Que faire avec des clients difficiles ?

27 janvier 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Travailler avec des clients difficiles, ce n’est pas une sinécure, rappelle Advisor.ca. Les relations qui se tissent entre les conseillers et leurs clients sont empreintes de rapports complexes et d’attentes, réelles ou illusoires, d’un côté comme de l’autre.

Si l’on ajoute à ce fragile équilibre des gestes de frustration, de la confusion et des marchés volatiles, la situation peut devenir franchement désagréable, voire intenable. Les conseillers ont donc intérêt à repérer les clients difficiles, à apprendre à travailler avec eux et, si rien ne fonctionne, à mettre fin à l’association.

Le temps c’est de l’argent

En 20 ans de métier, le planificateur financier Chet Brothers a appris à éviter les clients à problème. « Même s’ils sont riches, il ne vaut pas la peine de travailler avec eux. Ils gaspillent votre temps, votre énergie et ceux de votre personnel », dit-il.

Chet Brothers les reconnaît à leur propension à demander des choses impossibles, à changer d’idées constamment et à remettre en question la philosophie du cabinet. Ils téléphonent à tout bout de champ et posent d’innombrables questions sur les derniers résultats financiers d’une entreprise, par exemple.

Tempérer les exigences

À certaines occasions, il est possible de s’en sortir. Chet Brothers relate le cas d’un couple instruit qui n’avait aucune expérience en matière de placements. Au premier soubresaut des marchés, ce couple a cédé à la panique. Chet Brothers a senti qu’une intervention proactive était nécessaire. Il a rencontré ses clients, a révisé leur portefeuille avec eux, a passé en revue leurs objectifs financiers et leur a expliqué comment leurs placements étaient structurés de manière à atteindre les buts qu’ils s’étaient fixés. Rassuré, le couple a compris que la situation n’était pas dramatique et que le plan devait suivre son cours.

Chet Brothers souligne qu’il faut distinguer les clients à problème de ceux qui ont des problèmes. Les premiers sont irrécupérables, alors que les seconds éprouvent habituellement des difficultés passagères. « De la patience, de l’empathie et une bonne compréhension du comportement de l’investisseur sont les ingrédients qui vous aideront à relever un client qui a des problèmes », dit l’expert.

Certes, il faudra leur consacrer plus de temps, mais c’est le prix à payer pour développer une relation qui peut être enrichissante à long terme, comme avec ce couple instruit qui fait toujours affaire avec Chet Brothers.

Inquiétude ou plainte ?

Pour Robert Kelland, c’est inévitable : un jour ou l’autre, un client manifestera son mécontentement vis-à-vis de votre travail. Mais de quel genre d’insatisfaction s’agit-il ? D’une inquiétude exprimée à voix haute ou d’une plainte en bonne et due forme ?, demande ce gestionnaire de portefeuille à ScotiaMcLeod.

« Si une personne vous dit qu’elle n’aime pas son portefeuille à cause de telle ou telle chose, ce n’est pas nécessairement une plainte, mais plutôt une inquiétude. Si toutefois elle déclare être malheureuse et vous reproche de ne pas avoir livré la marchandise, vous devriez prendre ses doléances avec sérieux », dit Robert Kelland.

De là l’importance fondamentale de faire remplir au client le questionnaire destiné à bien le connaître (KYC). Cet exercice ne prend pas trop de temps, et le dossier peut être mis à jour facilement. C’est la meilleure protection dont peuvent jouir les conseillers.

Aussi, il est fortement recommandé de rencontrer régulièrement les clients et de prendre beaucoup de notes durant ces meetings. Consignez par écrit le jour, l’heure et l’endroit de la rencontre. Quel en était le but ? De quoi avez-vous parlé ? Sur quoi êtes-vous tombés d’accord ? Y a-t-il eu des sujets de discorde ? Si oui, lesquels ?

Évidemment, cela demande du travail. Mais en cas de pépin avec un client, vous pourrez présenter une défense documentée qui sera probablement votre planche de salut.

Lire entre les lignes

Quand un client se présente dans votre bureau afin de critiquer votre travail et le rendement de son portefeuille, il est préférable de le laisser déverser son trop-plein de frustration avant d’intervenir, conseille Kathleen Clough, de PWL Capital.

Si ce client agit toujours ainsi, vous avez affaire à un cas problème dont il serait judicieux de se débarrasser. Mais si cette personne explose de façon inattendue, il y a peut-être anguille sous roche, prévient Kathleen Clough.

Elle raconte l’histoire d’un couple qui s’est présenté un jour avec l’intention de chambouler son portefeuille de placements. Comme tel, rien ne justifiait un réexamen des actifs, mais le couple insistait. Étrange… En discutant avec le couple, Kathleen Clough a appris que l’homme souffrait d’un cancer du cerveau. On venait de lui annoncer la nouvelle, et il a cru bon de réorganiser les finances de la famille.

La conseillère a indiqué à ses clients que d’autres choses plus urgentes devaient être réglées au préalable. Par exemple, s’assurer que le testament de l’homme était à jour, que les bénéficiaires étaient désignés et que sa femme puisse toucher une partie de sa pension de retraite une fois qu’il sera décédé.

Elle leur a aussi expliqué que le moment était venu de passer du bon temps ensemble et de ne plus songer aux questions d’argent, car c’est elle qui s’occuperait de tout.

Savoir se séparer

Malgré toute la bonne volonté que les conseillers peuvent y mettre, il arrive que des relations soient ingérables. Il faut savoir les identifier et faire comprendre à ces clients qu’ils seraient plus heureux ailleurs.

Habituellement, des signaux précurseurs d’une détérioration se manifestent. Pour Robert Kelland, quand un client dit qu’il est malheureux, qu’il passe outre à la stratégie à long terme qu’il a élaborée avec son représentant ou qu’il prend conseil auprès de sa femme ou de son voisin, c’est qu’il y a du sable dans l’engrenage. « Le conseiller doit absolument en parler à son directeur pour déterminer s’il faut diriger ce client vers un autre conseiller », dit-il.

Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire. Si le client à problème génère des revenus appréciables, se séparer de lui est un pensez-y bien. « Il fait voir si les bénéfices compensent les difficultés occasionnées », note Robert Kelland.

Chet Brothers, lui, souligne qu’il ne fait plus de compromis. Il refuse carrément de faire affaire avec des clients qui lui donnent de l’urticaire. « Mon expérience m’enseigne que, lorsque vous les avez chassés de votre vie, vos revenus recommencent à s’améliorer ! »