Nouvelles exigences réglementaires : les organismes s’expliquent

Par Ronald McKenzie | 5 novembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
8 minutes de lecture

Les nouvelles exigences réglementaires visant les conseillers en sécurité financière n’ont pas pour but ni pour effet d’augmenter leurs responsabilités, dit l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Dans un échange de courriels avec Conseiller.ca, le régulateur précise que l’obligation de procéder à l’analyse des besoins des clients est inscrite dans l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers. Elle doit « être respectée par tous les représentants en assurance, peu importe la discipline d’assurance dans laquelle ils sont certifiés », indique l’AMF.

Plus : cette responsabilité existe indépendamment de ce que prescrit le Règlement sur l’exercice des activités des représentants. « Autrement dit, l’article 6 pourrait ne pas exister et l’obligation serait la même. »

Dans ce cas, pourquoi y avoir ajouté les précisions relatives à l’analyse des objectifs de placement des clients, de leur tolérance au risque, du niveau de leurs connaissances financières, etc.?

C’est pour aider les représentants à bien analyser les besoins de leurs clients, dit l’AMF. « Le contenu de cet article n’est pas exhaustif. En effet, l’analyse des besoins variera en fonction du client et des produits qui lui seront offerts. Cependant, même si cette analyse peut varier en fonction de la situation particulière du client et de la nature du produit à offrir, elle doit présenter un portrait suffisamment détaillé afin de supporter les recommandations du représentant, tel que prescrit par l’article 27 de la loi. »

Une règle consignée noir sur blanc

Au cabinet du ministre québécois des Finances, Nicolas Marceau, on nous explique que le Règlement sur l’exercice des activités des représentants avait besoin d’être mis à jour. Pratiquement inchangé depuis 1999, ce règlement prévoit une marche à suivre pour les conseillers qui présentent une proposition d’assurance, « mais rien lorsque le représentant offre un produit d’assurance qui comprend un volet d’investissement », dit le ministère.

Suivant les recommandations de l’AMF, le ministre a donc choisi d’imposer aux professionnels de l’assurance « d’aller plus loin » dans leur cueillette d’information et dans l’analyse des besoins, des objectifs de placement et du profil de tolérance au risque des clients. « D’ailleurs, dans le domaine des valeurs mobilières, de telles obligations existent depuis un certains temps déjà », signale le ministère.

La Chambre de la sécurité financière rappelle que ces précisions viennent codifier une pratique qui existe depuis longtemps. Avant, la règle de bien connaître son client lorsqu’on vendait des fonds distincts, des contrats à capital variable et des polices d’assurance comportant un volet d’investissement était inscrite comme en filigrane dans l’esprit de la loi. Maintenant, elle est consignée noir sur blanc dans le texte.

« Oui, ces ajouts sont une nouveauté. S’agit-il de responsabilités accrues pour les représentants? Pour la plupart d’entre eux, pas nécessairement », dit Me Marie Elaine Farley, vice-présidente aux affaires juridiques et corporatives de la Chambre. En effet, plusieurs cabinets de services financiers ont déjà intégré ces exigences dans leur pratique. Pour eux, cette affaire est réglée.

Me Farley souligne que, par le truchement de plusieurs décisions en déontologie, le comité de discipline de la Chambre a confirmé que le devoir de bien connaître son client « va au-delà de ce qui est écrit dans la réglementation ».

Si l’AMF a tenu à expliciter ces éléments du travail de distribution, c’est qu’elle a constaté, au cours de consultations sur ce sujet tenues en 2011, que certains conseillers saisissent difficilement la portée de leur engagement vis-à-vis de leurs clients. « Des conseillers se sont retrouvés devant le comité de discipline parce que, justement, ils ont mal compris leurs obligations », dit Me Farley.

Une exception à la loi

Lorsque Conseiller.ca a publié un article sur les nouvelles dispositions législatives, des conseillers ont fait remarquer que les représentants à l’emploi des institutions financières pouvaient continuer à vendre de l’assurance vie hypothécaire, par exemple, sans être tenus d’analyser les besoins de leurs clients. « Pourquoi nous et pas eux? », ont-ils demandé.

Me Farley note que ces représentants constituent une exception à la loi. « C’est de la distribution sans représentant. C’est une exception au régime principal », dit-elle. Toutefois, la Chambre estime que les consommateurs seraient avisés de faire affaire avec des représentants soumis à l’obligation professionnelle de bien connaître leurs clients. « Nous pensons que le public est mieux protégé et mieux servi par des conseillers membres de la Chambre, en raison des devoirs qu’ils ont vis-à-vis de leurs clients », croit la juriste.

Travailler à temps partiel, c’est permis

Une autre modification législative qui a capté l’attention de nos lecteurs concerne l’article 4 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants. Dans la version originale, on dit que le conseiller doit « se consacrer principalement » à son travail.

Maintenant, il doit « faire preuve de disponibilité et de diligence dans l’exercice de ses activités de représentant ». Pourquoi ce changement? C’est que l’ancienne règle était interprétée comme une obligation de travailler à temps plein, explique l’AMF. « Plusieurs personnes de l’industrie étaient d’avis que cela nuisait à l’entrée en carrière de nouveaux représentants. »

Ainsi, les conseillers peuvent désormais organiser leur emploi du temps à leur guise, travailler à temps partiel et avoir un volume restreint de clients, dans la mesure où ils sont utiles, disponibles et efficaces pour leur clients. « Autrement dit, la nouvelle disposition, tout en visant spécifiquement la protection du public, permet davantage de souplesse au représentant », avance le régulateur.

Me Farley trouve que cette modification est pleine de bon sens. Entre autres choses, elle vient éclaircir la notion de « se consacrer principalement ». « Qu’est-ce que ça signifie? Que je peux occuper un double emploi? Que je ne le peux pas? Maintenant, le règlement dit : si vous voulez occuper un deuxième emploi, vous pouvez le faire, mais assurez-vous de donner un service adéquat à vos clients. »

À propos de double emploi, le législateur a profité de la mise à niveau du règlement pour préciser les professions qui sont incompatibles avec l’exercice des activités de représentant. Une douzaine de cas sont spécifiés. Par exemple, les directeurs de funérailles ne peuvent détenir de permis d’assurance. Étrange, non? Eh bien non, justement : vu la vulnérabilité de la clientèle des maisons funéraires, le directeur d’un tel établissement pourrait se trouver en situation de conflit d’intérêts s’il était habilité, en plus, à vendre de l’assurance de frais funéraires et des arrangements préalables funéraires.

Dans la même optique, les juges, les syndics de faillite, les avocats et les notaires, notamment, ne peuvent distribuer des produits d’assurance.

La loi c’est la loi

Le nouveau Règlement sur l’exercice des activités des représentants est devenu effectif le 22 octobre dernier. Des conseillers qui l’ignoraient ont, depuis cette date, conclu des contrats d’assurance sans se plier aux nouvelles conditions.

Que peuvent-ils faire pour se conformer à la loi? Reprendre le processus de vente avec les clients qui ont déjà signé? Ce n’est pas nécessaire. Mais l’AMF dit que, s’il y a eu « oubli » quant à la signature et à la remise de certains documents, les conseillers devraient remédier à la situation sans délai. En effet, les nouvelles dispositions « sont en vigueur depuis le 22 octobre dernier et doivent être respectées depuis cette date ».

Enfin, la Chambre et l’AMF s’étonnent de la surprise des conseillers en sécurité financière qui disent avoir appris, à la fin d’octobre seulement, la mise en application des changements réglementaires.

« Les propositions de modifications ont fait l’objet d’une consultation publique de 45 jours à l’automne 2011 », rappelle l’AMF. Tous les détails ont été publiés dans le Bulletin de l’Autorité, dans son édition du 2 septembre 2011. En plus, après cette consultation, l’AMF a rencontré l’industrie à quelques reprises dans l’élaboration de ses travaux.

En même temps, l’organisme de réglementation a publié un avis d’interprétation et le Guide des règles sur les cartes professionnelles et les autres représentations pour « aider les représentants à comprendre les modifications ».

De son côté, la Chambre a publié un article complet sur le sujet dans l’édition de juin-juillet-août 2012 de son magazine Sécurité financière.

Elle a transmis l’information sur sa page Facebook et dans son bulletin Info-déonto.

Ronald McKenzie