L’impôt caché de la longévité

Par La rédaction | 23 mars 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Si l’allongement de la durée de vie est en soi une bonne nouvelle, ce phénomène va produire un certain nombre de tensions économiques et financières, estime Jacques Attali dans l’une de ses dernières chroniques publiées dans L’Express.

Dans ce texte intitulé À qui profite la vie?, l’économiste français rappelle qu’au XIXe siècle, une femme était considérée comme « vieille » à 30 ans et devait renoncer à toute vie sentimentale! Mais l’évolution les mœurs et les progrès de l’hygiène et de la médecine ont changé la donne. Hommes comme femmes peuvent désormais se permettre d’espérer vivre avec leurs petits-enfants, voire leurs arrière-petits-enfants.

Toutefois, ce changement fondamental aura également sous peu des conséquences « plus incertaines ». D’abord, « il faudra travailler beaucoup plus longtemps pour financer une retraite devenue beaucoup plus longue », avertit Jacques Attali.

IMPÔT SUR L’HÉRITAGE

Ensuite, ajoute-t-il, « celui qui vivra ainsi plus vieux consommera, pendant les années supplémentaires qui lui seront accordées, ce qu’il aurait, en d’autres temps, légué à ses héritiers ».

L’écrivain estime donc que « l’allongement de l’espérance de vie fonctionnera, et fonctionne déjà, comme un impôt sur l’héritage », ce qui rendra évidemment de plus en plus difficile l’achat d’une maison par les jeunes ménages, par exemple. Lorsque leurs parents décéderont, ils risquent fort d’être déjà à la retraite!

Par conséquent, sauf pour les familles les mieux nanties, les coups de pouce accordés aux enfants pour acquérir un immobilier ou un fonds de commerce seront moins fréquents. Sans compter que si les taux d’intérêt demeurent aussi faibles qu’aujourd’hui, le capital des retraités ne leur rapportera rien…

« UN POUVOIR QUASI ABSOLU » AUX AÎNÉS

Plus largement, l’allongement de la durée de vie « obligera à penser tout autrement le système de valeurs et l’organisation sociale » de la société dans son ensemble, juge Jacques Attali.

Ainsi, prévoit-il, « cela donnera un pouvoir quasi absolu aux plus âgés », car ils seront les plus nombreux. Avec, à la clé, « une capacité d’emprunter réduite pour les jeunes » et moins de « bonnes places » en matière de travail, notamment.

Enfin, sur le plan économique, cette situation « incitera les aînés à faire en sorte que les produits et services nouveaux satisfassent en priorité leurs propres besoins » en matière de santé, de logement, de transport et de loisirs.

TRAVAILLER JUSQU’À 70 ANS?

« Pour tirer le meilleur parti de cette évolution, il faudra bouleverser radicalement nos valeurs », à commencer par notre rapport au temps et à la vieillesse, en admettant par exemple qu’il sera désormais « normal de travailler et d’avoir des enfants jusqu’à 70 ans » ou « de vivre une retraite active jusqu’à au moins 90 ans », estime M. Attali.

Malheureusement, souligne l’écrivain, notre société est loin d’être préparée à cela. Toutefois, si elle ne veut pas (mal) finir sous le poids des conflits que cet antagonisme entre différentes classes d’âge pourrait entraîner, elle devra agir rapidement, croit-il.

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