Primeur – Réorganisation de la Chambre : vers des sections régionales autonomes?

Par Ronald McKenzie | 9 mai 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Dans un avenir peut-être rapproché, les sections régionales qui sont actuellement parties intégrantes de la Chambre de la sécurité financière pourraient voler de leurs propres ailes.

« Nous sommes en réflexion à ce sujet. Un comité bipartite composé d’administrateurs de la Chambre et de présidents de sections locales étudie plusieurs hypothèses sur une éventuelle séparation des deux organisations », dit Luc Labelle, président et chef de la direction de la Chambre.

Pourquoi une telle séparation? Parce que la Chambre devrait remplir exclusivement son rôle d’organisme d’autoréglementation. Or, par ses sections régionales, elle se trouve à accomplir du travail « associatif » de prestation de services aux membres. Cela n’entre pas en contradiction avec la mission fondamentale de la Chambre d’assurer la protection du public, mais les nouvelles normes en matière de gouvernance des organismes publics suggèrent de bien distinguer ces deux activités.

C’est l’avis de la Chambre, bien sûr, mais aussi celui de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, qui a effectué un audit sur les pratiques de la Chambre. Et c’est ce que croit également Alain Paquet, ministre délégué aux Finances.

Dans le domaine du courtage de plein exercice, l’ancienne ACCOVAM y a vu. En 2008, elle s’est scindée en deux entités distinctes : l’OCRCVM pour l’autoréglementation, et l’ACCVM pour la représentation des intérêts de ses membres.

« En raison de sa structure, la Chambre a déjà été appelée à défendre des positions qui n’étaient pas liées à la protection du public », souligne Luc Labelle. À cette ambivalence philosophique s’ajoute des difficultés concrètes qui minent certains volets du fonctionnement des sections régionales.

Par exemple, celles-ci n’ont pas le droit de créer de listes de membres qui assistent aux diverses formations afin de les contacter pour leur offrir divers autres services. En outre, des exigences en matière de gestion financière leur causent des entraves. « Les sections veulent mettre de l’avant des initiatives, mais nous sommes obligés de leur dire non à cause des contraintes que nous subissons », déplore Luc Labelle.

Autonomie, financement et liberté d’expression

Pour l’heure, les membres du comité bipartite n’ont fait qu’amorcer certaines discussions, histoire de mesurer l’ampleur de la tâche à abattre. Ils n’ont pas encore abordé la question centrale du financement des éventuelles sections autonomes. Une réunion à ce sujet est prévue à la fin du mois de mai, et il y aura du pain sur la planche.

Actuellement, la Chambre finance les sections régionales par voie de subventions. Les sommes ne sont pas énormes. En 2011, les redevances se sont chiffrées à 113 990 $, soit 5700 $ en moyenne pour chacune des 20 sections. Cela pourrait changer. Une formule envisagée consisterait à moduler le financement « au volume ». Cela veut dire qu’une section qui offre plus de cours de formation qu’une autre, notamment, toucherait un montant plus élevé.

En outre, les sections seraient libres de développer leurs propres modes de financement. Par exemple, elles pourraient conclure des ententes de commandite avec des entreprises de téléphonie cellulaire. « Pour ces aspects, on est vraiment au stade des hypothèses. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la Chambre poursuivrait son financement », assure Luc Labelle.

La liberté d’expression accompagnerait-elle l’autonomie? Une section pourrait-elle déposer son propre mémoire lors d’une consultation publique sur la refonte du Fonds d’indemnisation des services financiers, par exemple? Après réflexion, Luc Labelle précise : « Légalement, elle pourrait faire ce que ses membres désirent qu’elle fasse. Présentement, le fonctionnement associatif le lui interdit. »

La réorganisation de la gouvernance de la Chambre n’a pas pour but de transformer les sections en organisations militantes. L’objectif est de permettre à la Chambre de se concentrer exclusivement sur la protection du public et de permettre aux sections de développer leurs services aux membres. À cet égard, rien ne les empêcherait de créer des partenariats avec le Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ), par exemple.

L’aval du ministre

Alain Paquet, ministre délégué aux Finances, suit de près ce dossier. En entrevue à Conseiller.ca, il a salué le travail de réflexion de la Chambre, indiquant que l’indépendance du conseil d’administration est un « critère important pour une saine gouvernance », particulièrement au sein des organismes qui ont pour mission la protection du public.

« Bien que les membres puissent voir dans leur organisme d’autoréglementation une forme d’association, ce n’est pas le cas. L’élection des administrateurs par les membres n’en fait pas les porteurs des revendications de ces derniers », fait remarquer le ministre. Alain Paquet estime que les objectifs associatifs sont tout à fait légitimes et qu’il est important qu’ils soient présents. Cependant, « la distance entre une certaine activité associative et la protection du public doit être clairement établie ».

D’ici à ce que les sections régionales deviennent autonomes, si c’est ce qu’elles désirent, il s’écoulera plusieurs mois. Entre-temps, le comité bipartite devra déterminer un calendrier des rencontres et les sujets à traiter en priorités. « On en a pour l’année 2012 au minimum », dit Luc Labelle.

Ronald McKenzie