Louis Morisset parle enfin – 3e partie

Par Yves Bonneau | 25 mai 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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C : Donc, si des conseillers se rendent compte que certaines situations sont problématiques, ils pourraient communiquer avec vous et vous allez prendre ça en considération dans vos enquêtes, finalement?

LM : Actuellement, on parle d’obligations qui ne sont pas encore en vigueur. Je comprends que c’est un peu une révolution, le modèle de relation client-conseiller, une révolution qui est importante, qui est attendue et qui est au bénéfice de l’investisseur, du consommateur. Mais on va voir ce qui se développe. Des gens qui nous font part, qui me font part, de leurs préoccupations, on les prend toujours au sérieux.

« C’est un peu une révolution, le modèle de relation client‑conseiller. »

Moi, je suis à la tête d’une organisation qui est ouverte à son marché, qui sollicite des rencontres. Je crois que l’Autorité a un rôle fondamental dans l’écosystème financier au Québec, on est capable d’être un vecteur qui contribue au développement du secteur financier. On a une mission qui est difficile, on doit protéger le consommateur et on doit aussi favoriser le bon développement des marchés.

Mais on ne fera jamais l’unanimité. Lorsqu’on a rendu publiques nos orientations en matière d’offres d’assurances par Internet, ça a plu à une sphère et déplu à l’autre. Dans tous les cas, on ne devrait pas nous reprocher d’être fermés au dialogue et de ne pas vouloir entendre les points de vue.

C : Vous considérez donc tout le reste de l’industrie, qui n’est pas dans le domaine de la réglementation, comme des partenaires?

LM : On ne reste pas dans notre tour d’ivoire à développer notre réglementation. Il faut que l’industrie comprenne qu’il y a des principes d’encadrement qui se sont développés au niveau international. L’Autorité se doit de les mettre en œuvre. Le consensus international, pour sortir de la crise financière, a fait que plusieurs de ces principes d’encadrement ont été retravaillés. Il y a des sphères du marché qui n’étaient pas réglementées, je pense aux produits dérivés hors-cote; personne dans le monde ne réglementait ces produits et ça a été un des conduits qui a mené à des désastres dans les dernières années.

Quand le Fonds monétaire international débarque, il nous évalue sur notre conformité aux principes d’encadrement internationaux, sur notre capacité à mettre en œuvre cet encadrement-là. N’oublions pas que si l’Autorité a une bonne évaluation, indirectement, ça se reflète positivement sur notre industrie.

Je ne cherche pas à gagner un concours de popularité, mais je cherche certainement à positionner notre institution comme étant un interlocuteur crédible, influent, ouvert et qui cherche à assumer pleinement son rôle au Québec.

C : Comment décririez-vous vos relations avec la Chambre de la sécurité financière?

LM : Nos relations sont positives. À mon sens, elles l’ont toujours été. Je suis sensible au fait qu’il y avait peut-être certains éléments que Luc Labelle [NDLR : l’ex-président de la CSF] amenait sur la place publique, parfois, où on pouvait dénoter des enjeux entre l’AMF et la CSF.

Par contre, depuis que je suis en poste, je n’ai aucun enjeu avec la Chambre. On a un rôle à jouer, tous les deux, puis ultimement, notre mission commune, c’est de protéger le consommateur. Moi, je ne suis pas du genre à alimenter des chicanes de clôture. J’ai un travail à faire, j’ai des pouvoirs dans la Loi sur les valeurs mobilières qui m’incombent et si j’ai à utiliser ces pouvoirs-là, je vais les utiliser, dans l’intérêt des consommateurs. Et ultimement, je pense qu’on peut très bien travailler en tandem avec la CSF. Justement, ma relation avec Marie Élaine Farley est très cordiale et positive. De mon côté, il n’y a jamais eu d’enjeu et il n’y en aura jamais.

C : Pourtant, il y a parfois certains chevauchements lors des enquêtes menées par la Chambre d’un côté et l’Autorité de l’autre, non?

LM : Premièrement, je ne pense pas qu’il y a un chevauchement réel. Les actions que prennent l’Autorité, que ce soit d’aller en blocage parce qu’on pense qu’il y a des enjeux où il faut préserver des actifs dans l’intérêt des consommateurs, des investisseurs, c’est ça que je dois faire, que ça plaise ou non. Mais il y a moyen de travailler en tandem et moi, je n’estime pas, en vertu de la loi qui m’incombe, que je ne fais pas ce que j’ai à faire. Et ce qui doit primer à travers tout ça, encore une fois, c’est l’intérêt du public, la protection des investisseurs.

C : Est-ce l’AMF envisage de mener une consultation concernant les titres des conseillers, afin que le consommateur puisse s’y retrouver?

LM : C’est quelque chose qu’on continue d’observer. Est-ce que c’est une priorité, au moment où on se parle? La réponse est non. Comme régulateur, on peut intervenir, on doit intervenir parfois, mais je pense, encore une fois, que l’industrie se doit de se prendre en main, se doit elle-même, des fois, de proposer des solutions et que des fois, entre deux maux, on choisit le moindre. Je pense qu’on a besoin d’une industrie qui, elle-même, met le doigt sur ses propres bobos et propose des solutions.

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