Marchés émergents : la pire crise de l’histoire?

Par Dominique Lamy | 5 février 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Dans les dernières semaines, les investisseurs ont réduit considérablement leur exposition aux actions, aux obligations et aux devises des principaux marchés émergents, contribuant ainsi bien malgré eux à amplifier une crise qui pourrait désormais prendre des proportions démesurées.

Plusieurs pays émergents dépendent fortement des capitaux en provenance des pays développés pour équilibrer et financer les déficits récurrents de leur compte courant. Maintenant que la Réserve fédérale américaine a entamé le resserrement de sa politique monétaire accommodante, et annoncé une réduction de 10 milliards de dollars de ses achats d’actifs mensuels (à 65 milliards), plusieurs experts craignent qu’au fur et à mesure du relèvement des taux d’intérêts américains, des vagues massives et additionnelles de retraits de capitaux en provenance des pays émergents surviennent. Ces gigantesques transferts d’argent entraînent une dévalorisation sévère et généralisée des monnaies, que ce soit en Afrique du Sud, en Argentine, en Turquie ou en Russie.

La peur se propage donc sur les marchés financiers. Les places boursières concernées sont pourtant loin d’être dispendieuses, bien installées au creux d’il y a cinq mois. L’indice MSCI des marchés émergents se négocie présentement à environ 9 fois les bénéfices prévus de la prochaine année, comparativement à l’indice MSCI des pays développés, dont le ratio cours/bénéfice se situe plutôt à 14.

De l’avis de certains analystes, la crise actuelle pourrait cependant être pire que les précédentes en raison de la plus forte activité économique mondiale attribuable aux seuls marchés émergents. Ainsi, le PIB attribuable à ces derniers a grimpé de 37 % de l’économie mondiale en 2000 à 50 % en 2012. Les exportations vers les pays en voie de développement sont quant à elles passées de 20 % en 2000 à 35 % en 2012. À l’inverse, et selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, la part des pays développés dans la production de richesse mondiale pourrait plonger de 60 % en 2000 à 43 % en 2030.

L’analyste Jay Bryson, de la banque d’affaires Wells Fargo, cité par Business Insider, ne s’en fait pas outre-mesure avec la possibilité de voir la crise en question s’envenimer. « Nous ne sommes pas d’avis que la récente volatilité observée dans les marchés émergents conduira à l’écroulement de la croissance économique mondiale tel qu’observé lors de la crise asiatique de 1997-1998, parce que les données fondamentales des pays en voie de développement ne sont généralement pas aussi faibles qu’auparavant. Mais si ces mêmes fondamentaux en venaient à se détériorer de façon significative, nous avons alors plusieurs raisons de nous inquiéter », avertit-il, face à une éventuelle contagion des pays développés.

Le Canada, un pays émergent?

Les marchés d’actions nord-américains sont sous pression, et en particulier le marché canadien, qui a été éprouvé par la faiblesse du dollar, une augmentation de l’exode vers d’autres régions ou marchés et une pression continue sur les prix des ressources et des matières premières, affirme le gestionnaire de portefeuille de SW8, Matt Skipp.

« Le Canada est plus dans le camp des marchés émergents que la plupart des pays développés, à cause de sa sensibilité quant aux ressources, explique-t-il. Les ressources continueront d’être sous pression, alors que la demande de la Chine, le plus grand importateur mondial de matières premières, demeurera faible. »

De plus, la circulation des fonds vers l’extérieur du pays suggère que la tendance à la baisse continuera à moyen terme et pèsera sur les actions canadiennes, ajoute M. Skipp. Il note qu’alors que les manufacturiers canadiens seront éventuellement favorisés par la baisse du dollar, la transition n’arrivera pas de sitôt.

En ce qui concerne la volatilité du marché, il croit que la pression qu’on observe cette année est due aux surachats en 2013 sur les marchés. Il trouve également que la volatilité était trop faible et le risque a été sous-évalué l’année dernière. En conséquence, les investisseurs seront moins certains quant à l’avenir des marchés mondiaux en 2014.

À lire: Fluctuations à prévoir pour le huard d’ici 2015

Dominique Lamy