Rencontre confidentielle à l’AMF

Par Christine Bouthillier | 21 juin 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’Autorité des marchés financiers (AMF) a convié avec la plus grande discrétion une soixantaine de représentants de l’industrie et experts triés sur le volet à une discussion sur le projet de règlement 33-404 vendredi dernier.

Les médias n’étaient pas admis à cet évènement et seules certaines personnes y ont été conviées. Selon l’une de nos sources, la Chambre de la sécurité financière, par exemple, n’a jamais été invitée.

À l’ordre du jour : les propositions de rehaussement des obligations des conseillers, des courtiers et des représentants envers leurs clients (33-404), récemment émises par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et actuellement ouvertes pour consultation.

La rencontre s’est tenue vendredi matin dans une salle de réunion prêtée par l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale), qui a des bureaux voisins à ceux de l’AMF, à Montréal.

Plusieurs membres du personnel de l’AMF ont présenté les différentes propositions des ACVM et ont répondu aux questions de l’assistance :

  • Eric Stevenson, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution;
  • Sophie Jean, directrice de l’encadrement des intermédiaires;
  • Gérard Chagnon, analyste expert en réglementation – pratique de distribution;
  • Noémie C. Girard, analyste à l’encadrement des intermédiaires.

Louise Gauthier, directrice principale de l’indemnisation et des politiques d’encadrement de la distribution, et Mathieu Simard, directeur des fonds d’investissement, étaient également présents, selon nos sources. Tous n’étaient pas là pour exposer le point de vue de l’AMF, mais plutôt expliquer celui des ACVM, rôle qui ne semblait pas convenir à tous.

« Les représentants de l’AMF étaient sur la défensive, ou s’excusaient de l’apparente complexité des nouvelles réformes », relate à Conseiller l’un des participants, qui a requis l’anonymat.

DES PROBLÈMES À RÉGLER

Plusieurs recherches ont démontré que certaines pratiques de l’industrie peuvent nuire aux consommateurs, d’où les réformes proposées dans 33-404, a indiqué Mme Jean, selon nos informations.

Par exemple, même si l’on constate différents niveaux de tolérance au risque, le résultat semble toutefois mener à une répartition d’actifs semblable. Les ACVM constatent aussi une asymétrie entre les attentes des clients et les obligations des représentants.

Huit réformes proposées par 33-404 ont été passées en revue :

  • Renforcer les obligations de la règle qui consiste à bien connaître son client (KYC);
  • Rendre les obligations de connaissance du produit (KYP) plus explicites. Une remarque a alors été énoncée par l’un des participants : « Devoir analyser plus en profondeur les produits pourrait-il mener les cabinets à réduire le nombre de produits offerts? Cela diminuerait ainsi la qualité du service et les produits risqueraient de moins convenir au client », a-t-il fait valoir;
  • Renforcer les obligations de convenance au client. Une des suggestions de 33-404 à cet effet est de réviser annuellement les recommandations faites à chaque client et ce, peu importe la taille de son portefeuille. Cela risquerait toutefois de forcer les conseillers à laisser tomber les clients moins fortunés, a affirmé un représentant de l’industrie présent à la rencontre;
  • Éviter les conflits d’intérêts qui peuvent être provoqués par certains incitatifs à la vente;
  • Clarifier l’information sur la relation. Par exemple, un représentant de courtier en valeurs mobilières doit divulguer le fait qu’il peut offrir un vaste éventail de produits;
  • Renforcer la compétence. Comme il s’agit d’un sujet relativement nouveau, peu de détails ont été donnés, relèvent nos sources.
  • Établir une législation sur les titres professionnels. Plusieurs options sont sur la table. Les représentants de l’AMF ont dit préférer celle selon laquelle les représentants ne peuvent utiliser que leur catégorie d’inscription, par exemple représentant de courtier ou représentant-conseil.

Finalement, le projet de norme règlementaire d’agir au mieux des intérêts du client a été présenté.

« Selon l’AMF, l’objectif est d’harmoniser le comportement et les objectifs des représentants envers les clients. C’est le principal avantage. Mais le désavantage, c’est que les attentes du client deviendront plus grandes, sans parler de l’incertitude législative que cela pourrait créer », affirme l’un des invités à cette rencontre.

DES DÉCEPTIONS

Ayant pris la forme d’une présentation plutôt que d’un échange, cette réunion semble avoir frustré certains participants, selon nos sources.

« Plusieurs sont partis avant la fin. Certaines personnes à qui j’ai parlé ne savaient pas trop quoi penser de cette rencontre et d’autres étaient déçus, ils s’attendaient à plus », confie l’une de nos sources.

Pourquoi seules certaines personnes ont-elles été conviées? Pourquoi les médias ont-ils été tenus à l’écart? Invitée à réagir, l’AMF n’a pas répondu au courriel de Conseiller au moment de mettre en ligne.

Pour lire la réponse de l’AMF, reçue après la publication de ce texte, c’est ici.

Vous avez votre mot à dire

N’oubliez pas que vous avez jusqu’au 26 août 2016 pour déposer votre mémoire sur le projet de règlement 33-404.

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Christine Bouthillier

Titulaire d’un baccalauréat en science politique et d’une maîtrise en communication de l’Université du Québec à Montréal, Christine Bouthillier est journaliste depuis 2007. Elle a débuté sa carrière dans différents hebdomadaires de la Montérégie comme journaliste, puis comme rédactrice en chef. Elle a ensuite fait le saut du côté des quotidiens. Elle a ainsi été journaliste au Journal de Montréal et directrice adjointe à l’information du journal 24 Heures. Elle travaille à Conseiller depuis 2014. Elle y est entrée comme rédactrice en chef adjointe au web, puis est devenue directrice principale de contenu de la marque (web et papier) en 2017, poste qu’elle occupe encore aujourd’hui.