Marché délaissé : faut-il cesser de lever le nez sur les obligations?

Par Didier Bert | 25 novembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les investisseurs sont actuellement tentés de se tenir loin des obligations, compte tenu de leur faible rémunération. Pourtant, le marché obligataire conserve plusieurs atouts à ne pas négliger.

Cela fait plusieurs années que les analystes financiers prédisent une remontée des taux d’intérêt. Sauf que, jusqu’à présent, ces annonces ne s’étaient jamais concrétisées en raison de la persistance de la crise économique mondiale.

L’année 2013 aura donc été celle du changement de cap : les taux d’intérêt sont repartis à la hausse, comme en témoigne le rendement moyen des obligations négociables du gouvernement canadien de cinq à dix ans, passé en cinq mois de 1,4 % à plus de 2,5 %*.

Sur l’ensemble des marchés internationaux, la hausse reste modeste, et le maintien de la politique monétaire accommodante de la Réserve fédérale américaine (Fed) ne laisse pas présager de flambée.

Pourtant, les revenus servis par les obligations pourraient bénéficier d’une embellie progressive, capable de mettre fin au désamour des investisseurs. « À partir de la fin 2013, la Fed achètera de moins en moins d’actifs, croit Naoum Tabet, vice-président et directeur, spécialiste des stratégies de titres de revenu fixe à Gestion de Placements TD. Nous sommes arrivés à un point d’inflexion où l’économie américaine peut croître sans avoir besoin de l’assouplissement monétaire. On voit la consommation et l’immobilier remonter. »

Ce moindre soutien de la Fed ne permettra pas aux taux d’intérêt à court terme de grimper beaucoup, car elle ne voudra pas prendre le risque d’entraver la reprise économique, prévoit M. Tabet. Mais les taux à long terme connaîtront une ascension au plus tard en 2015, ajoute-t-il. En effet, en limitant ses achats d’actifs, la Fed laissera plus de place au marché pour décider du niveau des taux d’intérêt à long terme… ce qui devrait nourrir la hausse. « Le marché va subir des niveaux d’inflation plus élevés dans le futur », explique M. Tabet.

Un capital rogné

La lenteur de la remontée des taux ne devrait-elle pas tenir les investisseurs à l’écart des obligations ? « C’est le temps d’être sous-pondéré, chacun selon son profil de risque », reconnaît Sylvain Ratelle, vice-président stratège à Valeurs Mobilières Banque Laurentienne.

Mais le marché obligataire ne devrait pas être totalement ignoré si certaines précautions prévalent. « Dans un contexte de hausse des taux, les investisseurs gagneraient à privilégier les obligations à courte échéance », suggère M. Ratelle. En effet, cette augmentation gruge la valeur des obligations, à plus forte raison quand leur échéance est lointaine. Quand les taux d’intérêt partent à la hausse, le capital investi en obligations à court terme se trouve comparativement mieux préservé. « Aussi, l’achat de ces obligations permet de réinvestir plus rapidement au fur et à mesure que les taux montent, souligne M. Ratelle, car on reçoit des liquidités régulièrement. »

À l’approche d’une remontée progressive des taux d’intérêt, voici différentes stratégies à considérer, en fonction du risque accepté par l’investisseur.

En chiffres

  • 85 milliards de dollars
  • – C’est le montant d’actifs achetés chaque mois par la Fed depuis septembre 2012 : 40 milliards en obligations à long terme et 45 milliards en bons du Trésor américain.
  • Source : communiqué de presse du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine (Fed), 18 septembre 2013.

1. Utiliser les obligations comme réserve de sécurité

Si l’investisseur veut limiter les risques dans son choix d’obligations, les valeurs gouvernementales demeurent les plus adaptées. « Pour les particuliers, les obligations constituent la portion à revenus fixes du portefeuille pour laquelle on recherche une protection », explique M. Ratelle, qui suggère de s’intéresser à celles émises par les provinces. De surcroît, ces titres offrent une meilleure rémunération que le gouvernement fédéral.

L’investisseur peut privilégier les obligations à taux flottant des provinces canadiennes. L’ajustement à chaque trimestre pourra permettre de profiter de l’orientation des taux d’intérêt à la hausse. Et le risque demeure limité puisque les gouvernements bénéficient généralement d’une meilleure cote de crédit que les entreprises.

Les échelles obligataires représentent aussi un bon moyen d’investir en profitant de la hausse, sans prendre de risques démesurés. Ces fonds sont constitués d’obligations à échéances variables. Certaines de ces échelles se composent de titres gouvernementaux avec des échéances allant d’un à cinq ans. Une telle diversification dans la sécurité permet de limiter les risques liés à la hausse des taux, tout en gardant l’accès à des liquidités. « L’échelle obligataire offre une stratégie très précise, idéale dans un contexte de taux d’intérêt qui s’élèvent lentement », commente M. Ratelle. Et comme il existe de tels fonds à moins de 20 $ l’unité, « c’est accessible à tous », ajoute-t-il.

2. Profiter de la reprise économique

Même si les obligations ne représentent pas les valeurs mobilières de prédilection pour obtenir du rendement, « il y a toujours des choses à faire dans le contexte actuel », assure Christian Pouliot, gestionnaire principal Revenu fixe à l’Industrielle Alliance.

Si l’investisseur est disposé à prendre quelques risques, les obligations d’entreprises, plus rémunératrices que les titres de dettes gouvernementales, permettent de compenser la faiblesse des taux d’intérêt.

Ici, le risque va de pair avec la santé de l’entreprise émettrice. Comme l’actionnaire, le détenteur d’obligations ne reverra pas son argent en cas de faillite. Le choix doit donc être effectué en fonction du rendement, mais aussi en tenant compte des perspectives de l’émetteur d’ici à l’échéance de l’obligation.

« Le bilan des entreprises tend à s’améliorer avec la reprise économique, souligne M. Pouliot. Cela devrait inciter les investisseurs à surpondérer les obligations de certaines sociétés [NDLR : dans leur portefeuille]. »

3. Obtenir un rendement supérieur… venu du bout du monde

« L’investisseur à la recherche de rendement devrait envisager de se tourner vers des obligations émises par les pays émergents », assure Luc de la Durantaye, premier vice-président répartition globale d’actifs et gestion des devises à Gestion globale d’actifs CIBC.

« Dans les 12 prochains mois, c’est une option à considérer, car l’endettement des pays émergents (40 à 50 % du produit intérieur brut) se montre beaucoup plus faible que celui des pays développés, souvent de l’ordre de 90 % », précise M. de la Durantaye. Le risque de banqueroute se trouve donc amoindri dans les nouveaux pays industrialisés. « Et les taux d’intérêt payés y sont souvent plus élevés, ajoute-t-il. Le rendement moyen des obligations à dix ans émises par les pays émergents avoisine 5 %, contre 2,75 % pour les pays développés. »

Les obligations émises par la Turquie, l’Inde et l’Indonésie pourraient offrir des rendements meilleurs encore si la dépréciation de leur monnaie se poursuivait, estime M. de la Durantaye. Le mouvement a été enclenché par l’annonce que la Fed pourrait réduire ses achats d’actifs. Une telle décision pousserait ces pays à relever leurs taux d’intérêt afin d’éviter que les investisseurs désertent ces marchés financiers émergents pour retourner placer leur argent aux États-Unis.

Qui dit rendement supérieur dit aussi risque supérieur… « Oui, il y a des soubresauts, reconnaît M. de la Durantaye. Mais ces pays ont déréglementé leur économie et amélioré leur gestion. Leurs habitants ont découvert la prospérité, ce n’est pas quelque chose qu’on peut leur enlever pour rebrousser chemin… Et on ne parle pas d’investir un portefeuille à 100 % dans ces obligations, plutôt de 5 à 10 % selon le profil de risque. »


*Source : Banque du Canada, rendement moyen observé sur une série hebdomadaire du 17 avril 2013 au 11 septembre 2013.

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Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.