pour avoir plus de rendement, calculez en dollars (pas seulement en pourcentage) combien une baisse de 40 % du marché des actions diminuera la valeur de leurs placements. Dans les 40 dernières années, le marché des actions canadiennes a subi trois fois une baisse de 40 % ou plus.
  • Une hausse des taux diminue la valeur des obligations, mais elle tend aussi à diminuer la valeur des autres placements. Vérifiez toujours la durée des titres ou fonds que vous proposez. En effet, celle-ci n’est pas un concept réservé uniquement aux portefeuilles obligataires. La duration du marché des actions est d’environ 20 ans1, ce qui implique qu’à moins qu’une hausse des dividendes vienne compenser ce facteur, une hausse de taux de 1 % pourrait entraîner une correction d’environ 20 % du marché des actions.
  • Si un placement offre une perspective de rendement plus élevé qu’une obligation, c’est qu’il comporte davantage de risques. Sinon, cela signifie que le marché et les milliers de gestionnaires professionnels se trompent parce qu’ils préfèrent acheter un titre avec le même niveau de risque, mais avec un rendement moindre ! Au contraire, beaucoup de professionnels tendent à sous-estimer les risques – rappelons-nous des PCAA.
  • Le classement des catégories d’actifs entre titres à revenu et titres de croissance peut induire en erreur certains clients. Il semble préférable d’utiliser le classement de l’AMF :

« Titre de capitaux propres» (titre de participation)

Par titre de capitaux propres (titre de participation), on entend notamment les actions ordinaires ou privilégiées qui sont une part de propriété d’une société.

Titre d’emprunt (titre de créance)

Il s’agit notamment des obligations et des débentures qui sont des emprunts faits par la société auprès d’investisseurs2.

Un titre de participation est plus risqué qu’un titre d’emprunt parce que, lors de la liquidation d’une entreprise, entre autres, les détenteurs de titres d’emprunt ont préséance sur les détenteurs de capitaux propres.

De plus, toujours selon l’AMF, en ce qui concerne la fiducie de placement immobilier (FPI) :

« Un investissement dans une FPI ressemble davantage à un placement dans des actions qu’à un placement dans des obligations : la FPI n’est pas tenue de faire des distributions à ses investisseurs. La FPI peut réduire ou suspendre les distributions si cela est justifié. De plus, puisque la mise de fonds initiale n’est pas garantie, vous pourriez perdre tout votre argent. Bien qu’une FPI ne soit pas un placement à revenu fixe, une hausse des taux d’intérêt peut diminuer la valeur de ses parts, car les investisseurs peuvent accéder à plus de placements à taux élevés. Les bénéfices de la fiducie peuvent aussi diminuer si elle doit renégocier des dettes hypothécaires à taux variables ou supérieurs.3»

L’augmentation des coûts d’emprunt affecte aussi négativement le rendement des entreprises et, par conséquent, celui de leurs actions.

En conclusion, nous devons toujours respecter le profil d’investisseur de nos clients.


Denis Preston, CPA, CGA, FRM, Pl. Fin., formateur et consultant.

1Standard & Poor’s, Equity Duration : Updated Duration of the S&P 500 2AMF, Glossaire financier. 3AMF, Que faut-il savoir avant d’investir par l’entremise d’une fiducie de placement immobilier (FPI)?

À lire : Hausse des taux d’intérêt, menace pour l’économie?

Denis Preston