Les délits d’initiés seraient la norme plutôt que l’exception

23 mars 2007 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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(23-03-2007)Une étude menée au Canada pour le compte de Bloomberg News révèle que les initiés se livrent régulièrement à des transactions illégales sur les marchés boursiers.

Sur 52 fusions et acquisitions qui ont été effectuées l’an dernier au pays, 33 d’entre elles ont donné lieu à des transactions douteuses. Dans le cas de La Senza, par exemple, le volume d’actions échangées a plus que doublé 20 jours avant l’annonce de la vente de l’entreprise. Même chose lorsque Shell Canada fut achetée par sa maison-mère et quand Western Silver est passée aux mains de Glamis Gold.

Selon Bloomberg, les initiés se livrent à de tels actes en raison du laxisme des lois sur les valeurs mobilières. En Ontario, par exemple, une personne reconnue coupable de délit d’initié fait face à un maximum de cinq ans d’emprisonnement et à des amendes totalisant 5 millions de dollars.

Mais dans les faits, les sentences sont bien moins sévères. Bloomberg relate la cas d’Allan Bulckaert, ex-pdg de Bennett Environmental. Pendant que son entreprise était à couteaux tirés avec l’État du New Jersey, il en a profité pour vendre des actions de Bennett, profitant ainsi de la baisse des cours. Il s’est fait pincer par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et a écopé d’une amende de moins de 65000 $.

Dans un cas impliquant RBC Marché des capitaux, il a fallu cinq longues années pour coincer le conseiller Andrew Rankin, qui refilait des informations privilégiées à un comparse relativement à une fusion d’entreprises. Le procès de Rankin a avorté en novembre dernier pour vice de forme. On attend que l’affaire soit de nouveau instruite.

Plus près de nous, l’homme d’affaires Claude Vézeau a reconnu sa culpabilité, le 22 mars dernier à un chef d’accusation pour délit d’initié porté contre lui par l’Autorité des marchés financiers, relativement à une opération sur les titres de la société pharmaceutique ConjuChem. Il a écopé d’une amende de 5 000 $, soit un peu plus du double du profit réalisé.

L’un des fondateurs de ConjuChem, Claude Vézeau a réalisé en août 2003 une transaction sur 6 000 actions de l’entreprise, sur la base d’informations privilégiées obtenues au conseil d’administration de cette dernière. Cette transaction avait été réalisée par le biais d’une société à numéro dont il est le principal actionnaire.

Vézeau a depuis démissionné du conseil d’administration de ConjuChem, mais il est maintenant président et chef de la direction de la firme biopharmaceutique Innodia, de Laval.

Au Canada, c’est Glen Harper qui a écopé de la peinela plus sévère en matière de violation des lois sur les valeurs mobilières. L’affaire remonte à 2000. Cet ancien directeur général de Golden Rule Resources a alors fait six mois de cachot et a dû verser 2 millions de dollars d’amendes pour avoir effectué des transactions illégales d’initiés. Il s’en est quand même bien tiré, car le tribunal lui avait d’abord imposé 12 mois de prison et 4 millions de dollars d’amendes.

Les experts interrogés par Bloomberg indiquent que le chevauchement des juridictions et la confusion qui règne entre les différents corps policiers au sujet des crimes économiques compliquent les enquêtes. Richard Powers, directeur du programme de MBA à l’école Joseph L. Rotman de l’université de Toronto, croit que l’instauration d’une seule autorité pancanadienne de réglementation des valeurs mobilières résoudrait en partie ce problème.

« La loi aurait ainsi plus de mordant. Les États-Unis ont décidé d’investir toutes les ressources nécessaires pour poursuivre les criminels. Au Canada, on fait preuve de retenue. Résultat, des individus réussissent à passer à travers les mailles du filet. »