Paradis fiscaux : (presque) tout le monde les utilise

Par La rédaction | 19 Décembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Même s’ils l’ignorent sans doute, la quasi-totalité des travailleurs canadiens participent indirectement au système des paradis fiscaux, puisque les caisses de retraite publiques y possèdent des investissements, rapporte Radio-Canada.

Après avoir analysé plusieurs milliers de documents récupérés grâce aux Paradise Papers, la chaîne publique d’information a en effet découvert que d’importantes sommes d’argent transitent par ces États ou juridictions au profit des salariés qui bénéficient de régimes de retraite privés.

Ainsi, sept des huit plus grands gestionnaires de caisses de retraite au pays ont recours à des sociétés basées dans des territoires fiscalement « accueillants » pour investir à l’étranger : l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC); la Caisse de dépôt et placement du Québec; le Régime de retraite des enseignants de l’Ontario; l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public; la British Columbia Investment Management Corp.; le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario; et l’Alberta Investment Management Corp.

LA CAISSE DE DÉPÔT ET PLACEMENT AUSSI

Ces caisses de retraite publiques, parmi lesquelles figurent certains des plus importants investisseurs institutionnels au monde (dont la Caisse de dépôt et placement du Québec), gèrent à elles seules des centaines de milliards de dollars pour le compte de 25 millions de personnes d’un océan à l’autre, souligne Radio-Canada. Rappelons qu’en avril dernier, la Caisse, qui est régulièrement accusée d’abuser des paradis fiscaux, s’était vu demander par la Commission des finances publiques de l’Assemblée nationale de « réduire progressivement ses investissements dans les entreprises qui font de l’évitement fiscal abusif ou de l’évasion fiscale ».

La chaîne d’information précise que « de nombreux investissements ont transité par des sociétés établies aux Bermudes, aux îles Caïmans ou par l’île de Jersey », notamment. Le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario, par exemple, détenait jusqu’au printemps dernier une partie d’une tour de 47 étages située au centre de Londres, par l’entremise d’une société établie à Jersey.

Contactés par Radio-Canada, les gestionnaires de fonds de pension ont soutenu qu’ils respectaient les lois fiscales partout où ils font des affaires, rappelant au passage que les fonds de pension sont exemptés d’impôts au pays puisque, comme dans le cas des régimes enregistrés d’épargne-retraite, ce sont les travailleurs qui paient des impôts au moment où ils perçoivent leurs prestations. Selon eux, le fait d’avoir recours à des paradis fiscaux n’a donc aucune incidence sur les finances publiques, tant au fédéral qu’au provincial.

« CETTE DÉMARCHE EST CONTRAIRE À L’ÉTHIQUE »

« Nous structurons nos investissements à l’étranger pour maximiser les rendements de nos placements, après impôts, pour nos cotisants et nos bénéficiaires », a expliqué à Radio-Canada l’OIRPC, qui est responsable d’un fonds destiné à plus de 20 millions de Canadiens. Investir seulement à l’intérieur des frontières aurait des conséquences néfastes, affirme pour sa part un ancien dirigeant de caisse de retraite. « Il y a 30 ans, lorsque presque tous les investissements des fonds de pension étaient au Canada, ils n’avaient pas à structurer leurs affaires aux Bahamas. Nous pouvons retourner à cette époque [mais] les retraités auront la moitié de leur pension », avertit Jim Leech, PDG du Régime de retraite des enseignants de l’Ontario entre 2007 et 2013.

Ces arguments ne convainquent cependant pas le président du Congrès du travail du Canada (CTC), Hassan Yussuff, qui juge que les caisses de retraite ne devraient pas investir dans des paradis fiscaux, car ces derniers sont utilisés par les multinationales et les ultra-riches pour faire de l’évitement fiscal. « C’est tout simplement contraire à l’éthique. C’est un affront aux membres qui s’attendent à ce que leur régime de retraite fonctionne de manière éthique », déclare-t-il à Radio-Canada.

Le directeur des politiques sociales et économiques du CTC semble cependant avoir une position plus nuancée sur le sujet, si l’on en croit la chaîne publique. Notant que le contexte d’investissement a changé depuis ces dernières décennies, Chris Roberts est en effet d’avis que les membres du Congrès éprouvent « probablement des sentiments mitigés à propos des gestes posés par leur fonds de pension » tout en se disant : « Est-ce que ma pension sera là pour moi aussi? ».

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