Placement passif : Ottawa présente une nouvelle approche

Par La rédaction | 28 février 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le gouvernement fédéral a apporté des changements aux règles entourant l’imposition des revenus de placements dans les sociétés privées. Plus une société génère ce type de revenu, moins elle aura accès à des taux d’imposition avantageux.

Les nouvelles mesures annoncées dans le budget fédéral de mardi adoptent une approche différente des celles proposées l’été dernier, et qui avaient menées à une véritable levée de boucliers des propriétaires d’entreprise.

Dorénavant, les contribuables qui placent de l’argent dans des sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) bénéficieront, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, d’un taux d’imposition avantageux pour la première tranche de 500 000 dollars de revenu provenant de l’exploitation d’une entreprise.

Mais le taux préférentiel, qui est de 10 % depuis le 1er janvier et passera à 9 % au début de 2019, sera graduellement réduit lorsque la société gagne plus de 50 000 dollars en revenu de placement passif au cours d’une année. Pour générer un tel revenu, environ un million de dollars en investissement passif doivent être détenus dans la société, en supposant un rendement de 5 %.

Plus précisément, la déduction pour petite entreprise sera réduite de 5 $ pour chaque dollar de revenu de placement passif généré au-delà de ce seuil. En fonction du niveau de revenu passif, le taux préférentiel sera donc compris entre 9 % et 15 %, jusqu’à concurrence de 150 000 dollars.

Ottawa explique avoir créé cette règle pour s’assurer que les petites entreprises réinvestissent dans leurs activités plutôt que d’accumuler des sommes significatives en placement passif.

La limite actuelle pour avoir accès aux taux d’imposition réduit est fixé à 500 000 $ de revenu provenant de l’exploitation d’une entreprise.

UNE MEILLEURE APPROCHE

« La nouvelle approche va être beaucoup plus facile à respecter et va cibler uniquement les sociétés privées dont le revenu de placement passif dépasse 50 000 $ par année, soit environ un million de dollars d’actif passif », note le budget.

Les nouvelles règles sont bien plus simples et claires que celles originalement proposées, et elles fournissent des clarifications attendues depuis longtemps par les propriétaires d’entreprise, confirme Doug Carroll, chef de la planification fiscale, successorale et financière à Meridian Credit Union.

« Cela n’affecte pas directement l’impôt sur le revenu passif dans la société, mais vise plutôt le taux d’imposition préférentiel accordé aux PME. Les seuils où vous allez perdre votre admissibilité au taux réduit sont clairs », explique-t-il.

Les nouvelles règles permettent également de mieux atteindre les objectifs que s’était fixé le ministre des Finances avec sa réforme fiscale, selon Bruce Ball, vice-président, fiscalité à CPA Canada.

« Le problème semblait se trouver du côté des individus qui gagnaient des revenus de petites entreprises et qui les réinvestissaient dans des placements passifs, dit-il. Plutôt que de surtaxer les revenus d’investissement, cette proposition va au cœur de la question en déterminant si une société privée devrait être admissible à la déduction accordée aux petites entreprises. Nous pensons que c’est une meilleure approche. »

Selon le gouvernement, ces changements vont avoir un impact sur seulement 3 % des SPCC, soit environ 50 000 sociétés.

DIVIDENDES : ACCÈS LIMITÉ AUX IMPÔTS REMBOURSABLES

Le budget modifie aussi la façon dont les SPCC peuvent obtenir des impôts remboursables au moment de distribuer certains dividendes.

Aujourd’hui, le fait pour une société de verser des dividendes imposables à ses actionnaires lui donne le droit de récupérer une partie de l’impôt qu’elle a payé sur du revenu de placement, peu importe que le dividende provienne d’un revenu de placement passif ou d’un revenu tiré de l’exploitation d’une entreprise. Cela permet aux sociétés privées de verser des dividendes moins imposés sur leur revenu actif et de demander un remboursement d’impôt sur leur revenu de placement. Ottawa qualifie cette mécanique « d’avantage fiscal significatif ».

Les nouvelles règles présentées dans le budget vont donc empêcher les SPCC d’obtenir des remboursements d’impôts payés sur le revenu de placement alors qu’elles distribuent des dividendes tirés de revenus imposés au taux général d’imposition des entreprises. Les remboursements seront seulement permis lorsque le revenu de placement est payé.

« Il y avait une bizarrerie dans le système fiscal qui permettait de gagner un revenu d’entreprise, payer un dividende à taux réduit et déclencher un remboursement de dividendes en même temps, explique Bruce Ball. Le gouvernement tente maintenant de retracer les sources de l’impôt remboursable dans le but de le faire correspondre avec le dividende approprié qui est payé. »

Ensemble, les nouvelles règles sur les placements passifs, les dividendes et le fractionnement du revenu devraient générer des recettes fiscales supplémentaires de 233 M$ en 2018-2019 et de 925 M$ en 2022-2023.

À noter que les règles sur le fractionnement du revenu n’ont pas été modifiées dans le budget. Celles annoncés en décembre dernier s’appliquent donc toujours.

La rédaction