Les taux négatifs ont « des effets néfastes », selon Desjardins

Par La rédaction | 3 mars 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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De plus en plus de banques centrales ont recours à des taux directeurs négatifs. Pourtant, rien n’indique que ceux-ci ont des effets significatifs sur le crédit et l’activité économique, soutient une étude publiée mardi par Desjardins.

« Les taux négatifs ont aidé certaines banques centrales à faire baisser leur devise, mais il s’agit d’un jeu dangereux et cet effet positif disparaîtrait si toutes utilisaient cette stratégie », indique d’emblée son auteur, Mathieu D’Anjou, économiste principal au Mouvement.

Le document débute par ce constat que « les politiques monétaires sont tombées en mode expérimental à la suite de la dernière crise financière ».

AUTREFOIS UNE « IDÉE LOUFOQUE »

Mathieu D’Anjou poursuit en rappelant que, après avoir abaissé les taux directeurs à ou près de zéro, plusieurs banques centrales se sont tournées « vers d’autres outils », notamment les achats de titres financiers, pour stimuler l’activité économique et limiter la baisse de l’inflation. Mais en même temps, ajoute-t-il, certains pays comme la Suède et le Danemark ont opté pour une autre stratégie « en abaissant certains de leurs taux directeurs en territoire négatif ».

Le problème, souligne l’économiste, c’est que depuis le phénomène a pris de l’ampleur lorsque la Banque nationale suisse et, surtout, la Banque centrale européenne ont à leur tour adopté cette politique l’an dernier, rejointes par la Banque du Japon, qui a annoncé en janvier qu’elle demanderait un taux de -0,1 % sur certains dépôts.

« En l’espace de quelques années, les taux d’intérêt négatifs semblent ainsi être passés d’une idée loufoque à un outil presque normal de politique monétaire. Alors qu’en 2009, la Banque du Canada jugeait ne pas pouvoir descendre le taux des fonds à un jour en dessous de 0,25 %, elle estime maintenant qu’elle pourrait l’abaisser jusqu’à environ -0,50 % », résume Mathieu D’Anjou.

« COÛTS POTENTIELLEMENT ÉLEVÉS »

Toutefois, si les taux négatifs « peuvent avoir une certaine utilité pour stimuler l’économie, ils comportent aussi des coûts potentiellement élevés », met-il en garde.

En effet, si leurs répercussions négatives les plus redoutées, comme « un retrait de l’argent des banques par les consommateurs et un affaiblissement du système financier » ne se sont pas manifestées en Europe jusqu’à tout récemment, « la poussée des craintes sur le secteur financier européen en début de 2016 et la réaction négative des ménages japonais » pourraient être les premiers signes d’une détérioration de la situation.

Dans ce contexte, suggère Mathieu D’Anjou, « il faut se demander si les banques centrales n’ont pas fait une erreur en ajoutant les taux négatifs à leur arsenal ».

DES BANQUES CENTRALES IMPRUDENTES?

Cela est d’autant plus vrai, ajoute le chef économiste, que « l’effet stimulateur par l’entremise du crédit serait moins important dans le cas des taux négatifs », comme en témoignent plusieurs études récentes qui concluent que « les banques commerciales ont moins tendance à diminuer leurs taux, particulièrement ceux payés sur les dépôts, lorsque les taux directeurs sont abaissés en territoire négatif ».

Or, insiste-t-il, « cette mauvaise transmission de la baisse des taux directeurs réduit son impact économique et elle risque d’entraîner une détérioration importante de la profitabilité du secteur bancaire ». Ce qui, dans « le contexte actuel où les grandes institutions financières font déjà face à des défis de taille pour respecter les nouvelles exigences réglementaires », devrait inciter les banques centrales à se montrer prudentes à cet égard.

Quel que soit le niveau des taux directeurs, « une perte de confiance dans le secteur bancaire risque d’entraîner une poussée de leur coût de financement et d’entraîner un resserrement du crédit très néfaste à l’activité économique », avertit aussi Mathieu D’Anjou. Sans compter que des taux obligataires négatifs « placent aussi d’autres institutions financières, en particulier les fonds de pension et les compagnies d’assurance vie, dans une situation très difficile ».

PRIVILÉGIER LES ACHATS D’ACTIFS

Au-delà du mécanisme de transmission, écrit encore l’économiste, il existe « une autre bonne raison de penser que les taux d’intérêt négatifs ne sont pas une solution miracle pour relancer l’activité économique ». Effectivement, questionne-t-il, « en quoi faire baisser les taux directeurs de 0,25 % à -0,50 % réussirait-il à relancer l’économie si une baisse de 4,5 % à 0,25 % n’a pas été efficace? »

De façon générale, redoute Mathieu D’Anjou, cet outil risque ainsi d’être utilisé « à des moments où le mécanisme traditionnel de politique monétaire est peu ou pas efficace ». Ce qui lui fait dire que « les effets économiques positifs par l’entremise du crédit de mettre en place des taux légèrement négatifs sont faibles et ne justifient pas le risque d’un affaiblissement du système financier ».

Sa conclusion? « Les banques centrales qui ont abaissé leurs taux directeurs près de zéro et qui désirent davantage assouplir leur politique monétaire devraient se tourner vers les achats d’actifs plutôt que vers les taux d’intérêt négatifs. »

La rédaction