Louis Morisset parle enfin

Par Yves Bonneau | 25 mai 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Notre rédacteur en chef Yves Bonneau s’est longuement entretenu avec le patron de l’Autorité des marchés financiers, Louis Morisset, le 6 mai dernier. MRCC 2, Norbourg, fonds d’indemnisation, relations avec la CSF… tous les sujets qui vous préoccupent ont été abordés lors de cette grande entrevue à ne pas manquer.

Conseiller : Dix ans après le scandale Norbourg, quelles leçons ont été tirées par l’AMF?

Louis Morisset : À l’origine de l’Autorité, il y avait à peu près 47 personnes qui œuvraient dans nos équipes d’enquêtes. Aujourd’hui, il y en a 161, dont 80 professionnels qui agissent comme inspecteurs ou enquêteurs, et on a 28 procureurs. Donc, en 10 ans, on a plus que triplé nos ressources dans les domaines de l’inspection, de l’enquête, de la poursuite. Et est-ce que ça, c’est une leçon tirée de Norbourg? Peut-être, en partie. Une chose est sûre, c’est que l’Autorité a investi pour solidifier ses équipes, pour ajouter de l’expertise et pour évidemment être en meilleure posture pour voir les enjeux qui pourraient survenir. Autre exemple : on a créé une équipe de cybersurveillance en 2010. Ce sont des gens qui parcourent le web, pour essayer de détecter des activités frauduleuses. On est capable d’empêcher des gens d’agir de manière illégale, parce qu’on suit et on voit ce qui se fait sur le web.

C : Avez-vous déjà, depuis l’instauration de cette équipe, fait des prises dans vos filets?

LM : Absolument! Nos activités de cybersurveillance nous ont permis d’identifier des gens qui, sur le web, sollicitaient illégalement des investisseurs, tentaient de placer illégalement des valeurs mobilières. Alors oui, on a pu intervenir, interdire des opérations de certains sites web ou certains individus qui agissaient illégalement. Dans certains de ces dossiers-là, au-delà des interdictions, on a porté des accusations.

« Si tu n’es pas capable d’expliquer le produit financier à ta mère ou à ton beau-frère de manière compréhensible, c’est le signe que tu ne sauras l’expliquer à un client. »

C : Avant l’affaire Norbourg, les représentants avaient une confiance aveugle en leur courtier ou les manufacturiers de produits, ce qui n’est plus le cas. Est-ce qu’il existe des mécanismes simples pour le conseiller afin de savoir si un manufacturier est en règle avec l’AMF?

LM : Je pense qu’il en va des représentants eux-mêmes de s’assurer que les produits qu’ils promeuvent passent le cap de la divulgation réglementaire requise. Quant aux produits eux-mêmes, ce n’est pas parce qu’un d’eux fait l’objet d’un prospectus qu’il n’est pas indûment complexe.

Lorsqu’on parle de la valeur du conseil, du rôle du représentant, c’est un rôle dans lequel les représentants ont un travail à faire : ils ne peuvent pas vendre un produit qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes. Et ça, dans la dernière décennie, à l’aube de la crise financière qu’on a vécue, on a vu ça au Québec et ailleurs dans le monde, les produits financiers étaient complexes, même très complexes, avant la crise, mais il y en a moins depuis.

Personnellement, je pars de la prémisse que les produits financiers mis sur le marché le sont toujours, au départ, à bon escient, pour un but précis et qu’au fil du temps, ceux-ci peuvent devenir toxiques et ne plus convenir aux investisseurs auxquels on s’adressait au départ.

Si tu n’es pas capable d’expliquer le produit financier à ta mère ou à ton beau-frère de manière compréhensible, c’est le signe que tu ne sauras l’expliquer à un client.

C : Après l’affaire Norbourg, il y a eu une augmentation substantielle des cotisations pour les conseillers qui contribuent au Fonds d’indemnisation. Les conseillers ne l’ont pas digéré encore. Est-ce que le Fonds d’indemnisation est là pour rester? Et d’ailleurs, pourquoi n’y a-t-il pas de conseillers au conseil d’administration du Fonds?

LM : D’une part, est-ce que le Fonds d’indemnisation est là pour rester? Je vous dirais que oui. Nous avons étudié la question au cours des dernières années, nous avons proposé des orientations et je présume que dans le cadre de la révision de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), le gouvernement considérera, à tout le moins, ces orientations, qui assureraient la continuité du Fonds d’indemnisation, avec des modalités quelque peu différentes. Donc, pour moi, le Fonds d’indemnisation aura toujours sa raison d’être.

Deuxièmement, je pense que dans le cadre du processus de révision de la LDPSF, les conseillers qui cotisent au Fonds auront certainement l’opportunité de faire valoir leur perspective.

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Yves Bonneau