Les rendements menacent-ils votre éthique?

7 août 2014 | Dernière mise à jour le 7 août 2014
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Charles Langford

Chers collègues, je crois que nous avons un problème d’éthique avec nos clients. Voici. Dans des livres de finance, on retrouve l’exemple suivant : un investisseur place 100 $ en début d’année et à la fin de la même année, son 100 $ est devenu 200 $ : un gain de 100 %.

Au début de la deuxième année, il investit ces 200 $; mais à la fin de celle-ci, les 200 $ en question sont réduits à 100 $. Dans cette deuxième année, l’investisseur a donc subi une perte de 50 % [= (100 $ – 200 $)/200 $] sur le capital investi. Si on calcule la moyenne des rendements de chaque année sur deux ans, on pourrait dire que le gain moyen annuel réalisé est de 25 % [= (100 % – 50 %)/2]. Ce qui, on le sait, ne reflète pas la réalité.

Pourtant, ne sommes-nous pas en train de procéder de façon semblable avec nos clients quand nous leur soumettons, par exemple sur cinq ans, le rendement annuel moyen d’un fonds de placement ou d’un fonds négocié en Bourse?

Les portefeuilles Y et Z (voir le tableau A) ont un égal rendement annuel moyen de 5 % sur 10 ans. Par contre, il y a une différence dans la valeur finale des deux portefeuilles de 18 $, soit environ 11 % d’écart. D’où vient cette différence? Du fait que dans le portefeuille Z, le rendement au fil des années est en zigzag alors que dans le portefeuille Y, il est constamment le même.

Constatation : plus le rendement évolue en zigzag, moins grand est le profit réalisé.

Dans le tableau A, le « zigzag » des rendements individuels est appelé volatilité ou écart-type. Quand on dit à un client que le rendement moyen par année est de 5 % au cours des 10 dernières années, on devrait aussi lui parler de la volatilité de ces rendements. C’est la façon la plus simple, à mon avis, d’informer l’investisseur correctement. Une façon peut-être plus simple encore consiste à lui fournir un indicateur qui tient compte à la fois du rendement et de la volatilité.

Le plus pratique selon moi est celui qu’on appelle ratio de Sharpe : plus il est élevé et plus l’investissement a un rendement élevé ou une faible volatilité ou les deux en même temps. Par exemple, si le ratio de Sharpe du marché en général est actuellement à 0,80 et celui du portefeuille à 1,10, cela signifie que le portefeuille a une meilleure performance : c’est donc un investissement plus intéressant que placer son argent dans un fonds passif qui simule l’indice d’un marché boursier en particulier.

Le calcul du ratio de Sharpe est simple : (Rendement du portefeuille – Rendement des bons du Trésor)/Volatilité des rendements. La question que vous voulez maintenant poser est : Pourquoi le profit d’un portefeuille baisse quand la volatilité des rendements est élevée ? Les manuels répondent : ceci est dû à l’asymétrie entre gains et pertes. Le tableau B montre le résultat de cette asymétrie. En effet, malgré un rendement annuel moyen de 0 % sur dix ans, le portefeuille, initialement à 100 $, a perdu 5 $, alors qu’il aurait dû, en apparence, conserver sa valeur intégrale.

La volatilité des rendements annuels (en anglais « risk drag ») affecte le rendement effectif d’un portefeuille selon la formule suivante : Rg ≈ Ra – ½ ∂2.

  • Rg est le rendement réel (ou moyenne géométrique)
  • Ra est le rendement moyen annuel (ou moyenne arithmétique)
  • ∂ est la volatilité (ou écart-type) des rendements.

Dans l’exemple du Tableau A, le véritable rendement du portefeuille Z est donc, en suivant cette formule : 0,05 – ½ 0,172 = 0,05 – 0,0145 = 0,036

Soit 3,6 % au lieu de 5 %.

Lorsqu’on parle de rendement avec un client, on devrait mieux définir le terme, à défaut de quoi le problème éthique demeure entier.


Charles K. Langford, Ph. D., Fellow CSI, est président de Charles K. Langford Inc., gestion de portefeuilles, et enseigne la théorie financière et l’utilisation des dérivés dans la gestion d’actifs et passif à l’École des Sciences de la Gestion (UQÀM).

Ce texte est paru dans l’édition d’avril 2014 de Conseiller. Cliquez ici pour consulter l’ensemble du numéro.