Littératie bien ordonnée commence par soi-même

Par Yves Bonneau | 26 mars 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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S’il est vrai que de plus en plus de clients sont drôlement bien informés en matière de produits et services financiers, on apprend régulièrement par l’entremise de sondages que l’épargnant moyen ne comprend rien aux chiffres qui expliquent, décrivent, mesurent et décortiquent ses finances personnelles.

En fait, un Canadien sur deux a de la difficulté à comprendre le sens des chiffres, alors que deux Canadiens sur cinq ne savent pas lire, selon les données publiées par Statistique Canada en 2010, et citées par ABC Life Literacy Canada.

Ce sont ces constats effarants qui ont donné lieu à la formation du Groupe de travail canadien sur la littératie financière. Donald A. Stewart, ex-pdg de Sunlife, a présidé le groupe alors que le patron de BMO, L. Jacques Ménard, en assurait la vice- présidence. Selon l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC), la littératie financière, c’est « le fait de disposer de connaissances, de compétences et de confiance en soi nécessaires pour prendre des décisions financières responsables ». L’ACFC, dont le slogan est « S’informer c’est payant! », propose un site web très complet et bien réalisé, en plus d’avoir lancé un Mois de la littératie financière.

L’indice de littératie utilisé par l’ACFC comporte cinq éléments : l’aptitude à joindre les deux bouts, à tenir des comptes, à choisir des produits financiers, à prévoir pour l’avenir, à s’informer.

Yves Bonneau, rédacteur en chef du magazine Conseiller.

Pour ne pas être en reste, l’Association des banquiers canadiens a annoncé le lancement d’un nouveau programme national de littératie financière destiné aux aînés en novembre dernier. Il s’intitule « Votre Argent–Aînés » et est proposé gratuitement aux retraités du pays, dans les deux langues officielles. Développé en collaboration avec l’ACFC, il sera animé dans les collectivités par des banquiers bénévoles. Le coup de départ de cette initiative dite non commerciale est prévu pour la mi-avril.

Ses thèmes porteront sur l’établissement d’un budget, la gestion de l’argent, la prévention de l’exploitation financière, avec une attention particulière sur les façons d’éviter les risques associés aux procurations et aux comptes conjoints, les fraudes et escroqueries visant les aînés, etc.

Du coup, la Fondation canadienne d’éducation économique (FCEE) a elle aussi décidé de créer un nouveau programme pour aider les jeunes à se familiariser avec les questions d’argent et de finances personnelles. La « Journée Parlons argent avec nos enfants », qui est appuyée par BMO, a aussi lieu en avril. Elle offre des outils et des ressources en ligne pour encourager les familles à discuter finance à la maison. Il y a en plus un volet éducatif disponible pour les enseignants et leurs élèves.

De même, dans l’optique d’éduquer les consommateurs, l’AMF diffuse depuis l’automne dernier une série de vidéos, « Les bonnes questions », sur YouTube. Ces clips d’une minute sont de pertinence inégale mais ont le mérite de soulever des interrogations dans l’esprit de l’internaute. Leur diffusion est pour le moment plutôt confidentielle, avec 200 à 500 visionnements par vidéo.

Un sondage mené pour le compte de la FCEE l’automne dernier nous apprend que :

  • Près du tiers (31 %) de ceux qui s’attribuent un « A » en matière de connaissances financières n’ont pas pu répondre correctement à plus de la moitié des questions.
  • Bien que les Canadiens disent qu’ils connaissent bien le REER, seulement 66 % des personnes sondées savaient que l’impôt sur les sommes investies dans un REER n’est payé que lors du retrait de celles-ci.
  • Moins de la moitié (48 %) des répondants comprennent les avantages des intérêts composés.
  • Les jeunes Canadiens éprouvent plus de difficultés à répondre à ces questions, puisque seulement 39 % des moins de 35 ans ont réussi le test.

Les besoins sont criants. Mais les initiatives qui en découlent sont-elles efficaces? Les épargnants se servent-ils des outils mis à leur disposition?

C’est le groupe Question Retraite qui nous donne finalement l’indice le plus probant quant à la source d’information privilégiée des consommateurs. Comment avez-vous obtenu de l’information sur la planification financière? demande-t-il dans un sondage SOM publié l’an dernier. Pour 37 % des répondants, au premier rang, c’est en consultant un conseiller ou planificateur financier, un courtier, un comptable ou autre professionnel semblable.

C’est dire la responsabilité énorme qui repose sur vos épaules. On attend de vous que vous aidiez les épargnants. Il le faut parce que l’information financière disponible pour les consommateurs est si complexe et souvent mal présentée que même les plus aguerris sont confondus. D’ailleurs, l’exposé de notre nouveau chroniqueur, Charles K. Langford, est assez éloquent pour que vous portiez attention à la façon dont les institutions financières présentent les rendements des FCP. Il y a aussi les taux de rendement des CPG, dont les échéances varient d’une maison à l’autre. Il en résulte une impossibilité pour l’épargnant de comparer un produit dont l’échéance est à 30 mois avec un autre dont l’échéance est à 36.

Pourquoi n’existe-t-il pas de règles claires pour standardiser les produits et les affichages afin de permettre les comparaisons pour les consommateurs, un peu comme au supermarché? Les programmes de littératie ne devraient-ils pas commencer par l’élimination des entourloupettes du marketing?


Yves Bonneau, rédacteur en chef yves.bonneau@objectifconseiller.rogers.com

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