Objectif : viabilité

Par Peter Drake | 20 mars 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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golden dollar coins in stacks

La viabilité budgétaire est le sujet de l’heure. Si elle est surtout associée à la crise de la dette européenne et à l’endettement du gouvernement américain, elle a depuis peu franchi nos frontières et teinte le débat qui entoure le prochain budget fédéral ainsi que le rapport de la Commission de réforme des services publics de l’Ontario dirigée par Don Drummond. En ce qui nous concerne, la viabilité budgétaire est la capacité des gouvernements à fournir, sans vider les caisses de l’État, les biens et les services que la population désire et dont elle a besoin. Pour ce faire, les dépenses gouvernementales doivent être compensées à long terme par des recettes fiscales.

Autrement dit, le gouvernement peut recourir à l’emprunt pour régler des difficultés à court terme, mais il doit rembourser ses dettes, tout comme chacun de nous doit payer son relevé de carte de crédit.

Certes, il est beaucoup plus simple de théoriser sur la viabilité budgétaire que de la mettre en pratique. Pour ce qui est de la retraite cependant, il est important d’y voir par A plus B, pour au moins deux raisons. Une bonne part de la volatilité qui angoisse les investisseurs depuis quelques années découle clairement de l’incertitude que la viabilité budgétaire douteuse à travers le monde suscite sur les marchés financiers.

Peter Drake

D’aucuns trouveront l’explication simpliste, mais plus les gouvernements seront nombreux à assurer leur viabilité budgétaire, plus nous pourrons envisager une baisse de la volatilité sur les marchés. D’un autre côté, le fait d’assurer la viabilité budgétaire – pour certains États du moins – pourrait affecter directement les caisses de retraite. Fait éloquent à cet égard, je citerais l’alourdissement du fardeau du secteur public, qui comprend les pensions et les soins de santé, entraîné par le vieillissement de la population. Faute de pouvoir nous attaquer directement aux problèmes de viabilité budgétaire de nos gouvernements, nous devons absolument faire face aux obstacles qui menacent la viabilité des retraites.

Pour illustrer mon propos, je vous rappelle une simple équation : épargne + placements = dépenses à la retraite. Quel élément de cette équation faudrait-il traiter en premier? À mon avis, ce sont les dépenses. Le montant des dépenses à la retraite exprime en partie le mode de vie que souhaite le retraité, mais surtout de quels revenus il disposera. La composante « discrétionnaire » des dépenses de retraite sera fonction de ses besoins de subsistance (alimentation habillement, logement) et probablement de certaines dépenses médicales.

Ce qui nous amène au côté gauche de l’équation, soit l’épargne et les revenus de placement, qui sont évidemment liés entre eux. En effet, plus le taux de rendement est élevé, plus le montant d’épargne nécessaire peut diminuer. Ensuite, la solution de l’équation dépend de la situation et des exigences du client. Bien entendu, quel que soit le montant épargné le revenu de placement est influencé par la tenue des marchés en question. Cependant, à part choisir dans quel type de marché et de placement investir – ou ne pas investir – le retraité n’a pas grand contrôle. En revanche, il peut avoir un certain contrôle sur la répartition de l’actif. Pas uniquement sur la répartition de base entre les actions, les obligations et les liquidités, mais également au sein des deux premières catégories. La répartition de l’actif a fait l’objet d’une kyrielle d’articles et d’analyses, mais les principes de base semblent immuables. Cet aspect du placement est étroitement lié au client; la répartition de son portefeuille, entre les principales catégories ou parmi les titres de chaque catégorie, est tributaire de son seuil de tolérance au risque, de son âge (qui influence aussi la tolérance du risque) et de son horizon temporel. Quelle que soit la répartition de l’actif appropriée à un client donné, il serait judicieux dans le contexte actuel de tabler sur des rendements plutôt conservateurs.

À présent, voyons la composante « épargne ». Étant donné la difficulté de mettre de l’argent de côté pour la plupart des clients, cette partie de l’équation est la plus difficile à résoudre. La difficulté tient à la multitude des possibilités d’utilisation de l’argent disponible, mais aussi parce qu’il est humain d’être davantage attiré par ce que l’on peut acheter dans l’immédiat plutôt que dans 20 ans, à la retraite. Les clients parviennent rarement à déterminer le taux d’épargne qui leur est nécessaire pour atteindre leurs objectifs personnels. En d’autres termes, ils aimeraient bien qu’on leur communique un nombre magique.

À mon avis, une formule-type sur l’épargne qu’un particulier doit accumuler n’est pas très utile, car ce montant dépend trop de la situation de chaque personne pour faire l’objet d’une généralité. Je peux toutefois vous présenter quelques résultats d’une étude effectuée par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, que j’ai puisés dans un rapport qu’il a rédigé en collaboration avec Alexandre Laurin et Colin Busby pour le C.D. Howe Research Institute en 2010¹. Les conclusions étaient surprenantes. La plus importante est que, selon le revenu de retraite qu’il désire par rapport à son revenu courant, un particulier doit épargner entre 10 % et 21 % de ses gains avant impôt, même s’il fait des économies pendant 35 ans. Deux éléments clefs se dégagent de cette conclusion; premièrement, les prémisses, notamment le taux de rendement visé, sont importantes. Deuxièmement, il n’existe pas de taux d’épargne universel; si certains de vos clients épargnent 10 % de leurs revenus, en avez-vous qui mettent en réserve 21 % de leurs gains? Pourtant, il s’agit d’un facteur déterminant de la planification d’un revenu de retraite.

En résumé, un gouvernement ne peut assurer la viabilité budgétaire que s’il répartit de maigres ressources (recettes fiscales) de manière à couvrir toutes ses dépenses à long terme; cette période comprendra forcément des phases de prospérité économique, qui rehausseront les recettes fiscales, et des phases d’atonie économique, qui les grugeront. En ce qui concerne les particuliers, la viabilité exige de définir le futur revenu de retraite souhaité et qui pourra être assuré par la combinaison appropriée d’épargne et de taux de rendement des placements. À l’instar des budgets gouvernementaux, qui doivent tenir compte des fluctuations de la conjoncture économique, les particuliers sont tenus de prévoir que leur revenu de retraite est susceptible d’être affecté par les périodes haussières et baissières des marchés financiers, et par la variation de leurs revenus d’emploi.

Pour terminer, si vous désirez, en votre qualité de conseiller, rigoureusement orienter vos clients sur les questions abordées ici, vous devez impérativement établir à leur intention un plan de revenu de retraite. Certains d’entre vous l’ont sûrement déjà fait, mais les résultats du sondage de Fidelity en 2011 sur la retraite révèlent encore une fois de déplorables lacunes à cet égard. Les participants qui ont déclaré avoir un plan de revenu de retraite représentent 25 % des non-retraités et 23 % parmi les retraités. Ces statistiques n’ont pratiquement pas changé depuis que nous effectuons le sondage, soit depuis sept ans. Il serait temps d’y remédier, et seuls les conseillers sont en mesure de le faire. C’est un prérequis à la viabilité du revenu de retraite de vos clients.

[1] Dodge, David A, Alexandre Laurin and Colin Busby, The Piggy Bank Index: Matching Canadians Saving Rates to Their Retirement Dreams, C.D. Howe Institute, Toronto, 2010

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Bien que les renseignements contenus dans cet article aient pour but de décrire certains éléments de planification financière, ils sont de nature générale. Ces renseignements ne sauraient faire office de conseils financiers ni être interprétés comme tel. Les lecteurs devraient consulter leur propre conseiller, avocat et professionnel de la planification financière avant d’adopter une stratégie fiscale ou d’investissement.

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