Les grandes banques raflent le marché du CELI

4 février 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
3 minutes de lecture

La vaste majorité des épargnants canadiens ouvrent leur compte CELI dans les grandes banques à charte, selon des données de la firme Investor Economics rapportées dans le quotidien torontois National Post.

Plus précisément, près 80 % du marché du CELI serait accaparé par les grandes banques canadiennes. Les maisons de courtage en contrôleraient 10 %, les courtiers à escompte, 8 % et les cabinets de services financiers, 4 %.

Les observateurs se perdent en conjectures quant à cette domination sans partage de la part des banques. Une des explications avancées : les efforts de marketing qu’elles ont déployés auraient porté leurs fruits. Une autre possibilité serait que les épargnants s’entêtent à placer dans leurs CELI des produits à capital garanti, comme des CPG et des dépôts bancaires. Or, où trouve-t-on la plupart de ces instruments d’épargne ? Dans les banques, bien entendu.

Cette propension des épargnants à ouvrir des CELI ultraprudents préoccupe certains intervenants de l’industrie des services financiers. Une étude de BMO Banque de Montréal révèle que 94 % des actifs détenus dans les CELI consistent précisément en CPG et en dépôts bancaires. BMO croit que les Canadiens ignorent qu’ils peuvent y placer des actions, des obligations et des parts de fonds communs ou de fonds négociés en Bourse. Or, ces produits ne sont pas accessibles directement au comptoir d’une succursale bancaire, alors que les CPG le sont.

Au lieu d’un CELI, pourquoi pas un CILI ?

Le chroniqueur Jonathan Chevreau, du National Post, estime pour sa part que les Canadiens sont probablement confondus par le nom du régime : compte d’épargne libre d’impôt. Comme s’il fallait obligatoirement y déposer des produits d’épargne. Peut-être devrait-on rebaptiser le CELI « compte d’investissement libre d’impôt », suggère-t-il. En effet, une personne qui souhaite obtenir des rendements décents de ses économies doit passer du statut d’épargnant à celui d’investisseur. « Or, la meilleure façon d’y parvenir est d’ouvrir un CELI autogéré et d’y placer tout type de valeurs mobilières », écrit Jonathan Chevreau. Nul besoin de s’exposer aux risques associés aux produits de croissance pour participer au marché, ajoute-t-il. Des fonds d’obligations prudents, qui rapportent souvent plus que les CPG, peuvent très bien faire l’affaire.

Certes, le CELI bénéficie à tout le monde, mais les jeunes et les travailleurs à faible revenu en profiteront davantage. C’est que, en raison de leur faible taux d’imposition, ces deux catégories de contribuables n’ont pas réellement intérêt à cotiser à un REER. En effet, la déduction qui leur sera accordée ne fera pas diminuer significativement leur revenu imposable, puisqu’ils sont déjà assujettis aux taux les plus bas de la table d’impôt. Vu autrement : en cotisant à un REER, les jeunes et les travailleurs à faible revenu ne sont pas assurés de recevoir un remboursement d’impôt. Avec un CELI, ils ont la garantie de voir leur capital croître à l’abri du fisc (comme dans un REER). Et les sommes qu’ils retireront de leur CELI ne seront pas imposées (contrairement au REER).

Effacer ses dettes d’abord

Réagissant aux propos de Jonathan Chevreau, le planificateur financier Tim Paziuk estime que le débat REER/CELI est bien futile. « La plupart des Canadiens ne devraient probablement pas avoir de CELI », tranche-t-il. Pourquoi ? Parce qu’ils sont endettés et qu’ils devraient employer leurs économies pour effacer leurs dettes en premier lieu. « Comment justifier le dépôt de 5 000 $ dans un CELI quand vous avez un solde à payer sur votre carte de crédit, des dettes d’études, un prêt à la consommation ou une hypothèque ? Les intérêts composés fonctionnent des deux côtés. Si mon hypothèque me coûte 4,9 % en intérêts, pourquoi placerai-je 5 000 $ dans un CELI qui produira 2 % ou 3 % ? Si je rembourse 5 000 $ sur mon hypothèque, n’ai-je pas là un rendement de 4,9 % à l’abri de l’impôt ? », demande Tim Paziuk.

Il exhorte les épargnants intéressés par un CELI à bien s’informer. Selon lui, des institutions financières factureraient des frais fiduciaires en plus de leurs frais administratifs courants. « Si vous n’avez plus aucune dette, oui, vous pouvez envisager d’ouvrir un CELI. Mais si ce n’est pas le cas, vous devriez laisser tomber », souligne Tim Paziuk.