Quand retirer ses REER est-il justifié?

Par Emmanuelle Gril | 26 juin 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Une porte de coffre fort.
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Si le décaissement des REER est une pratique que vos clients doivent normalement éviter, certaines situations justifient parfois de piger dans l’épargne-retraite.

Ce n’est pas un secret, retirer ses REER de façon anticipée peut coûter très cher. Dans un premier temps, l’institution financière effectue des retenues sur les montants décaissés. « On parle de retenues de 21 % pour des sommes allant jusqu’à 5000 $, de 26 % pour un retrait entre 5000 et 15 000 $ et de 31 % pour un décaissement de plus de 15 000 $ », rappelle Jean-François Rémillard, conseiller en sécurité financière et représentant rattaché au Groupe Mathieu Turgeon.

Une coquette somme à laquelle il faudra ajouter, éventuellement, des impôts supplémentaires, prévient Mélissa Lanthier, conseillère en sécurité financière chez Lafond Services financiers. « Piger dans ses REER pourrait augmenter considérablement le taux d’imposition si le client change de tranche de revenu imposable », dit-elle.

Par ailleurs, ces droits de cotisation seront définitivement perdus puisqu’on ne peut reverser dans les REER le montant que l’on en a retiré. On l’aura compris, il faut y penser à deux fois avant de conseiller à un client de piger dans ses REER.

EXCEPTIONS ET SITUATIONS PARTICULIÈRES

1. Le Régime d’accession à la propriété (RAP)

Une personne qui souhaite acquérir une propriété peut retirer jusqu’à 25 000 $ dans ses REER, sans que ces sommes soient imposables, à condition qu’elle n’ait pas été propriétaire au cours des cinq dernières années et qu’elle rembourse dans les 15 ans suivant le retrait. « Le RAP permet d’avoir une meilleure mise de fonds et évite éventuellement au client d’avoir à assurer son prêt hypothécaire auprès de la SCHL et donc à payer la prime qui en découle », explique Fernand Loiselle, planificateur financier et directeur régional pour le Groupe Investors.

2. Le Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP)

Si le client ou son conjoint souhaite retourner aux études, il peut retirer jusqu’à 10 000 $ par an, et ce, pendant quatre ans, jusqu’à concurrence de 20 000 $, pour payer ses frais de scolarité ou ceux de son conjoint. « Il aura ensuite 10 ans pour rembourser. Cela peut constituer un bon choix, surtout si, au bout du compte, l’obtention d’un diplôme permet d’améliorer sa situation professionnelle et de gagner un meilleur salaire », souligne M. Loiselle.

3. Améliorer son dossier de crédit afin de demander un refinancement hypothécaire

Si un client est très endetté et n’a pas d’autres sources d’épargne, il pourrait piger dans ses REER pour se débarrasser de ses mauvaises dettes et ainsi améliorer son dossier de crédit. Ceci dans le but que son institution financière lui consente un refinancement hypothécaire. Le client pourrait demander un prêt plus important, afin de verser l’argent supplémentaire dans ses REER l’année suivante, et bénéficier ainsi de la baisse d’impôt qui découle de cette cotisation.

4. Sortir de la spirale de l’endettement

« En dernier recours, le client pourrait encaisser une partie de ses REER pour éliminer des dettes de cartes de crédit dont les taux d’intérêt sont exorbitants – 19, 21, voire 28 %! – et sortir de la spirale de l’endettement », indique Jean-François Rémillard, qui recommande toutefois de bien faire ses calculs. Ces montants vont en effet être intégrés dans le revenu imposable et pourraient modifier la fourchette d’imposition, augmentant au bout du compte les impôts à payer.

5. Éviter de s’endetter durant une année à faibles revenus

Lorsqu’on perd son emploi ou qu’on prend une année sabbatique, on pourrait décaisser une partie de ses REER plutôt que de s’endetter, estime Fernand Loiselle. « Le taux d’imposition du client sera très bas, et par conséquent l’impact fiscal du retrait moins important », dit-il. Un travailleur autonome sans assurance-chômage qui a perdu ses sources de revenus pourrait aussi envisager cette option, pour autant que ceux de cette année-là soient effectivement très limités.

3 occasions où c’est non!

  • Lorsque le client travaille et gagne déjà un bon salaire : piger dans ses REER va augmenter radicalement son taux d’imposition parce qu’il change de tranche d’imposition, mentionne Mélissa Lanthier.
  • Si l’envie lui prend de financer un projet, par exemple des rénovations sur sa propriété ou un voyage : il serait préférable qu’il le reporte à plus tard, lorsqu’il aura épargné la somme nécessaire, ou qu’il puise dans une autre source (par exemple marge hypothécaire, CELI). « Le REER n’est pas un outil pour acheter un bien, mais pour avoir un revenu de retraite », prévient Fernand Loiselle.
  • S’il a d’autres sources d’épargne, comme un CELI, des certificats de placement garanti non enregistrés ou encore des obligations d’épargne : en cas de besoin, il devrait les utiliser prioritairement plutôt que ses REER.

Emmanuelle Gril