Renvoyer des clients : tâche ingrate ou nécessaire?

5 juillet 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
8 minutes de lecture

Ce texte est le premier d’une série de deux sur l’art de déterminer et d’atteindre le nombre idéal de clients.

Il existe plusieurs manières d’atteindre le nombre idéal de clients que vous souhaiteriez détenir, tout en vous libérant du fardeau que peuvent représenter les clients dont vous ne voulez plus.

Le moyen le plus simple (et sans doute le plus radical) consiste… à changer de firme. Ainsi, vous pourrez amener avec vous les clients que vous souhaitez garder et laisser les autres derrière. C’est du moins ce que suggère Earl Evans, le président de Macquarie Wealth, une firme torontoise. « En 2010, nous avons recruté plus de 30 conseillers, dont certains provenaient de cabinets de courtages appartenant à des institutions financières, dit-il. Nous sommes une firme indépendante, qui offre tous les services. Ces conseillers, qui venaient d’institutions où le bassin de clients est important, peuvent désormais se concentrer sur ce qu’ils veulent vraiment, que ce soit une clientèle composée de clients fortunés ou de clients issus de groupes ethniques particuliers. »

M. Evans avance que le fait de laisser des clients derrière soi ne crée pas de tensions avec l’ancien employeur, au contraire. Ces institutions sont généralement contentes de conserver plusieurs de ces clients. Parce que ce ne sont pas de mauvais clients, spécifie-t-il, mais plutôt des clients qui ne conviennent plus au conseiller.

Une firme qui s’adapte à ses conseillers « Il existe autant de types de conseiller que de conseillers », soutient quant à lui Bradley Miller, président et directeur-général de Sora Group Wealth Advisors, à Vancouver. Après avoir assimilé ce concept, la firme Sora a commencé à s’adapter aux différents styles de ses conseillers plutôt que de leur demander de s’adapter au style de l’entreprise.

« Les plus grandes institutions ont tendance à exiger une certaine uniformité, ajoute M. Miller. Les produits qu’ils offrent sont souvent le reflet de l’image que ces institutions souhaitent projeter, et ces institutions insistent pour que leurs canaux de distribution fassent la promotion des produits qu’ils souhaitent mettre de l’avant. En d’autres termes, ces firmes ont déjà une idée de l’image que leur groupe de conseillers doit projeter et de la façon dont ces derniers doivent aborder le marché. C’est de cette manière que l’industrie fonctionne. Mais pas nous! »

Bradley Miller a joint les raings de Sora il y a environ un an. Il croyait alors à une approche plus traditionnelle du métier de conseiller. « J’avais en tête ces images véhiculées par les publicités télé, où l’on voit un conseiller qui aide une famille. Mais après six mois à Sora, j’ai réalisé que nos clients sont aussi nos conseillers. Notre boulot est de les guider et non de leur dire quoi faire. On ne doit pas tenir un marteau au-dessus de leur tête en les obligeant à acheter tel ou tel produit. »

Des associés agréables Pourquoi l’industrie évolue-t-elle comme elle le fait présentement et pourquoi M. Miller fait-il les choses autrement? « L’industrie est un petit milieu, explique-t-il. Les cadres supérieurs ont débuté en tant que conseillers et ils ont tranquillement gravi les échelons. » Bradley Miller n’a, quant à lui, pas entamé sa carrière comme conseiller. Titulaire de deux diplômes en finance, il a travaillé pour des multinationales, dans les domaines du financement et de l’achat d’entreprises.

« Je ne pense pas qu’aucun autre membre de l’OCRCVM (Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières) fait les choses comme nous les faisons, ajoute-t-il. Pour l’instant, ça semble fonctionner. Nous avons doublé la valeur de nos actifs et triplé nos commissions brutes en un an seulement. Et nous l’avons fait en nous associant à deux groupes distincts de conseillers. »

Le premier groupe se concentre uniquement sur les fonds communs. « Il se spécialise plus particulièrement sur un style particulier d’investissement et ont une approche prudente (conservatrice) et qui prend en compte l’endettement. Les emprunts deviennent ainsi déductibles d’impôt, explique M. Miller. Ce groupe a créé la Manœuvre Smith (stratégie pour rendre les hypothèques déductibles d’impôt), qui est vraiment fiscalement avantageuse et bénéfique pour les clients. »

Ce groupe voulait s’associer à Sora parce qu’il souhaitait établir un partenariat avec une firme membre de l’OCRCVM. « Ce ne sont pas toutes les firmes membres de l’OCRCVM qui auraient accepté, avance Bradley Miller. Les produits que notre partenaire offre sont très ciblés et limités. » En ayant joignant Sora, ce groupe peut maintenant proposer à sa clientèle une gamme de produits plus vaste et ainsi mieux se concentrer sur ses activités de base.

Le deuxième groupe offre un tout autre type de services. « Ils accompagnent les petites entreprise » et les aident à s’intégrer aux marchés financiers et à obtenir des prêts. « Les deux groupes ont trouvé leur créneau ici. Nous recherchons des entrepreneurs qui veulent faire fonctionner leur entreprise avec le moins d’obstacles possible », dit M. Miller.

Changer de modèle d’entreprise Russ Doherty, directeur chez Doherty & Bryant Wealth Advisor à Calgary, a débuté dans le métier il y a 25 ans. Au milieu des années 1990, il a décidé qu’il était plus que nécessaire de changer le modèle d’affaires de son entreprise. Le travail était alors réalisé au coup par coup et les conseillers étaient payés à l’heure. « C’était devenu une situation désavantageuse. Le travail proactif était un handicap majeur », affirme-t-il. Par exemple, il était difficile d’analyser en profondeur le problème d’un client sans devoir obtenir au préalable son approbation.

D’un autre côté, les clients, qui payaient leur conseiller à l’heure, hésitaient à lui passer un coup de fil parce qu’ils ne voulaient pas augmenter leur facture. « En fin de compte, c’est devenu clair, tant pour la firme que pour les clients, que tout le monde serait mieux servi si les choses se déroulaient autrement », ajoute M. Doherty.

Comment la firme Doherty & Bryant s’est donc sorti de cette mauvaise passe? Elle a adopté une mode de rémunération à commissions, permettant ainsi à ses conseillers d’être plus à l’écoute de leurs clients et de pouvoir se concentrer sur tous les aspects des finances personnelles de leurs clients. Les conséquences ont été positives parce que, de revenus facturés à l’acte ou à la transaction, les revenus de la firme sont passés à des revenus annuels et relativement prévisibles. La firme a également attiré des clients dont la fortune est supérieure à un million de dollars.

Le changement a-t-il été rapide? « Ce fut un long processus afin d’atteindre ce nouveau modèle, avoue M. Doherty. Ça a pris plus de temps pour établir notre clientèle, mais aujourd’hui on peut dire que c’est une situation gagnante, tant pour nos clients que pour nous. »

Une autre petite firme vancouvéroise, Infiniti Wealth Management, a adopté une stratégie totalement opposée. Le directeur, Kash Chaudhri a fait ses débuts il y a 12 ans comme conseiller généraliste, mais il s’est spécialisé au fil des années. Il est désormais un conseiller spécialisé en assurance vie collective. Pendant dix ans, il a été le conseiller « de maman et de papa, assis de l’autre côté de la table de cuisine, illustre-t-il. Mais je ne voulais plus faire ça. Je travaillais chaque jour jusqu’à 20 h, y compris les fins de semaine. »

Il a donc décidé de changer son style de pratique en utilisant les assurances collectives comme moyen de réduire le taux d’imposition. « Parmi ma clientèle, il se trouvait quelques entrepreneurs, avec qui j’ai commencé à travailler, notamment sur les prestations de maladie ou de retraite. J’ai voulu voir comment celles-ci pouvaient être utilisées pour réduire les impôts. Étant moi-même propriétaire d’une entreprise, je trouvais que je partageais plusieurs points communs avec ces clients », explique M. Chaudhi.

Plusieurs de ces anciens clients sont partis. Certains, voyant que M. Chaudhi changeait sa façon de pratiquer, ont décidé de trouver un autre conseiller qui pourrait mieux répondre à leurs besoins. D’autres sont restés, même s’il se concentre presque uniquement sur sa nouvelle spécialité. Quant à savoir si ces entrepreneurs sont des clients satisfaits ou s’ils auraient préféré qu’il reste un généraliste, M. Chaudhi affirme que non, parce qu’ils « apprécient un conseiller spécialisé. C’est un domaine qui est assez compliqué. Ils sont contents d’avoir un conseiller qui sait ce qu’il fait. »

Renvoyer un client La plupart de vos clients indésirables ne sont pas des mauvais clients. Ils ne répondent tout simplement plus à vos critères. Cependant, même conserver seulement certains d’entre eux peut représenter une tache ardue. Voici quelques moyens de savoir qu’il est temps de dire « au revoir » :

  • Il trouve toujours à redire ou se moque de vos conseils.
  • Il vous cache des détails ou des changements de situation.
  • Il a besoin qu’on le « prenne par la main » dans toutes ses décisions.
  • Il fait montre de violence verbale.

Comment faire?

  • Notez toutes les fois où le client n’a pas suivi vos conseils.
  • Répétez avant de mettre un terme à votre relation d’affaires. Consultez un avocat ou un mentor, si nécessaire.
  • Soyez ferme. Dites-lui que vous ne pouvez plus répondre à ses besoins et qu’il serait mieux servi par un autre conseiller.
  • Soyez courtois. Certains conseillers proposent des courtages à commissions réduites ou un conseiller plus jeune.
  • Assurez-vous de conserver le dossier du client.
  • Prenez la résolution d’être plus pointilleux dans le choix de vos futurs clients et consacrez l’énergie que vous perdiez à vous stresser à propos de vos clients non rentables à aider ceux que vous avez conservés.
  • Ce texte est adapté d’un article paru sur Advisor.ca. Traduction par Anaïs Chabot.