Les robots, ces nouveaux acteurs incontournables

Par Nathalie Côté | 9 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Certains acteurs du monde financier se méfient des robots, alors que d’autres y voient l’avenir. Chose certaine, les clients en redemandent et l’industrie doit monter dans le train.

« Les deux tiers des membres de la génération Y s’y montrent intéressés et 54 % des autres investisseurs. C’est considérable », note d’entrée de jeu Éric Lemieux, de M2S Capital.

Ce dernier animait mardi un atelier sur le sujet dans le cadre du 4e colloque Retraite, investissement institutionnel et finances personnelles, qui se tenait à Québec.

À Wealthsimple, l’un des premiers robots-conseillers offerts au Canada, les chiffres sont éloquents quant à l’attrait de cette technologie chez les jeunes. Quelque 87 % des clients ont moins de 45 ans, signale An Tran, directrice pour le Québec de l’entreprise.

Ils ne sont toutefois pas les seuls. Sabrina Della Fazia, gestionnaire à BMO Gestion de patrimoine, avoue avoir été surprise de constater que la nouvelle plateforme de son employeur rejoignait une clientèle beaucoup plus large.

« On remarque que beaucoup de clients choisissent maintenant un amalgame de solutions », indique-t-elle.

Il faut dire que les robots apportent une certaine démocratisation de l’investissement. La majorité d’entre eux n’ont aucun seuil minimum, ont des frais peu élevés (entre 0,5 % et 1 %), adoptent une stratégie passive avec des fonds négociés en Bourse et proposent une expérience client impeccable, constate Jean-Alexandre Bernier, principal consultant de Pivot Strategy. Pas étonnant que les investisseurs soient séduits.

Les robots gèrent actuellement des actifs d’environ un milliard de dollars. C’est peu si on considère que le marché de l’épargne au Canada totalise 3 600 G$. Les experts s’attendent toutefois à une croissance exponentielle.

LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES MENACÉES?

Wealthsimple, elle, se juge complémentaire à l’industrie. L’entreprise a d’ailleurs créé une solution destinée aux conseillers.

« Ils ne peuvent pas mettre la même énergie sur tous leurs clients, affirme Mme Tran. Ils auraient intérêt à mieux de se concentrer sur les 20 % les plus importants et amener les plus petits sur notre plateforme à moindre coût. Nous nous occupons de l’investissement, et le conseiller demeure la figure centrale de la planification financière. »

Elle ajoute que les robots-conseillers contribuent à l’amélioration de la littératie financière d’une partie de la population habituellement délaissée par les institutions, ce qui demeure pour elle une bonne chose pour l’ensemble de l’industrie.

La plateforme de BMO, par exemple, est écrite « dans un langage qui peut être compris par tout le monde », indique Mme Della Fazia. À Wealthsimple, les clients se connectent pour voir l’évolution de leurs placements ou faire des dépôts, mais aussi pour obtenir des conseils et en apprendre davantage grâce au matériel fourni.

Mme Della Fazia croit donc que les institutions financières et les FinTech peuvent coexister. Elle compare l’arrivée des robots-conseillers à celle des guichets automatiques, à une autre époque.

« Des gens venaient lancer des œufs et des tomates tous les jours sur nos guichets au début, se souvient-elle. Aujourd’hui, nous vivons un peu la même chose. Certains trouvent ça choquant, mais dans quelques années, on va regarder ça et trouver que finalement, ça avait bien du bon sens. »

UNE ADAPTATION NÉCESSAIRE

Les entreprises ne sont pas les seules à devoir s’adapter, les autorités aussi. Bien que l’Autorité des marchés financiers (AMF) ait revu son cadre d’inscription en 2009, ses règles datent déjà « d’une autre époque », admet Éric Stevenson, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution.

« À l’époque, nous avions en tête une relation face-à-face », note-t-il. Il faut dire que les premiers robots-conseillers sont apparus aux États-Unis en 2010.

Il se dit favorable aux nouvelles technologies et juge la tendance irréversible. Mais il rappelle que l’AMF a un mandat de protection et qu’un processus totalement automatisé représente un défi.

« Comme régulateur, nous ne sommes pas portés vers le risque a priori, convient-il. Nous n’avons pas le droit de nous tromper, c’est pour ça que c’est important. »

En juin 2016, l’AMF a créé un groupe de travail afin d’alimenter sa réflexion sur les FinTech. Elle travaille aussi à créer un comité externe comprenant des membres de l’industrie.

« Nous avons aussi envoyé un signal de flexibilité en septembre 2015 en indiquant que l’exigence d’avoir un représentant partout peut se moduler, rappelle M. Stevenson. Elle peut prendre la forme d’un appel après l’ouverture du compte ou d’un courriel. »

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Nathalie Côté