Pour éviter les prochaines crises, réformer le G8

Par André Giroux | 13 novembre 2008 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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«L’architecture financière internationale bâtie après la Seconde Guerre mondiale est désuète», a affirmé l’ex-premier ministre du Canada, Paul Martin, lors d’une conférence présentée le 12 novembre par le Conseil des relations internationales de Montréal.

L’ancien ministre fédéral des Finances mise sur la réforme du G8. «C’est le pivot qui peut et pourra donner une direction claire et uniforme au mouvement de réforme, à condition qu’il se réforme lui-même.»

Paul Martin mise principalement sur l’élargissement du nombre de pays membres de cet organisme ou sur la création d’un G20 des chefs d’État, le G20 actuel regroupant les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales.

L’ex-ministre des Finances invoque la montée de nouvelles puissances économiques telles que la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et le Mexique. Il signale que les problèmes se multiplient, et se complexifient aussi: crise financière, qui s’ajoute aux enjeux reliés à la sécurité énergétique, aux changements climatiques, à la menace de pandémies mondiales et aux difficultés de négociations de Doha relatives au commerce agricole dans un contexte de crise alimentaire.

«Ces enjeux dépassent la capacité actuelle du G8 d’agir, croit Paul Martin. Par exemple, le consommateur américain, qui a été le moteur de l’économie mondiale depuis 1945, est aujourd’hui trop endetté pour continuer comme acheteur de dernier recours du monde.» Plusieurs analystes estiment que la solution passe notamment par la hausse de la demande interne chinoise et la réévaluation à la hausse de sa monnaie. «Or, la moitié du temps, ces pays [émergents] ne sont même pas invités aux réunions où l’on finit par réclamer leur aide!» déplore Paul Martin.

«Dans la plupart des principales capitales, incluant celles de plusieurs des pays membres du G8, constate l’ancien premier ministre, il existe un désir réel pour un G20 des chefs d’État.» Alors qu’il était premier ministre, Paul Martin avait voulu étendre le concept du G20 au niveau des chefs d’État. «La démarche s’est presque réalisée, mais s’est heurtée à la résistance de quelques pays, dont les États-Unis», mentionne-t-il.

«Voilà pourquoi je pense que nous avons franchi une étape importante, il y a quelques semaines, lorsque les États-Unis ont annoncé, en marge de la crise financière, qu’ils accueilleraient la première rencontre du Groupe des Vingt au niveau des chefs d’État, le 15novembre. Malheureusement, le président Bush n’a pas précisé s’il s’agissait d’une rencontre limitée au seul contexte de la crise financière ou si elle marquait le début d’une nouvelle ère d’inclusion mondiale. Ce qui est clair cependant, et ce qui a été exprimé après l’annonce du Président Bush par la grande majorité des pays invités à Washington, c’est que les jours du statu quo achèvent.»

Quelle sera la place du Canada sur ce nouvel échiquier mondial? Paul Martin déplore que l’actuel premier ministre canadien ait affirmé «à deux reprises, qu’il n’avait aucun intérêt dans la réforme du G8.»

«C’est un mauvais calcul, pense Paul Martin. Le Canada a tout intérêt à prendre les commandes d’une réforme, car il ne faut pas se leurrer, nous ne sommes pas une des plus grandes économies de ce monde et rien ne garantit que nous participerons au résultat final.»

Déjà un projet de G6 plane, regroupant les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Japon, l’Europe et la Russie. «C’est là une option inquiétante pour une raison évidente, soulève l’ancien premier ministre: le Canada n’est pas là.»

«Si l’on reconnaît la nécessité de partager le pouvoir, il faut le faire pendant qu’on le possède encore», conclut l’ancien premier ministre.

André Giroux