Protection des personnes âgées : vous avez un rôle à jouer

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 27 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
goodluz / 123RF

« La maltraitance des aînés passe un peu sous le radar. Elle reste à l’intérieur des chaumières. Pourtant, la communauté financière va y être de plus en plus confrontée puisque cette génération va bientôt représenter un quart de la population canadienne. Ajoutons à cela qu’à 65 ans, 15 % des personnes ont déjà des capacités mentales réduites et que ce chiffre double ensuite tous les cinq ans. »

C’est avec cette mise en garde que la chroniqueuse Stéphanie Grammond a amorcé hier une table ronde consacrée aux plus de 65 ans lors du Colloque de conformité du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), tenu à Montréal. La moitié des appels à la ligne téléphonique Abus Aînés concernent des violences financières, souligne-t-elle.

À l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), on assure prendre la situation très au sérieux. Une note d’orientation a été publiée il y a un an pour insister sur quelques points, notamment sur l’importance d’obtenir copie des procurations et de les valider avant d’accepter de procéder à quelle que transaction que ce soit.

Un dialogue efficace s’avère également plus que nécessaire avec les aînés.

« Les communications doivent être plus fréquentes qu’avec les autres clients, explique France Kingsbury, directrice régionale Réglementation de l’organisme. Parce que leur situation peut changer plus rapidement. Nous insistons également sur le fait d’avoir au dossier une personne ressource de confiance, qui ne fasse pas partie des décisions d’investissement et qui ne soit pas la personne visée par la procuration. Une personne susceptible d’être contactée en cas de doute. »

PRUDENCE ET DILIGENCE

Elle insiste également sur le fait de bien connaître les produits et de s’assurer que les recommandations sont adaptées à la situation du client.

« Il faut exercer son jugement, précise-t-elle. Ça ne signifie pas forcément qu’un aîné doit faire des placements à horizon court. Il peut vouloir laisser de l’argent en héritage. Mais il faut tout documenter au dossier. Savoir pourquoi on fait telle ou telle chose et laisser des traces des conseils que l’on a donnés. »

Les scénarios sont multiples. Il y a les clients qui refusent d’admettre que leurs capacités mentales baissent et qui commencent à poser des gestes qui pourraient nuire à leur situation financière. Ceux qui se font abuser par leur mandataire ou les membres de leur entourage sans s’en rendre compte… et ceux qui ne veulent pas le voir. Et enfin, ceux qui en ont conscience, mais qui ne veulent pas porter plainte parce qu’ils se sentent menacés ou ne veulent pas perdre le peu de gens qui reste dans leur réseau social.

« Face aux personnes vulnérables, il faut se questionner deux fois plus, estime Danielle Tétrault, vice-présidente adjointe Examens de conformité au Groupe Investors. Si les investissements d’une personne passent de prudents à agressifs, ça doit allumer des signaux. Il faut s’informer sur ce que le mandataire a le droit de faire ou non. Les conseillers se tournent souvent vers le siège social pour savoir quoi faire, quand dire non, quand geler un compte, etc. À la conformité, nous sommes là pour les aider. »

Mihnea Bantoiu, avocat au cabinet Létourneau Gagné, indique pour sa part que plus le client est profane et vulnérable, plus le fardeau est lourd pour le conseiller.

« L’arrêt Laflamme, qui date de 17 ans, balise les règles applicables entre le conseiller et son client, rappelle-t-il. Il dit qu’il faut agir avec prudence et diligence. Ça signifie par exemple que le conseiller a le mandat de vérifier s’il y a adéquation entre le risque du portefeuille et la situation du client. »

PAS DE PRÉCIPITATION

En cas de doute, Danielle Tétrault demande aux conseillers de ne pas procéder aux transactions sans aviser le siège social.

« Une fois que l’argent est parti, il est parti, souligne-t-elle. Il faut prévenir. Ce n’est pas simple, car le mandataire met souvent de la pression sur le conseiller. Il veut agir vite. Juste ça, ça doit l’alerter. »

Mais parfois, le conseiller ne peut tout simplement rien faire, poursuit-elle. Si un client âgé demande à faire une transaction qui ne sera pas dans son intérêt, voire qui aura un impact sérieux sur ses états financiers, le professionnel est en devoir de le lui indiquer et de lui proposer autre chose. Mais il ne pourra pas dire non.

« L’important en pareil cas, c’est de conserver des notes [sur les rencontres], conclut-elle. Il faudra des preuves si les enfants en viennent un jour à poser des questions. »

Votre client âgé est-il vulnérable?

Pour juger de la vulnérabilité d’une personne, quatre aspects sont à prendre en compte.

  • La personne elle-même : ses capacités cognitives baissent-elles? Est-elle confuse? Son comportement est-il inadéquat?
  • Le réseau social : est-ce que l’isolement dans lequel vit l’aîné peut le pousser à s’accrocher aux quelques personnes qui lui reste jusqu’à se faire abuser? Y a-t-il de nouvelles personnes qui apparaissent dans son entourage?
  • La situation financière : les transactions sont-elles cohérentes?
  • L’hébergement : le déménagement en résidence pour aînés a-t-il fragilisé la personne au point de la rendre dépendante?

Hélène Roulot-Ganzmann